MARCHÉ IMMOBILIER - Analyse de Wüest Partner pour le Journal de l’Immobilier
Contexte économique: vers de nouvelles baisses de taux d’intérêt?
La baisse de l’inflation et des taux d’intérêt se poursuit en Suisse. En octobre 2024, l’inflation s’établissait à seulement 0,6%, retrouvant ainsi sa moyenne des dix dernières années. Selon les dernières prévisions, ce faible niveau devrait se maintenir en 2025.
Le marché du logement en propriété connaît actuellement un essor important,
Avec l’affaiblissement des pressions inflationnistes, la Banque nationale suisse (BNS) a déjà réduit son taux directeur à trois reprises cette année, le faisant passer de 1,75% à 1,0%. Et de nouvelles baisses de taux sont probables dans les prochains mois. Outre le faible niveau de l’inflation, les baisses de taux anticipées des autres grandes banques centrales, comme la BCE et la Fed, ainsi que la force persistante du franc suisse, pourraient également y contribuer. Nous prévoyons ainsi que le taux directeur pourrait descendre jusqu’à 0,5% d’ici à la mi-2025.
Le secteur immobilier, en particulier, ressent déjà les effets de cette politique monétaire plus accommodante. Premièrement, la baisse des taux directeurs a entraîné une diminution significative des taux hypothécaires, réduisant ainsi les coûts de financement pour les acheteurs. Cette situation stimule fortement la demande de logement en propriété, relançant une dynamique haussière sur les prix. Deuxièmement, la baisse des rendements obligataires limite les alternatives de placement pour les investisseurs, renforçant leur intérêt pour l’immobilier. Cela s’observe également dans le domaine de la construction: les projets deviennent plus rentables et le nombre de permis de construire repart à la hausse, ce qui devrait entraîner une augmentation de l’offre de logements neufs dans les années à venir.
Enfin, pour les locataires, une baisse prévisible du taux de référence hypothécaire pourrait se traduire par une diminution des loyers des baux en cours. Toutefois, la situation devrait rester tendue pour les nouveaux locataires ou ceux en quête de logement, en raison de la pénurie persistante sur le marché.
Logements en propriété: les prix devraient croître en 2025
Le marché du logement en propriété connaît actuellement un essor important, porté par une demande en hausse. La principale raison de cet engouement réside dans la baisse significative des taux d’intérêt hypothécaires. En septembre 2024, le taux des hypothèques fixes à 10 ans s’établissait à 1,9%, contre 3,2% au pic d’octobre 2022. Cela représente une baisse d’environ 40% des coûts de financement annuels pour un logement en propriété en deux ans, malgré la hausse des prix des villas et PPE sur cette période. Prenons l’exemple d’une PPE moyenne dans le canton Vaud, coûtant 1,3 million de francs en septembre 2024: un acheteur économiserait environ 12 500 francs par an sur ses coûts de financement par rapport à un achat effectué en octobre 2022. Dans le canton de Genève, où une PPE moyenne coûte 1,8 million de francs, cette économie annuelle serait encore plus significative, atteignant près de 17 000 francs.
A cette baisse des taux s’ajoutent plusieurs autres facteurs favorisant la demande, notamment une situation tendue sur le marché locatif, une croissance démographique soutenue (+1,1% prévu en 2024 au niveau national) et un contexte économique globalement favorable.
Du côté de la construction neuve, bien que l’on observe actuellement un regain d’activité, les nouveaux projets disponibles sur le marché aujourd’hui proviennent en grande partie de permis de construire délivrés en 2022 et 2023, période où ils étaient globalement peu nombreux. La construction de maisons individuelles a particulièrement reculé. Dans de nombreux cas, d’anciennes villas sont même démolies pour laisser place à des immeubles multifamiliaux, surtout dans les zones urbaines et périurbaines. Si cette tendance permet une utilisation plus efficace du terrain constructible, elle réduit toutefois l’offre de maisons individuelles, particulièrement prisées.
Ces évolutions ont accéléré la dynamique des prix. Au 3e trimestre 2024, les prix des PPE ont progressé de 4,8% sur un an au niveau national, un rythme nettement supérieur à la moyenne des dix dernières années. Les maisons individuelles ont enregistré une hausse de 3,5% sur la même période. Parmi les cantons romands, Fribourg et le Valais continuent d’afficher des taux de croissance supérieurs à la moyenne suisse, tandis que Genève et Vaud, les cantons les plus chers, enregistrent des hausses plus modérées. A Genève, les prix des villas ont même légèrement reculé au cours des douze derniers mois (-0,4%).
Pour l’année 2025, la tendance haussière des prix devrait se poursuivre. Nous prévoyons une augmentation de 3,0% pour les PPE dans l’Arc lémanique et en Valais. En revanche, la hausse des prix des maisons individuelles dans l’Arc lémanique devrait être plus modérée, atteignant seulement 1,3%. A l’inverse, le Valais pourrait enregistrer une progression plus marquée, de 3,7%.
Atlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Vaud.
Atlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Genève.
Logements locatifs: évolution à deux vitesses
L’activité de construction de logement locatif montre actuellement de nouveaux signes de dynamisme. La forte demande, le faible risque de vacance et la baisse des taux d’intérêt rendent les projets de construction plus attrayants. A l’échelle nationale, cet élan se traduit par une augmentation de 7% sur un an des permis de construire accordés pour des logements locatifs, et même de 16% pour les demandes de permis. En Suisse romande, le regain d’activité est particulièrement prononcé dans les cantons de Genève et de Neuchâtel. De manière générale, la reprise s’opère toutefois depuis un niveau bas, en comparaison historique, et il faudra encore du temps avant que les projets en cours soient achevés et mis sur le marché.
A court terme, la situation reste très tendue sur le marché locatif. En 2024, le nombre de logements vacants a encore diminué de 5% par rapport à 2023, et cette baisse atteint même 34% par rapport à 2020. Cette tension se reflète également dans le recul significatif des annonces: au 3e trimestre 2024, environ 103 000 logements étaient disponibles à la location, contre 168 000 au même trimestre en 2019, soit une chute de près de 40%. L’offre de logements locatifs bon marché est particulièrement affectée: le nombre de logements coûtant moins de 200 CHF/m²/an a diminué de 60% sur la même période. En revanche, l’offre de logements plus onéreux s’est élargie: les biens coûtant plus de 320 CHF/m²/an représentent désormais 30% des annonces, contre seulement 15% en 2019.
Parmi les cantons romands, Fribourg et le Valais ont enregistré les plus fortes diminutions de l’offre au cours des cinq dernières années, avec une réduction d’environ 55% du nombre d’annonces de logements locatifs, suivis par Vaud avec -45%. A Genève, la baisse a été moins marquée (-15 % sur cinq ans), mais c’est un canton où l’offre était déjà très limitée en 2019. Le regain de la construction dans ce canton depuis 2023 a aussi pu contribuer à atténuer la pénurie.
Les loyers, quant à eux, continuent de grimper. Les loyers de l’offre (basés sur les annonces de logements locatifs, après ajustement des différences de qualité des biens proposés), affichent des hausses allant de 2,7% dans le Jura et jusqu’à 7,3% dans le canton du Valais entre le 3e trimestre 2023 et le 3e trimestre 2024. Il convient de noter que les hausses des loyers de l’offre touchent principalement les locataires à la recherche d’un nouveau logement. Pour les locataires déjà en place, les hausses de loyers ont été légèrement moins prononcées, mais atteignaient tout de même 3,9% en moyenne nationale au cours des 12 derniers mois.
Pour 2025, nous nous attendons à une évolution des loyers à deux vitesses. Pour les locataires installés, une baisse des loyers est réaliste. La diminution des taux d’intérêt en 2024 devrait entraîner une réduction du taux de référence hypothécaire, ce qui permettrait à de nombreux locataires de solliciter une baisse de leur loyer. En revanche, pour les locataires qui doivent ou souhaitent déménager, les loyers devraient continuer à augmenter, bien que de manière plus modérée. A l’échelle nationale, une hausse de 1,9% des loyers de l’offre est attendue pour 2025. Dans certains cantons, comme le Valais (+4,0%) et Genève (+2,4%), ces augmentations pourraient être plus marquées. A l’inverse, la Suisse occidentale pourrait bénéficier d’une accalmie, avec une hausse limitée à 0,7%.
CORINNE DUBOIS, VINCENT CLAPASSON
©WÜEST PARTNER SA
ET LE JOURNAL DE L’IMMOBILIER
Logement
Les attentes et préférences des seniors
Les besoins et aspirations des personnes âgées en matière de logement suscitent un intérêt croissant (voir notamment l’article de Michel Levron dans le Journal de l’Immobilier No 144, du 13 novembre 2024: «Logement social – L’exemple des seniors français», disponible sur www.jim.media). Les enjeux démographiques sont clairs: la Suisse compte actuellement 1,75 million de personnes âgées de plus de 65 ans, un chiffre qui pourrait augmenter de près d’un million d’ici 2050. Le nombre des plus de 80 ans devrait même plus que doubler grâce à l’allongement de l’espérance de vie et au vieillissement progressif de la génération des baby-boomers. En Suisse romande, ces évolutions sont tout aussi marquées: à Fribourg, les plus de 80 ans devraient presque tripler d’ici 2050 (il s’agit du taux de croissance le plus rapide de Suisse), tandis que les cantons de Vaud et Valais connaîtront les plus fortes augmentations en chiffres absolus (+50 300 et +31 100, respectivement).
