ARCHITECTURE - Vieusseux se construit à Genève
«Charles-Burklin», figure de proue du quartier
Fort de son expérience en zone de développement à Genève, le bureau ris+partenaires architectes vient de livrer un bâtiment d’ampleur dans le périmètre en mutation de Vieusseux (Petit-Saconnex). Cet élégant édifice s’inscrit dans la mission de la Société coopérative d’habitation Genève (SCHG), maître d’ouvrage et principal propriétaire foncier: offrir des logements locatifs de qualité, tout en assurant la pérennité de son parc immobilier.
En 2013 la Société coopérative d’habitation Genève (SCHG), en collaboration avec la Ville de Genève et la Fondation des Logements pour Personnes Agées ou Isolées (FLPAI), lancèrent un concours international afin de développer un plan localisé de quartier (PLQ) englobant trois cités d’habitation construites entre les années 50 et 70: Vieusseux, Villars et Franchises. L’objectif était de redynamiser ce site de onze hectares, situé à proximité du centre-ville, en créant de nouveaux logements et équipements collectifs intégrés au tissu existant. Autres buts visés par ce projet, considéré comme l’un des plus importants de Genève: la mise en réseau urbain de la centrale thermique existante alimentant les immeubles, des espaces verts de qualité et l’absence de circulation motorisée en surface.
A l’issue de la procédure, l’atelier d’architectes Timothée Giorgis fut désigné comme lauréat pour l’établissement du Plan localisé de quartier, avec son projet «Papillon». Estimé à plus de 200 millions de francs, ce plan d’ensemble prévoit quelque 550 nouveaux logements sociaux qui seront construits en plusieurs étapes jusqu’en 2030-2035. Un bâtiment résidentiel (Giorgis Rodriguez architectes) et celui destiné aux personnes âgées (AAG architectes), côté route des Franchises, sont les premiers à être sortis de terre, suivis par les immeubles 2 à 8, rue Charles-Burklin (ris + partenaires architectes sa), livrés l’été dernier. Zoom sur ces derniers.
Habiter dans un parc
Un grand soin est apporté au parc arboré environnant, dont les différentes composantes paysagères sont revalorisées. «Une fois le PLQ validé par les autorités, une charte d’aménagement a été établie par l’atelier d’architectes Timothée Giorgis et le bureau Arfolia (anciennement Gilbert Henchoz architectes paysagistes associés). Le périmètre dispose d’un espace central ouvert, à la manière d’une place de village. Les cheminements sont entièrement repensés pour favoriser les piétons et les cyclistes», explique Raoul Frauenfelder, partenaire du bureau ris+partenaires architectes. Hormis les accès SIS, les circulations automobiles ne se font désormais qu’en sous-sol. A l’arrière du nouveau bâtiment, l’aménagement paysager forme un filtre végétal face à la route de Meyrin: le cordon boisé est préservé et densifié avec la plantation de nouveaux arbres, un cheminement – dont le sol en copeaux offre une agréable sensation sous les pas – est ponctué de mobilier urbain en bois, d’équipements de fitness et d’espaces de détente; en contrebas, des strates végétales diversifiées viennent compléter le dispositif.
«Nous souhaitions marquer l’entrée du quartier par un immeuble monumental, dont le langage architectural ne paraîtra pas désuet d’ici quelques décennies. En effet, depuis la route de Meyrin et l’arrêt de tram Vieusseux, l’édifice s’érige tel un vaisseau amiral», commente Jean Charles Dumonthay, secrétaire général de la SCHG. C’est ici que la Coopérative a déménagé ses bureaux. Le nom de la rue, nouvellement créée, est un clin d’œil à Charles Burklin, fondateur avec Camille Martin de la SCHG en 1919.
Le bâtiment dispose de son propre parking souterrain (114 places pour quatre-roues, 50 places pour les deux-roues et 145 places vélos) que les habitants rejoignent par la rue Edouard-Rod; cette entrée permet d’accéder à un parking souterrain déjà existant en mutualisant les deux entrées. Lors d’une seconde étape, l’extension du parking sera réalisée en sous-sol le long des deux futurs bâtiments du PLQ, ce qui aura l’avantage de réduire considérablement l’impact en surface, afin de laisser la part belle à la mobilité douce (piétons et cyclistes).
