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Un séminaire de la BCGE

Conséquences de la transition énergétique pour les propriétaires de villa

16 Nov 2022 | Articles de Une

Genève est-elle prête pour la transition énergétique ambitieuse voulue par Berne et par le Conseil d’Etat? Quelles en seront les conséquences pour les propriétaires de villa? Ces questions étaient au cœur d’une soirée organisée pour ses clients privés par la Banque cantonale de Genève (BCGE), jeudi dernier à l’Hôtel Métropole.

Genève est-elle prête pour la transition énergétique ambitieuse voulue par Berne et par le Conseil d’Etat?

Comme le caillou dans l’étang déclenche des cercles concentriques, l’abaissement de l’Indice de dépense de chaleur (IDC, voir encadré) et l’obligation de remplacer les chauffages fossiles par des systèmes neutres en CO2 ont des répercussions par vagues sur l’écosystème immobilier. Comment les propriétaires peuvent-ils financer la rénovation énergétique de leur bien? Les banques leur tendront-elles la main? Les chauffagistes ou spécialistes du photovoltaïque sont-ils prêts à répondre à la demande? SIG pourra-t-elle satisfaire les besoins d’électricité que cette transition provoquera? L’Etat pourra-t-il traiter les demandes d’autorisation et de dérogation qui vont affluer?
La BCGE a invité ses clients à dialoguer avec Charlie Carré, économiste au sein de la banque, Cédric Petitjean, directeur de l’Office cantonal de l’énergie (OCEN), et Pascale Le Strat, directrice de l’efficience énergétique chez SIG. Thierry Oppikofer, administrateur-délégué du Journal de l’immobilier, animait la réunion.
En ouverture, Charlie Carré a questionné la solidité des bases sur lesquelles se construit la transition énergétique. Le marché immobilier genevois aborde l’avenir avec des fondamentaux robustes, estime-t-elle. L’attractivité de Genève ne se dément pas, le marché de l’emploi est solide et le solde migratoire reste positif année après année. En regard, le taux de vacance reste très bas et la production de logement ne suffit pas à satisfaire la demande, ce qui ne présage pas d’une chute des prix.

De gauche à droite: Thierry Oppikofer, administrateur-délégué du Journal de l’Immobilier; Charlie Carré, économiste à la BCGE; Perrette Jaton-Klopfenstein, membre de la Direction générale de la BCGE; Pascale Le Strat, directrice de l’Efficience énergétique à SIG et Cédric Petitjean, directeur général de l’OCEN.

Incertitude contenue

La baisse des charges locatives grâce à l’optimisation énergétique des bâtiments offre aux propriétaires une marge pour revaloriser les loyers, sans impact sur les locataires. Les hypothèques à taux fixe (85% du marché en Suisse) devraient se stabiliser à un niveau bas et seules 25% de ces dettes doivent être renouvelées dans les douze prochains mois. L’incertitude est ainsi contenue.
A cet égard, Pierrette Jaton Klopfenstein, membre de la direction générale de la BCGE, a rappelé que la banque proposait des crédits «rénovation durable» à des taux préférentiels, ainsi que des hypothèques Minergie. L’IDC sera désormais considéré dans les demandes de financement, a-t-elle encore souligné. Verra-t-on comme à l’étranger la performance énergétique des villas et appartements proposés à la revente figurer dans les descriptifs?
Après les fondations, la destination: le chemin défini par le Conseil d’Etat conduit à la neutralité carbone en 2050, indique Cédric Petitjean. Une étape intermédiaire est prévue en 2030, quand les émissions de CO2 du canton devront avoir baissé de 60% par rapport à 1990. L’enjeu n’est pas uniquement de se libérer des énergies fossiles: le gouvernement genevois entend aussi réduire de deux tiers la consommation d’énergie par personne et multiplier par trois la part du renouvelable dans la consommation cantonale.

Des dérogations possibles

«Passe-t-on subrepticement d’un système d’incitation à un système d’obligation?», a malicieusement interrogé Thierry Oppikofer. En réponse, Cédric Petitjean a souligné les dérogations possibles aux nouvelles règles. L’impossibilité financière (prouvée) des propriétaires, leur grand âge ou le statut de protection d’un bâtiment sont autant de motifs d’exemption que l’Etat prendra en compte. Le Grand Conseil examine une modification législative qui devrait faciliter la pose de panneaux solaire dans les villages de la campagne genevoise (zone 4B protégée).
Restent des contraintes. Si, par exemple, l’isolation d’une villa impose un changement de gabarit, il faudra une autorisation de construire. Le cas des toits plats est réservé et peut faire l’objet d’exceptions. Les chauffages à mazout ou à gaz défectueux pourront être réparés, mais leur propriétaire se verra intimer un délai pour les remplacer. Les choix qui s’offrent à lui sont essentiellement la pose d’une pompe à chaleur, seule ou couplée à du photovoltaïque, ou le recours à la biomasse (chaudières à bois, par exemple), de manière autonome ou en se raccordant à un réseau collectif, comme celui de Cartigny. La question du coût de ces évolutions a été posée: les chiffres articulés ont fait bondir certains propriétaires…
Qui va calculer l’IDC des villas? SIG, de concert avec l’OCEN, a développé des outils à destination des propriétaires, explique Pascale Le Strat, avec l’ambition de proposer des diagnostics environnementaux à domicile pour les aider à optimiser leurs consommations d’énergie et d’eau, ainsi que la gestion de leurs déchets. Dans le cadre du programme Eco21, SIG a formé et certifié des chauffagistes, qui disposent ainsi de connaissances et d’un savoir-faire dans la pose de systèmes neutres en CO2.
L’histoire retiendra-t-elle la période d’avant-pandémie comme «un âge d’or d’abondance et d’insouciance», comme l’a appelée Emmanuel Macron, cité par Thierry Oppikofer? Ou l’âge d’or est-il devant nous, comme le suggère le Plan directeur de l’énergie? Quelle que soit la réponse, un chemin pavé d’interrogations s’ouvre devant les propriétaires de villa.

 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Le nouveau Règlement en résumé

 

La modification du Règlement d’application de la loi cantonale sur l’énergie (L 2 30.01), en vigueur depuis le 1er septembre, a abaissé l’IDC de référence à 450 Mégajoules (MJ) par m2 par année. Au-delà, les propriétaires devront effectuer un audit et présenter un plan d’assainissement. Les mille bâtiments dont l’IDC dépasse 800 MJ annuels ont trois ans pour entreprendre des travaux. Ce seuil sera abaissé à 650 MJ en 2027 et 550 MJ en 2031. L’objectif est d’amener le parc bâti au niveau Minergie Réno (HPE Réno) ou, mieux, Minergie-P Réno (THPE Réno).
Ces seuils sont couplés avec la priorité donnée aux énergies renouvelables pour toute nouvelle installation et tout renouvellement d’équipement de chauffage, ainsi que l’encouragement de l’autonomie énergétique par le développement de la production photovoltaïque par les particuliers. Dans le cas d’une rénovation qui se heurterait à une impossibilité technique ou une disproportion économique entre les travaux nécessaires et l’amortissement prévu, le Règlement impose l’intégration d’au minimum 30% de renouvelable dans le mix énergétique retenu.

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