Mais comment cette tranche d’âge envisage-t-elle son avenir en matière de logement? Ces personnes sont-elles prêtes à déménager et changer leur cadre de vie? Et quels sont leurs aspirations et critères prioritaires? L’enquête Immo-Barometer 2024, réalisée par Wüest Partner en collaboration avec la Société suisse des propriétaires fonciers (HEV) et l’Association suisse de l’économie immobilière (SVIT Suisse), a exploré ces questions. Menée auprès d’un échantillon représentatif de 1000 ménages, elle s’est particulièrement intéressée aux plus de 50 ans, une tranche d’âge déjà encline à réfléchir aux besoins liés à un logement adapté à leurs vieux jours.
Des seniors plus mobiles qu’on
ne l’imagine
Les résultats de l’enquête révèlent des tendances parfois inattendues. Une large majorité des répondants envisagent de changer de logement en vieillissant: trois quarts des locataires et plus de deux tiers des propriétaires se disent prêts à quitter leur domicile pour mieux adapter leur cadre de vie à leur âge avancé. Cependant, les propriétaires d’appartements en PPE semblent les moins disposés à déménager. Cela peut découler du fait que la PPE offre des caractéristiques qui répondent déjà aux besoins de nombreuses personnes âgées, notamment une meilleure accessibilité et des surfaces habitables plus réduites, de plus faibles coûts d’entretien et de logement (grâce aux remboursements hypothécaires déjà effectués).
Les raisons qui poussent à
déménager
Les motivations à envisager un déménagement dans ses vieux jours varient selon le type de logement. Les locataires de plus de 50 ans citent principalement des raisons financières, comme des loyers trop élevés. De leur côté, les propriétaires, en particulier ceux de maisons individuelles, évoquent plutôt le poids de l’entretien de leur habitation et l’espace trop vaste. Avec l’âge, entretenir une maison ou un jardin devient difficile pour beaucoup. Cela explique l’attrait croissant pour des logements plus petits, plus faciles à entretenir et surtout dépourvus d’obstacles.
Une mobilité géographique
limitée
Un autre aspect étudié concerne la distance envisagée pour un éventuel déménagement. Une majorité des répondants (60% à 75%, selon les types d’habitat) se disent prêts à quitter leur quartier ou leur commune. En revanche, seuls 30% envisageraient de déménager dans un autre canton ou plus loin. Ces résultats témoignent d’une certaine flexibilité, mais également d’un attachement fort à leur région, notamment pour rester proches de leur cercle social et familial.
Souces : OFS, modèles de prévisions de la population de Wüest Partner.
Évolution du nombre de personnes de plus de 80 ans dans les cantons romands.
Question: quelles sont les raisons qui vous poussent à envisager de déménager lorsque vous serez plus âgé?
Question: envisagez-vous de changer de logement en vieillissant, c’est-à-dire de quitter votre appartement ou votre maison actuelle?
Question: dans quel rayon autour de votre résidence actuelle envisageriez-vous de chercher un appartement ou une maison à un âge plus avancé?
Question: Quel type de logement préféreriez-vous si vous deviez déménager en vieillissant?
Les attentes des seniors: entre autonomie et lien social
Finalement, l’enquête met en lumière les souhaits et priorités des seniors en matière de logement. La majorité des répondants privilégient des appartements classiques, un choix qui traduit leur désir de conserver une autonomie maximale. Cependant, près de 75% se disent également prêts à vivre dans un logement intergénérationnel, témoignant de leur ouverture à des modes de vie favorisant les interactions sociales et luttant contre l’isolement.
A l’inverse, les maisons de retraite et de soins suscitent nettement moins d’enthousiasme. Ce type de logement est généralement envisagé seulement en cas de problèmes de santé rendant la vie autonome impossible.
Pour ce qui est des critères recherchés, les aspects financiers et l’autonomie restent au cœur des préoccupations des seniors. Le critère le plus important demeure ainsi un loyer aborable. Mais la proximité des commerces, une bonne desserte en transports publics et l’accessibilité du logement sont également plébiscités. Ces aspects sont particulièrement importants à un âge avancé, car ils permettent justement de maintenir l’autonomie le plus longtemps possible. D’autres critères tels que la proximité d’activités sociales et culturelles, d’espaces verts ou même de leurs proches, bien qu’importants, passent au second plan face aux considérations économiques et pratiques qui dominent les choix résidentiels à un âge avancé.
En conclusion, l’enquête révèle une certaine flexibilité et une réelle volonté d’adaptation de la part des seniors concernant leur logement. Ils expriment notamment un intérêt pour des solutions permettant de réduire les coûts, d’habiter des logements plus petits, accessibles et proches des commodités, afin de préserver leur autonomie le plus longtemps possible. Cependant, le manque d’offre adaptée sur le marché, combiné aux écarts importants entre les loyers des baux existants et ceux des nouvelles offres, constitue un frein majeur à ces aspirations. Développer des logements accessibles et adaptés aux besoins des seniors apparaît donc essentiel, non seulement pour répondre à leurs attentes, mais aussi pour libérer des logements familiaux et fluidifier le marché.