Ce bâtiment d’envergure est scindé en quatre allées donnant sur la rue Charles Burklin. Une attention toute particulière est portée sur le rapport au sol et notamment sur la déclivité naturelle du terrain. Les entrées au 6 et 8 de la rue Charles Burklin sont situées deux mètres plus haut que celles des entrées 2 et 4. Le rez-de-chaussée de ces dernières est affecté aux activités; s’ouvrant sur une placette, ces surfaces (430 m2) sont occupées par la SCHG qui y a établi son siège, offrant ainsi une proximité renforcée avec les sociétaires-locataires de la Cité Vieusseux (voir Gros plan). Jouant avec la pente du terrain et avec les accès et activités au sud grâce à un système de rampe et d’escalier extérieur, le bâtiment s’offre des aménagements extérieurs tout autres au nord, permettant de mettre à distance les surfaces intérieures privées des cheminements piétons.
Matérialité et efficacité
énergétique
Avec ses 115 logements locatifs, l’immeuble Charles Burklin compte 12 500 m2 de surface brute de plancher (SBP), ce qui représente environ 60 000 m3, parking souterrain inclus. Frisant les trente mètres de haut et nonante de long, le concept constructif est simple et rationnel. Les matériaux employés sont résistants et nécessitent peu d’entretien. Le béton apparent préfabriqué d’un ton clair, ainsi que les briquettes et le bois-métal (vitrages) plus foncés renforcent les grandes lignes horizontales qui rythment la façade, donnant à l’ouvrage son caractère particulier tout en jouant facilement avec la topographie du terrain. En façade, les teintes chaudes sont privilégiées, du beige pour les parties en béton au brun plus foncé pour les briquettes et les menuiseries, qui sont également utilisées pour le soubassement des immeubles.
«La construction vise la certification Minergie-P: l’enveloppe du bâtiment est davantage isolée que pour le standard Minergie et soumise à un test d’étanchéité à l’air, précise l’architecte de ris+partenaires. Il en résulte une efficacité énergétique maximale et un climat ambiant parfait». Par ailleurs, l’édifice est autonome au niveau énergétique, grâce à un système de sondes géothermiques.
Ces habitations neuves offrent des surfaces, ainsi qu’un niveau de confort et de qualité, supérieurs à celui des standards usuels en zone de développement.
En attique de l’allée Charles Burklin 4 se trouve une salle communautaire qui profite d’une vue dégagée.
Des parties communes généreuses
Les quatre allées du bâtiment sont agrémentées de halls d’entrée lumineux. L’accès aux étages supérieurs est réalisé par des cages d’escalier généreuses, comportant un apport de lumière naturelle grâce à la verrière en toiture. Comme pour la façade, l’utilisation du béton et de tons chauds ont été privilégiés dans les communs.
En attique de l’allée Charles Burklin 4 se trouve une salle communautaire dotée d’une cuisine. Avec ses larges baies vitrées et sa terrasse attenante, cet espace – destiné aux fêtes et évènements des sociétaires-locataires – profitera d’une belle lumière naturelle et d’une vue dégagée sur la ville et les Alpes.
Des appartements traversants
Ces habitations neuves offrent des surfaces, ainsi qu’un niveau de confort et de qualité, supérieurs à celui des standards usuels en zone de développement: des surcoûts que le maître d’ouvrage a accepté d’endosser. Pour favoriser la mixité sociale, les appartements se déclinent selon une grande variété typologique, du 2 pièces au 6 pièces. Tous les logements jouissent d’une loggia côté Sud, ce qui leur permet de profiter d’un bon ensoleillement. A partir des 4 pièces, les appartements sont traversants (ou bi-orientés): ils disposent d’un vaste espace jour comprenant un coin cuisine avec une petite loggia sur la façade nord, d’un espace salle à manger au centre du plan (pouvant aussi servir de bureau) et d’un séjour donnant sur une grande loggia au sud. Cette organisation de l’espace confère aux espaces des vues paysagères différenciées.
