environnement
Biodiversité et culture, un jeu d’équilibriste qui nous concerne toutes et tous
Les agriculteurs du canton de Genève démontrent qu’il est possible d’allier production et respect de l’environnement grâce à des approches réfléchies et innovantes. A Terre et Serre, l’exploitation de la famille Janin, des pratiques modernes et des méthodes adaptées aux sols locaux ont transformé la manière de cultiver. Ces évolutions témoignent d’une prise de conscience collective, fruit d’années d’observations et d’ajustements, où la biodiversité devient un levier central pour des sols vivants et résilients.
En se basant sur des observations scientifiques et des expérimentations concrètes, les méthodes traditionnelles comme le labour ont été délaissées. Si cette technique peut convenir ailleurs en Suisse, elle s’est révélée inadaptée pour les sols argileux des plus de 20 hectares que compte l’exploitation. «Labourer appauvrirait les sols si l’on ne compense pas par un apport massif de matière organique», explique Damien Janin, issu de la quatrième génération qui a repris l’exploitation avec son frère Claude depuis quatre ans. A Terre et Serre, le sol est désormais mieux préservé grâce à des pratiques qui favorisent la biodiversité, tout en maintenant une production durable où l’on traite le moins possible au moyen d’une gestion active.
Les couverts végétaux: une
solution naturelle pour des
sols vivants
Les couverts végétaux, adoptés depuis quelques années sur l’exploitation, sont des mélanges de plantes semées entre les cultures principales pour protéger et régénérer les sols. A l’origine souvent limités à une ou deux espèces comme le trèfle ou la phacélie, ces couverts ont évolué au fil des années vers des compositions plus riches, incluant jusqu’à douze espèces complémentaires. Grâce à leurs racines variées, ces plantes décompactent naturellement le sol, améliorent sa structure et augmentent sa teneur en matière organique. En couvrant le sol, ces « couverts » préviennent également l’érosion, conservent l’humidité et réduisent le recours aux herbicides en limitant la pousse des mauvaises herbes. Ces végétaux contribuent aussi à la lutte contre le réchauffement climatique en favorisant la séquestration du carbone dans le sol, sous forme de matière organique.
La gestion de la matière organique complète ces pratiques en s’assurant que la biomasse produite par les couverts végétaux et les résidus de culture soit pleinement valorisée. A Terre et Serre, cette biomasse, lorsqu’elle est détruite (par le gel ou mécaniquement lors des moissons), est restituée au sol pour nourrir la micro et macrofaune. Par ailleurs, un compost de qualité est élaboré à partir de déchets végétaux et de fumier soigneusement mélangés. Ce compost, riche en nutriments, renforce durablement la fertilité des sols, tout en réduisant le recours aux engrais chimiques.
Un soutien politique qui
encourage des pratiques durables
Une des clefs de cette transition vers plus de naturel repose sur les paiements directs. Ce dispositif, mis en place au niveau suisse, récompense les exploitants qui s’engagent pour la biodiversité. Ces aides ont permis d’aménager des surfaces de promotion de la biodiversité (SPB), comme les haies, des bosquets, des coins de prairies extensives ou les jachères améliorées. Chez les Janin, les champs accueillent aujourd’hui une faune beaucoup plus variée, des oiseaux aux insectes auxiliaires, contribuant à un écosystème équilibré, qui «travaille» pour les paysans.
Ces incitations ont permis d’intégrer les couverts dans les rotations culturales comme une alternative efficace à la jachère, jugée souvent peu bénéfique pour la biodiversité ou les sols. Dans l’exploitation Terre et Serre, cette stratégie s’inscrit désormais dans une démarche d’agriculture de conservation, combinant rotations réfléchies, non-labour et enrichissement des sols. Grâce à ces pratiques, les sols deviennent plus résilients face aux aléas climatiques. Cependant, Damien Janin souligne que ces efforts nécessitent un investissement en temps, matériel et expertise.
Les défis du métier de paysan
Malgré ces progrès, être paysan reste un métier exigeant et parfois ingrat. Les exploitants doivent jongler entre les attentes des consommateurs, les contraintes environnementales et des revenus souvent limités. «Tout le monde veut de la biodiversité, du bio, et des produits pas chers, mais il faut aussi donner les moyens aux agriculteurs de répondre à ces attentes», rappelle Damien Janin. Investir dans l’innovation, tester de nouvelles techniques, se tromper parfois et acheter du matériel: tout cela nécessite un soutien financier accru et une reconnaissance de la valeur de l’agriculture.
Même si un gros travail de communication a déjà été entrepris par le secteur agricole à Genève, le maraîcher plaide pour une meilleure sensibilisation du public et des politiques, afin que l’agriculture locale puisse continuer à innover et favoriser la transition écologique. Avec des moyens adéquats, les agriculteurs pourraient optimiser davantage leurs pratiques, garantir des rendements et mieux préserver les écosystèmes. «En observant certaines initiatives sur lesquelles le peuple a voté, nous avons parfois l’impression que des gens pensent que nous faisons encore de l’agriculture comme dans les années 80. Nous avons plus que jamais besoin du soutien de toute la population», observe le cultivateur.
Des signes encourageants
Malgré les défis, les efforts déployés portent leurs fruits. Les champs de l’exploitation de Terre et Serre sont plus vivants que jamais. Les vers de terre, les libellules bleues, les mantes religieuses et de nombreux animaux témoignent du retour de la biodiversité. «Les oiseaux sont nombreux, les rapaces comme les milans et les buses sont bien présents et nous aident contre les nuisibles. C’est un signe que nous avançons dans la bonne direction», se réjouit l’agriculteur.
En conjuguant pratiques modernes et respect de l’environnement, Terre et Serre montre qu’une agriculture durable est possible. Ce modèle prouve que biodiversité et production peuvent aller de pair, offrant un avenir prometteur pour les sols et les générations futures.
Joël Lucas
Damien Janin, agriculteur à Perly/GE.
GROS PLAN
A propos de l’Office de promotion des produits agricoles de Genève
L’Office de promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE) est une Fondation de droit privé, créée en 1995 dans le but de promouvoir les produits agricoles de la région genevoise. Le Conseil de Fondation de l’OPAGE est composé de représentants de toutes les filières agricoles du canton, d’AgriGenève et de l’Etat de Genève. Depuis 2009, l’OPAGE est installé dans la Maison du Terroir située à Lully, dans laquelle sont organisés, tout au long de l’année, des cours et événements autour des produits du terroir.
L’action de l’OPAGE s’appuie notamment sur la loi sur la promotion de l’agriculture du 21 octobre 2004 (LPromAgr M 2 05) et son règlement d’application du 6 décembre 2004 (RPromAgr M 2 05.01), la loi sur la viticulture du 17 mars 2000 (LVit M 2 50) et son règlement d’application du 20 mai 2009 (RVV M 2 50.05), le contrat de prestations quadriennal passé avec l’État de Genève.
Plus d’informations:
https://www.geneveterroir.ch