immobilier commercial - Investir en Romandie
Des opportunités malgré une réglementation renforcée
Naef Commercial | Knight Frank publie son étude annuelle du marché suisse de l’immobilier, offrant une revue détaillée des dynamiques commerciales et d’investissement dans les principaux cantons de Suisse romande. Ce rapport offre une analyse approfondie des tendances de 2024 et des perspectives pour 2025, en mettant en lumière l’impact des récentes baisses de taux d’intérêt et des nouvelles conditions de financement pour les investisseurs. L’étude explore également les défis liés à la transition énergétique, dans un contexte où la réglementation devient de plus en plus contraignante. Enfin, l’évolution du marché des bureaux et du commerce de détail, les volumes de transaction et les profils d’investisseur sont passés au crible.
Les baisses successives du taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS) en 2024 – levier majeur pour soutenir l’économie – ont significativement influencé le marché de l’immobilier de rendement. En janvier 2025, le taux a atteint 0,5%, renforçant l’attractivité de l’investissement immobilier en permettant d’emprunter, à nouveau, à des taux d’intérêt bas. Cet engouement sera modéré par l’arrivée imminente de Bâle III, ensemble de régulations internationales qui doit rendre les banques plus résilientes face aux chocs financiers, mais entraîne des conditions d’octroi de financement plus strictes. Par ailleurs, les investisseurs se montrent plus sélectifs et privilégient les biens répondant aux nouvelles normes énergétiques et environnementales.
La transition énergétique au cœur des décisions d’investissement
L’étude met en évidence l’impact des objectifs et des contraintes énergétiques sur le marché immobilier, en particulier à Genève et Vaud. D’ici 2050, la Confédération vise à atteindre l’objectif «zéro émission de CO2»; ce but implique que l’énergie requise pour le chauffage et le refroidissement dans les foyers, les entreprises, les bâtiments publics et l’industrie provienne entièrement de sources d’énergie renouvelable et soit transformée de manière neutre en CO2. Cela englobe tant la production que la distribution de chaleur et de froid, ainsi que la chaleur de processus.
Cet objectif ambitieux pousse les investisseurs et propriétaires à accélérer la rénovation des bâtiments pour répondre aux nouvelles exigences. Malgré cela, dans les cantons de Genève et de Vaud, les délais pour la rénovation énergétique sont courts et le financement public encore insuffisant au regard des efforts à fournir. L’impact sur le marché n’a pas manqué de se faire ressentir en 2024, avec des institutionnels qui se séparaient d’immeubles ne répondant pas aux critères énergétiques de leurs fonds ou pour lesquels les ressources nécessaires pour un assainissement eussent été trop importantes. Dans le canton de Vaud, l’entrée en vigueur de la Loi cantonale sur l’énergie en 2026 influencera fortement les stratégies d’investissement.
Un marché commercial contrasté selon les quartiers
Dans le secteur commercial, les disparités entre zones sont marquées. A Genève, la rareté des surfaces prime en centre-ville maintient une pression haussière sur les loyers (jusqu’à 950 CHF/m²/an), tandis que l’augmentation des surfaces en périphérie complexifie l’absorption du marché. En 2024, le taux de vacance des bureaux dans le canton de Genève s’est établi à 10,1%, contre 10,9% en 2023, témoignant d’un léger recul mais traduisant néanmoins une offre excédentaire persistante. Certaines zones sont particulièrement concernées par cette situation comme Vernier (15,9%) et le secteur de l’aéroport/Grand-Saconnex/Meyrin (15,1%); en revanche, le centre-ville et le quartier Eaux-Vives/Champel/Florissant affichent des taux bien plus bas, respectivement 3,7% et 2,8%
Des projets d’envergure ont été livrés ces dernières années: l’Espace Tourbillon à Plan-Les-Ouates, Quartet aux Charmilles, le quartier de la gare de Lancy Pont-Rouge, l’Etang à Vernier. Ces projets connaissent une bonne absorption, même s’il faudra encore quelques années pour terminer de les remplir entièrement. Qu’est-ce qui fait le succès de ces surfaces? Elles répondent aux principaux critères de sélection d’une moyenne ou grande entreprise, tels que la proximité aux transports en commun et aux grands axes routiers, la flexibilité des plateaux et, finalement, les loyers souvent plus avantageux que ceux du centre-ville. Ces surfaces neuves disparaîtront rapidement des statistiques de la vacance genevoise. Seules les surfaces plus complexes, construites dans les années 60-70 et arrivant en fin de cycle, devront faire l’objet d’études pour une rénovation totale ou une réaffectation, faute de quoi elles risquent de rester inoccupées encore longtemps. Toutefois, bien que l’enjeu soit de taille, ces locaux ne représentent qu’un faible pourcentage du stock, soit environ 4%, selon les estimations de Naef Commercial | Knight Frank.
Plusieurs projets d’envergure sont en cours de développement et devraient dynamiser le marché genevois dans les prochaines années (voir tableau ci-dessus).
Estimation des loyers par quartier (Genève 2024).
Surfaces des bureaux et magasins / arcades vacants (Genève 2024).
