Pour sauver la planète, et pour 2050 il nous faudra avoir atteint l’objectif neutralité carbone.

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Entreprise valaisanne

Comment réussir sa stratégie énergétique

30 Nov 2022 | Articles de Une

On peut désormais visualiser la part d’énergie renouvelable et importée, ainsi que la quantité d’émissions de gaz à effet de serre produite pour chauffer nos bâtiments. Rencontre avec la start-up valaisanne à l’origine de cet outil novateur.

On le sait, on le répète et le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) nous l’affirme: il est minuit moins une pour sauver la planète, et pour 2050 il nous faudra avoir atteint l’objectif neutralité carbone. La Confédération helvétique, elle, s’est «hâtée lentement» et a finalement épousé ce même horizon en janvier 2021. Chez nous, le chauffage et l’eau chaude représentent à eux seuls 40% de la consommation énergétique totale du pays. Moralité – cela posé: le parc bâti a un rôle majeur dans l’atteinte (ou non) des objectifs de notre stratégie climatique.
Le rénover, l’adapter ou le développer tient donc des douze travaux d’Hercule. Toutefois, grâce à une jeune start-up valaisanne, Navitas Consilium SA, nos villes et communes disposent aujourd’hui d’un outil très performant pour les aider à réduire la consommation énergétique de leurs bâtiments et à améliorer la qualité de l’énergie consommée, un véritable GPS des stratégies énergie-climat. Son nom: PlanETer, et ses évolutions.
A 41 ans, Gabriel Ruiz, le CEO de Navitas Consilium (NCSA), est le doyen de cette jeune équipe mise sur orbite par The Ark, la Fondation pour l’innovation en Valais, par le CCF, l’antenne valaisanne du Cautionnement romand, et par le CREM, Centre de recherche de Martigny, qui a créé l’outil de planification énergétique adapté et développé par NCSA.
«Nous avons ainsi traité plus de trois millions de bâtiments, explique Gabriel, soit le total de tous ceux répertoriés par le Registre suisse des bâtiments et logements (RegBL), lequel est alimenté au bon vouloir des communes». De quoi élaborer quand même des cartes et un suivi qui permettent de vérifier au plus près ce que nos communes consomment comme énergie. «La Suisse est déjà en chemin, reconnaît notre interlocuteur, mais un tel indicateur constitue un atout majeur dans la gestion de nos politiques et le contrôle des effets attendus. Il permettra certainement de prendre de vraies décisions».

La Suisse des montagnes,
une bonne élève

Dans les grandes lignes, Navitas Consilium a vérifié des données que l’on pouvait pressentir intuitivement. La Suisse des communes de montagne est plus performante dans son bilan carbone que celles des villes, du Plateau, de l’Arc lémanique, de la vallée du Rhône, de celle du Rhin ou même du Tessin. D’une part parce qu’elle n’est pas reliée aux grands réseaux gaziers, d’autre part parce qu’elle a misé plus tôt sur le renouvelable, qu’elle bénéficie d’une manne solaire importante et bien souvent de bois-énergie.
«Et puis le porte-monnaie a tôt fait de trancher, enchaîne Gabriel. Il est beaucoup plus cher, disons d’un facteur dix, de rénover l’enveloppe du bâti des cités que de passer au renouvelable à la montagne. Que soit en installant des panneaux solaires, en changeant de chaudière, en optant pour une pompe à chaleur ou en passant au bois, que nous sommes encore loin de gérer de manière optimale».
Moralité, derrière les données de kg CO2 au m2 construit se cachent deux vérités: combien nous consommons, et surtout, comment nous consommons. Deux vérités fondamentales et fondatrices du conseil en stratégie énergétique que dispense l’équipe de Navitas Consilium.

Le poids du chauffage
et de l’eau chaude

Mais où pèche-t-on? «Le parc bâti représente environ 40% des besoins en consommation de chaleur, précise Gabriel Ruiz. La mobilité environ 30%, et l’industrie environ 20%». Au final, la situation suisse est limpide: 40% de la consommation énergétique totale du pays pour l’eau chaude et le chauffage, et des besoins en électricité qui – c’est hélas! une évidence – ne vont cesser de croître. Précision importante du CEO de Navitas Consilium à l’heure où le lobby nucléaire peut espérer à nouveau de beaux jours: «Il s’agit certes d’une énergie décarbonnée, mais elle n’est pas renouvelable; on ne sait toujours pas quoi faire des sous-produits du nucléaire».
Une fois ce constat posé, Navitas Consilium ambitionne d’être un acteur clé des nouvelles politiques publiques: «Nous voulons être l’observatoire de la transition énergétique des communes suisses. Avec PlanETer et ses dérivés, nous disposons d’indicateurs précis de pilotage et de conseil. Et je trouve très encourageant le fait que parmi nos clients figurent de petites municipalités valaisannes comme Isérables ou Evolène, et des villes importantes comme Martigny, Morges, Vevey, Porrentruy ou encore Genève».
Pour transformer l’essai et induire un vrai changement en profondeur, Gabriel Ruiz est conscient que la route est encore longue: «Impossible de modifier à fond un système de production de chaleur sans toucher les grands propriétaires, les régies, les investisseurs majeurs du monde de l’immobilier. Autant d’acteurs du marché qui auraient tout à gagner dans l’utilisation de nos outils».

Gabriel Ruiz, le CEO de Navitas Consilium (NCSA).

Lausanne, la course en tête

Même s’il n’est pas un défenseur des classements, Gabriel Ruiz est capable, via ses outils, de trier le bon grain de l’ivraie. On trouve ainsi Lausanne en pole position, avec 28% d’énergie renouvelable pour les besoins de chaleur, juste devant le duo Zurich et Bâle (24%). «Nous sommes effectivement très éloignés des objectifs de la COP 26 (Ndlr: la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s’est tenue à Glasgow), note le patron de Navitas Consilium. Cependant, les indicateurs proposés ne reflètent pas encore les grandes décisions déjà prises par certaines Villes et Communes, comme Genève par exemple. C’est pour cette raison que nous incitons les communes à agir, car il s’agit selon nous du bon échelon décisionnel pour créer des cercles vertueux qui touchent le citoyen, et in fine les propriétaires».
Si les municipalités suisses ont souvent pris le couteau par le manche, elles doivent encore trop se reposer sur le bon vouloir des propriétaires pour les changements liés au parc bâti. «Mais j’espère et je crois vraiment conclut Gabriel, que nos outils ont le potentiel de changer les mentalités!».

 

Jean-François Fournier

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