Par ailleurs, l’allée rue Charles Burklin 2 propose à chaque étage un appartement dit LMI (Logement à mixité intégrée). Ce modèle d’habitat – développé par le bureau ris+partenaires architectes depuis une vingtaine d’années sur d’autres projets – permet de «décomposer» un logement de 5 pièces en un 4 pièces + 1 pièce multifonctionnelle; chaque unité dispose d’un accès indépendant depuis le palier. Cette pièce réservée peut servir à exercer une activité professionnelle indépendante à côté de son domicile ou à accueillir un membre de la famille, adolescent ou aîné, ou encore à loger une jeune fille au pair. A noter que l’immeuble présente plusieurs catégories de logement, soit des Habitations mixtes (HM) ainsi que des logements à loyers contrôlés par l’Etat (ZD LOC). «En outre, le site ayant été occupé préalablement, les surfaces d’appartements existantes ont dû être compensées selon le principe de la Loi sur les démolitions, transformation et rénovation de maisons d’habitation (LDTR)», note Raoul Frauenfelder.
Construire des bâtiments et un environnement de qualité en zone de développement genevoise est un exercice délicat. A Vieusseux, les architectes de ris+partenaires ont démontré leur savoir-faire en la matière, grâce à une opération dont les coûts sont maîtrisés et qui présente des charges d’entretien et de consommation faibles. Un type d’habitat qui, comme celui imaginé à l’origine par l’architecte Maurice Braillard pour Vieusseux, se définit par un parc planté d’immeubles et dont les fondements sont la mixité sociale et la durabilité.
Véronique SteiN
Les habitants se sont rapidement approprié leur cadre de vie.
GROS PLAN
La SCHG: favoriser le «bien-vivre ensemble»
Le bâtiment Charles-Burklin fait partie du parc immobilier de la plus grande et ancienne coopérative de Genève, la SCHG. Celle-ci compte aujourd’hui quelque 2000 logements répartis en une septantaine d’immeubles. Si les appartements locatifs doivent être financièrement accessibles au plus grand nombre, ceux proposés par la SCHG offrent aux sociétaires de nombreux autres avantages: une qualité de vie hors du commun qui passe à la fois par l’architecture, le choix des matériaux, les espaces verts, les zones de rencontre et de jeux, les installations sportives, etc. Coopérative institutionnelle se distinguant d’une régie ordinaire, la SCHG n’est donc pas seulement un pourvoyeur de logement, mais veille à la cohésion sociale et au bien-être des habitants.
Le nouveau bâtiment de Vieusseux est un projet pilote en matière de processus d’attribution, mis en œuvre en plusieurs étapes par la SCHG: portes ouvertes, séances d’information sur la Coopérative (bénéfices et attentes) et présélection technique (revenus, taux d’occupation, etc.). Enfin, des entretiens individuels ont permis de s’assurer que les habitants étaient prêts à se lancer dans l’aventure de la coopérative, dont le partage et la mixité socio-économique constituent les valeurs clefs.
Afin de générer cet esprit coopératif, plusieurs initiatives sont lancées à Vieusseux comme un livre de recettes, réalisé par et pour les sociétaires; véritable voyage culinaire à travers le monde, cet ouvrage est le reflet de la diversité culturelle des habitants et du désir de la SCHG de rassembler. En outre, une association d’action communautaire (Interstices) accompagnera les nouveaux habitants de Charles-Burklin pendant une année en mettant en place des projets participatifs. Sur les lieux de passage, des stands «cafés-croissants» encouragent déjà l’échange entre voisins et avec l’équipe de la SCHG. «Ces mesures simples permettent d’identifier certaines problématiques et de désamorcer d’éventuels conflits de voisinage», résume Jean Charles Dumonthay, qui insiste sur l’importance de l’écoute et du dialogue avec les sociétaires. Par son rôle fédérateur et régulateur, la SCHG est un modèle unique à Genève!
Voir aussi l’émission des
«Mardis de l’immobilier»
consacrée au quartier
sur www.jim.media
et www.lemanbleu.ch
Lien direct :https://www.lemanbleu.ch/fr/Emissions/368349-Les-Mardis-de-l-Immobilier.html