Il est recommandé, avant d’entreprendre des travaux, de vérifier si l’immeuble est protégé.

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Des immeubles très protégés

29 Juin 2022 | Articles de Une

La protection du patrimoine immobilier du canton de Genève repose sur plusieurs régimes juridiques différents. Chaque type de mesure de protection entraîne des restrictions aux droits du propriétaire de rénover ou de transformer son immeuble, voire de le démolir. Ces contraintes diffèrent d’une mesure à l’autre.

Le détail de ces contraintes et les procédures applicables ne font pas l’objet de cet article. Elles sont présentées dans l’ouvrage «Droit genevois de la construction» publié par le soussigné en 2021 (voir à cet égard le Journal de l’Immobilier No 34, du 1er juin 2022, disponible sur www.jim.media). Dans tous les cas, la Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) sera amenée à rendre un préavis, dont le poids est important, pour autant, bien sûr, qu’il respecte la loi. Nous présentons ici les régimes applicables.

Les zones protégées

En premier lieu, des plans d’affectation du sol délimitent des zones protégées à l’intérieur d’une zone à bâtir ordinaire ou de développement. Elles ont pour but la protection de l’aménagement et du caractère architectural des quartiers et localités considérés. L’on pense en particulier aux villages protégés.
Certaines zones protégées sont directement instituées par la loi. Il s’agit de la Vieille Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, du Vieux-Carouge et du secteur Rôtisserie-Pélisserie. Ces zones font l’objet de dispositions particulières de la LCI.
A cela, il faut ajouter les eaux publiques et privées, ainsi que leurs rives telles que définies par la loi sur les eaux, sans oublier les rives du lac, du Rhône et de l’Arve.

Les ensembles protégés

Les ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle, régis par la «loi Blondel», adoptée en 1983 pour sauvegarder les immeubles de l’époque fazyste,, font également partie des zones protégées.
La liste indicative de ces ensembles a été mise à jour en décembre 2020. Elle comprend 250 ensembles, soit 1955 immeubles. Il est intéressant de noter que lors de l’adoption de la loi Blondel, la liste des ensembles concernés en comportait huit. Lors des débats, Christian Grobet, conseiller d’Etat, avait assuré: «Il y en aura peut-être deux ou trois de plus».
La notion d’ensemble protégé a ainsi été étendue, de manière à notre avis exagérée, et ce alors même qu’aucune procédure ne permet au propriétaire de faire valoir ses droits en amont de l’inscription de son immeuble sur la liste indicative. Or, cette mesure entraîne des restrictions importantes aux possibilités de rénover et transformer les immeubles concernés.

La LPMNS

En sus de l’adoption de zone protégées, la loi prévoit également des mesures spécifiques fondées sur la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites.
De manière générale, le patrimoine architectural et les sites du canton font l’objet d’un recensement fondé sur des critères historiques, artistiques, techniques, urbanistiques et de situation. Ce recensement n’a pas d’effets juridiques directs. C’est un instrument de référence utilisé dans le cadre de procédures d’autorisation de construire et de planification.
Le premier instrument contraignant introduit par la LPMNS est le plan de site. Ces plans protègent les paysages caractéristiques, tels que rives, coteaux et points de vue, et les ensembles bâtis qui méritent d’être protégés pour eux-mêmes ou en raison de leur situation privilégiée. Ils déterminent notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l’amélioration des lieux et les conditions relatives aux constructions (implantation, garage, volume, aspect, destination).
Pour assurer la protection d’un immeuble, il peut par ailleurs être procédé à son classement. En termes de protection du patrimoine, il s’agit de la mesure la plus contraignante. A titre d’exemple, de simples travaux d’entretien doivent faire l’objet d’une autorisation. La valeur de l’immeuble attribuée par le recensement permet de savoir si son classement est justifié.
Enfin, la LPMNS prévoit l’instrument de la mise inventaire des immeubles dignes d’être protégés. Cette mesure sera privilégiée lorsque la valeur attribuée à un immeuble par le recensement ne justifie pas son classement. Alors que jusqu’en 2000, l’inscription à l’inventaire n’avait pas d’effet direct sur la possibilité de transformer l’immeuble, cette mesure a désormais une portée de protection réelle. Il s’agit en réalité d’un quasi-classement.
Contrairement à l’inscription d’un immeuble sur la liste des ensembles protégés du XIXe siècle et du début du XXe siècle, l’adoption d’un plan de site, le classement et la mise à l’inventaire font l’objet de procédures spécifiques, qui permettent aux propriétaires concernés de faire valoir leurs droits.
La LPMNS permet également au Département de prendre, en cas d’atteinte ou de danger imminent, des mesures de sauvegarde appropriées. Il peut notamment ordonner l’arrêt immédiat des travaux et, le cas échéant, le rétablissement de l’état antérieur des lieux. Si aucune mesure en vue d’un classement de l’immeuble n’a été ouverte dans un délai de six mois, qui peut être prolongé par le Conseil d’Etat, les mesures conservatoires sont caduques.
On le voit, les mesures de protection de la valeur patrimoniale d’un immeuble sont nombreuses et variées. Il se peut même que le propriétaire n’en soit pas informé. Il est ainsi recommandé, avant d’entreprendre des travaux, de vérifier si l’immeuble est protégé et, le cas échéant, de se renseigner sur les contraintes que cela implique.

 

Mark Muller
ETUDE MULLER & FABJAN – DROIT IMMOBILIER

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