Yves Nidegger a relancé la production de l’historique champignonnière de Cartigny, où il a commencé de produire et de commercialiser des shiitake japonais et des pleurotes.

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TRAJECTOIRES - Yves Nidegger

Des Chambres fédérales à la terre villageoise

14 Juin 2023 | Articles de Une

Comme Cincinnatus, il retourne à sa charrue! Après seize ans au Conseil national sur les bancs de l’UDC, l’avocat genevois Yves Nidegger a décidé, à 66 ans, de se lancer dans la culture des champignons. Il a repris un domaine à Cartigny/GE qu’il a déjà commencé à exploiter avec son fils Jérôme.

Un changement de vie, un retour à la terre, une envie de nature et de vérité… Avocat et conseiller national UDC pendant seize ans, jusqu’à sa démission le 11 mai dernier à 17 heures, à l’instant même où il est redevenu député au Grand Conseil genevois, Yves Nidegger a décidé de laisser parler sa fibre verte et d’entamer une nouvelle carrière loin du monde ordonné et codifié du Parlement fédéral à Berne. Il a relancé la production de l’historique champignonnière de Cartigny (1946), sur un domaine de trois hectares où il a commencé de produire et de commercialiser des shiitake japonais et des pleurotes. Le nom de sa société: «Les Champignons de Cartigny». Cavalier émérite, il va aussi acheter un cheval pour parcourir la campagne environnante et prendre au quotidien de grands bains de nature. Il va enfin déménager son étude d’avocat dans son nouveau domaine!

«Cultiver la terre, choix stratégique»

«J’ai quitté le cénacle bernois pour me réenraciner dans ma campagne genevoise, explique Yves Nidegger. Le monde est instable, on vit des temps qui s’annoncent troublés pour plusieurs décennies. Pour moi, cultiver la terre et produire localement est un choix stratégique. On est devenus dépendants des marchés étrangers, avec les risques sur nos approvisionnements, et nous devons absolument dynamiser la production indigène. Les champignons offrent une source de protéines non carnées, en proportion supérieure aux légumes».
C’est un peu par hasard, par l’intermédiaire d’un client, que l’avocat genevois a découvert ce monde des champignons qu’il a trouvé tout de suite fascinant et qu’il maîtrise désormais de manière impressionnante. Il a proposé à son fils Jérôme, 34 ans, de se joindre à l’aventure et de travailler avec lui. Même si son parti, l’UDC, est considéré comme l’ennemi public numéro 1 des Verts, Yves Nidegger n’a jamais caché qu’il avait été très écolo à 20 ans et qu’il lui en était resté quelque chose. «J’ai manifesté contre la centrale nucléaire de Creys-Malville, je me suis pris des coups de matraque des CRS», apprend-on. C’est sans aucun doute son grand-père, Jules Nidegger, qui lui a donné ce sentiment et ce besoin de nature.
«Mon grand-père était un homme extraordinaire, se souvient-il. Il a vécu jusqu’à 109 ans et il a été quelque temps l’homme le plus âgé de Suisse. Il fut un écologiste engagé, un vrai, vingt ans avant la récupération politique de cette cause par la gauche. Il était prof de sciences naturelles au Collège d’Echallens/VD jusqu’à sa retraite en 1958 et a travaillé ensuite comme journaliste: il était critique d’art, parlait des expositions de peinture et des concerts. Il a écrit son dernier article à 107 ans. La famille avait deux domaines en Gruyère, un à Semsales/FR, l’autre à Echarlens/FR. Enfant, je l’ai beaucoup accompagné. Passionné d’ornithologie, il passait tous ses étés avec les vaches dans un chalet d’alpage pour dessiner. Il connaissait tout! C’était un esprit libre et audacieux. Je me rappelle qu’il était allé chercher des lynx en Yougoslavie. C’était encore l’époque de Tito. Il les avait lâchés clandestinement dans le parc national des Grisons, pour que la population de cerfs en forte croissance se régule d’une façon naturelle. Il passait aussi son temps à lancer des référendums contre les projets d’extension de l’aéroport de la Blécherette à Lausanne».

Convoqué à 106 ans

En l’an 1999, Jules Nidegger reçoit une lettre du Département de l’instruction publique, dont l’ordinateur s’est un peu emmêlé dans les zéros. Il est convoqué pour sa première année de scolarité obligatoire, puisqu’il a atteint l’âge de 6 ans. Le valeureux centenaire arrive donc à l’école, tout fringant, le jour de la rentrée des classes, avec sa convocation à la main. La maîtresse d’école est la petite-fille de l’un de ses anciens élèves et elle lui dit qu’il peut rentrer à la maison…

 

Robert Habel

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