économie
Cultiver sous serre et faire de la lutte intégrée, le modèle d’avenir défendu par Jeremy Blondin au domaine des Mattines
Avec ses quatre hectares de cultures produisant près de 1000 tonnes de fruits et légumes chaque année, Jeremy Blondin, maraîcher à Genève et représentant de la sixième génération, a une approche très spécifique et moderne de la culture. Le travail du maraîcher doit reposer sur une idée simple: les plantes sont des sportives d’élite qu’il s’agit de protéger en leur offrant un environnement optimal. La gestion sous serre permet de contrôler l’humidité, la température et d’éviter la présence de ravageurs ou de maladies. Une méthode de production, fondée comme dans la médecine chinoise sur la prévention, où un monitoring tant humain que technologique pointilleux et une coopération étroite avec la nature permettent de produire des récoltes saines et savoureuses.
La lutte intégrée: des alliés aux multiples talents
Pour protéger les plantes des ravageurs, Jeremy Blondin mise sur les insectes auxiliaires, comme le macrolophus, un insecte allié polyvalent introduit dès les premières plantations en janvier. Avant que les ravageurs ne se manifestent, on nourrit ces auxiliaires pour qu’ils soient prêts à défendre les cultures au moment opportun; et le maraîcher d’expliquer que ce macrolophus se nourrit d’une grande variété d’insectes, mais que sa faim limitée ne suffit pas toujours: «Nous introduisons d’autres insectes pour gérer des problèmes spécifiques, ce qui nous permet de maintenir un équilibre au sein des serres».
La prévention est cruciale, car une réaction tardive laisse le champ libre aux nuisibles. En dernier recours, des traitements biologiques peuvent être appliqués, et les traitements de synthèse ne sont utilisés qu’en cas d’absolue nécessité. Depuis trois ans, les efforts portent leurs fruits et les tomates du domaine bénéficient désormais d’un label «Sans pesticide de synthèse», un engagement que Jeremy tient à souligner: «Nous voulons offrir une qualité de produit qui justifie un prix correct et que les consommateurs soient prêts à soutenir en nous privilégiant sur les étals des magasins».
Les bourdons, partenaires
de la pollinisation
Pour que chaque fleur de tomate se transforme en fruit, une pollinisation efficace est nécessaire. Elle était autrefois effectuée fastidieusement à l’aide d’un pinceau. Le domaine des Mattines installe aujourd’hui des ruches de bourdons dans ses serres. Contrairement à leurs cousines les abeilles qui explorent des kilomètres, les bourdons parcourent toujours le même chemin, favorisant une pollinisation régulière.
Les bourdons jouent un rôle essentiel dans la production de tomates, de mars à novembre, mais des ajustements sont nécessaires en période de canicule: «Les bourdons sont plutôt fainéants et ne s’aventurent pas très loin des ruches. C’est un avantage, mais quand il fait trop chaud, les bourdons sont moins actifs; il nous faut donc parfois augmenter leur nombre pour assurer la production», précise Jeremy Blondin.
Une culture sous serre, pour une gestion optimale des ressources
Les pratiques culturales sous serre permettent un contrôle précis de la qualité des fruits et légumes. Selon le maraîcher, «contrairement aux idées reçues, la terre ne joue aucun rôle dans le goût d’un fruit ou d’un légume. Pas moins de 80% du goût proviennent de la variété. Le reste dépend de l’irrigation. Trop d’eau dilue le goût; un arrosage limité le concentre, à la manière d’un sirop». Les serres permettent également de gérer les apports en sels minéraux et de maintenir les plantes dans un état de «stress léger» pour stimuler leur productivité. Grâce à ces pratiques, les ressources sont optimisées et la production est moins exposée aux aléas climatiques.
Cependant, cette approche soulève une question cruciale: la certification bio suisse exige que les plantes soient cultivées en pleine terre, une contrainte que Jeremy Blondin trouve infondée. «Les substrats hors sol sont moins sujets aux maladies véhiculées dans le sol et permettent de mieux gérer les ressources naturelles», argumente-t-il.
Adaptation et innovation: des
réponses au changement climatique
Avec les changements climatiques, les cultures maraîchères genevoises connaissent de nouvelles possibilités, mais aussi de nouveaux défis. En plus des cultures traditionnelles, des essais sont menés à Genève pour cultiver des plantes comme le melon ou l’olivier. Mais l’arrivée d’insectes étrangers qui ne s’arrêtent pas aux frontières, comme la punaise japonaise, pose des défis dans les serres genevoises. Une solution respectueuse de l’environnement existe, mais n’est pas encore homologuée en Suisse. Un exemple parmi d’autre de la complexité du travail des maraîchers.
Développer et tester de nouvelles variétés est clef de l’avenir de l’agriculture. «Chaque année, nous testons des dizaines de variétés pour déterminer lesquelles s’adapteront aux conditions locales», explique le maraîcher. En cas de succès, ces essais élargiront l’offre de produits, contribuant ainsi à la diversité.
Un avenir technique et durable
Pour Jeremy Blondin, les technologies modernes représentent une opportunité unique de faire évoluer les pratiques agricoles. «Nos serres sont équipées de capteurs pour le CO2, l’humidité, la lumière et la température,» détaille-t-il – un suivi qui détecte les besoins des plantes et les gère en temps réel. L’intelligence artificielle est aussi en passe de transformer le suivi des cultures, en analysant l’état des plantes et leur production en temps réel. «Alors que le salaire agricole genevois est le plus cher au monde, nous n’avons pas d’autre choix que d’innover pour répondre aux enjeux économiques et environnementaux», conclut-il.
Face à la concurrence internationale et aux attentes des consommateurs, l’Union Maraîchère de Genève (UMG) et les producteurs comme Jeremy Blondin relèvent des défis de taille pour garantir une production locale de haute qualité. En misant sur la technologie et en préservant les ressources, ils entendent offrir aux Genevois des fruits et légumes qui répondent aux attentes des consommateurs en matière de qualité et de goût, mais également aux normes suisses, qui sont les plus strictes au monde.
Joël Lucas
Bourdon pollinisateur.
GROS PLAN
A propos de l’Office de promotion des produits agricoles de Genève
L’Office de promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE) est une Fondation de droit privé, créée en 1995 dans le but de promouvoir les produits agricoles de la région genevoise. Le Conseil de Fondation de l’OPAGE est composé de représentants de toutes les filières agricoles du canton, d’AgriGenève et de l’Etat de Genève. Depuis 2009, l’OPAGE est installé dans la Maison du Terroir située à Lully, dans laquelle sont organisés, tout au long de l’année, des cours et événements autour des produits du terroir.
L’action de l’OPAGE s’appuie notamment sur la loi sur la promotion de l’agriculture du 21 octobre 2004 (LPromAgr M 2 05) et son règlement d’application du 6 décembre 2004 (RPromAgr M 2 05.01), la loi sur la viticulture du 17 mars 2000 (LVit M 2 50) et son règlement d’application du 20 mai 2009 (RVV M 2 50.05), le contrat de prestations quadriennal passé avec l’Etat de Genève.
Pour plus d’information
https://www.geneveterroir.ch