Mutation du commerce suisse
Le marché du retail en Suisse est marqué par un dynamisme contrasté selon les segments et les villes. Les enseignes de luxe restent dominantes dans les emplacements premium où la demande dépasse l’offre, entraînant des loyers élevés et une vacance quasi nulle. A l’inverse, certaines enseignes historiques et segments plus traditionnels font face à des défis liés à l’évolution des habitudes de consommation et aux difficultés de renouvellement des baux. Les zones en transformation, combinant commerce, restauration et innovation, gagnent en attrait et redéfinissent «l’expérience shopping».
Avec la présence de marques emblématiques telles que Chanel, Dior, Gucci ou Louis Vuitton, le secteur du luxe domine le paysage commercial genevois. L’axe rue du Rhône – rue du Marché, sur la rive gauche, reste le cœur du commerce haut de gamme, où les valeurs locatives atteignent des sommets. Les loyers «prime» y oscillent entre 3500 et 5500 CHF/m²/an sur la rue du Rhône et entre 3250 et 2000 CHF/m²/an sur les rues du Marché et de la Croix d’Or.
Lausanne, bien que bénéficiant d’un fort pouvoir d’achat, peine à attirer des marques de luxe et se concentre sur une offre plus généraliste. Zurich, quant à elle, s’impose comme la capitale suisse du commerce de détail, avec une demande toujours soutenue pour les emplacements prime, notamment sur la Bahnhofstrasse.
Tendances de l’investissement
Durant l’année écoulée, les institutionnels ont réalisé fortes levées de fonds, bien plus importantes qu’en 2023. Alors, pourquoi cela ne se reflète-t-il pas dans les résultats des transactions de l’année écoulée? Tout d’abord, ces levées de fonds servent également à la rénovation des parcs immobiliers existants. Ainsi, seule une partie des montants est allouée à l’acquisition de nouveaux immeubles. Ensuite, le délai moyen de négociation pour une transaction étant d’environ quatre à six mois, un grand nombre d’entre elles se concluront en 2025. Enfin, les critères d’acquisition ont considérablement évolué depuis les nouvelles contraintes liées aux rénovations énergétiques. En effet, la valeur des immeubles mis en vente est désormais systématiquement ajustée en fonction des travaux de rénovation énergétique nécessaires pour répondre aux nouvelles normes en vigueur. Dans ce contexte, les négociations lors des transactions sont plus longues et les offres d’intention présentées à l’issue des expertises ne satisfont pas toujours les vendeurs, qui renoncent parfois à céder leur bien.
L’immobilier de rendement en Suisse romande continue d’attirer les investisseurs, soutenu par plusieurs facteurs structurels: une abondance de liquidités, un manque d’alternatives de placements séduisants et des rendements obligataires historiquement bas. Ces éléments favorisent une demande soutenue, bien que les dynamiques varient selon les régions. L’intérêt des investisseurs pour les différentes zones de Suisse romande repose principalement sur l’accessibilité aux infrastructures, le dynamisme économique et la croissance de l’emploi ainsi que la forte demande en logements.
A Genève, depuis trois ans, le volume des ventes poursuit sa tendance baissière. Tant les immeubles résidentiels, mixtes que commerciaux sont concernés par cette baisse. Un fait marquant est l’absence de transaction supérieure à 100 millions de francs. Elles contribuaient auparavant de manière significative au volume global des ventes. La part des ventes d’immeubles résidentiels ne cesse de croître, atteignant 77% en 2024, un niveau bien supérieur à la moyenne de 64% enregistrée au cours de ces cinq dernières années.
Dans le canton de Vaud, la demande pour les logements de qualité reste soutenue malgré une offre limitée, notamment à Lausanne et Nyon. Quant à eux, les immeubles commerciaux peinent à séduire les investisseurs en raison d’un risque de vacance.
Top 10 des transactions.
Répartition par affectation (mios CHF).
Répartition par affectation (en %).
Un marché de plus en plus sélectif
Après plusieurs années de correction des valorisations, 2025 pourrait marquer une stabilisation du marché immobilier d’investissement. Les investisseurs s’adaptent progressivement aux nouvelles conditions économiques et environnementales, encouragés par la baisse des taux directeurs de la BNS, qui facilite l’accès au financement et stimule la demande.
Le marché de l’immobilier commercial fait face à une augmentation des surfaces vacantes due à la livraison de nombreux immeubles neufs, mettant sous pression l’absorption et les valeurs locatives. Les bâtiments modernes et bien connectés trouvent plus facilement preneur, tandis que les immeubles anciens, souvent obsolètes, peinent – sans rénovation ou réaffectation – à attirer des locataires. La demande reste forte pour les emplacements centraux et accessibles, maintenant une tension sur les loyers dans ces secteurs porteurs. A Genève par exemple, la plupart des investisseurs assurent, en fin d’année 2024, ne plus s’intéresser à des immeubles à rénover sans un rendement brut de 4% à 4,5% au minimum, selon l’état général et l’emplacement. La poursuite de la transition énergétique sera un facteur déterminant dans les décisions d’investissement, avec une attention particulière portée à la rénovation des actifs immobiliers.
De manière générale, la baisse des taux d’intérêt pourrait soutenir le marché suisse romand, facilitant le financement des acquisitions et favorisant un regain d’activité. Toutefois, la prudence reste de mise face aux incertitudes économiques.
Véronique Stein
L’étude complète
peut être téléchargée sous :
www.naef-commercial.ch/fr/etudes-actualites/marche-de-l-immobilier-commercial-suisse-retrospective-2024-et-perspectives-2025