Commune-Rénove concerne avant tout les grands ensembles locatifs construits entre 1945 et 1990.

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économie circulaire - Commune-Rénove

A Genève, la rénovation énergétique passe à la vitesse supérieure

5 Avr 2023 | Articles de Une

La date était bien choisie – le premier jour du printemps – pour découvrir le foisonnement d’initiatives nées de la démarche Commune-Rénove. Les résultats et les perspectives de ce programme ont été dévoilés aux nombreux professionnels de l’immobilier réunis pour l’occasion. En 2022, ce sont plus de soixante projets de rénovation énergétique, correspondant à 172 allées d’immeubles, qui ont été lancés; désormais, six communes genevoises sont engagées dans la démarche.

Vous êtes propriétaire (institutionnel, privé) ou régisseur d’immeubles locatifs construits entre 1946 et 1990 à Genève et dont la surface de référence énergétique (SRE) est supérieure à 500 m2? Le programme Commune-Rénove vous incite à rénover vos bâtiments en vous apportant un soutien technique et administratif gratuit; il est proposé par les communes de Lancy, Carouge, Grand-Saconnex, Meyrin, Vernier et Versoix, en collaboration avec le Département du territoire (Etat de Genève) et SIG-éco21. Tel était, en substance, le message porté par les partenaires de Commune-Rénove face à la centaine d’invités rassemblés au Muséum d’histoire naturelle.
«Ce dispositif contribue aux objectifs ambitieux du Plan directeur de l’énergie, comme l’atteinte d’un taux de rénovation de 2.5 % en 2030 – contre 1% environ aujourd’hui – et la réduction de 60% des émissions de CO2 à l’horizon 2030, a rappelé en introduction Christian Brunier, directeur général de SIG. L’entrée en vigueur du nouveau règlement d’application de la Loi sur l’énergie en septembre 2022 a concrétisé ces objectifs en abaissant le seuil de l’indice de dépense de chaleur à 450 MJ/m2. an et en privilégiant la substitution des énergies fossiles par des énergies renouvelables lors du changement des installations de production de chaleur telles que les chaudières».

Six communes genevoises sont engagées dans la démarche Commune-Rénove.

Un parc immobilier vieillissant qui nécessite des interventions lourdes

Les six villes participant à Commune-Rénove représentent 28% de la population du canton. Elles accueillent un quart du parc immobilier directement concerné par les rénovations, à savoir de grands ensembles locatifs construits entre 1945 et 1990. «La priorité est donnée aux bâtiments d’une SRE importante et les plus gourmands en énergie, soit les passoires énergétiques, précise Pierre Oliver, mandataire et concepteur de Commune-Rénove. L’édition 2022 a permis d’initier 62 projets, qui couvrent 172 allées d’immeuble. Cela représente une surface de 217 000 m2, soit l’équivalent de plus de 2500 logements ou 1200 villas!». A noter que les deux tiers de ces immeubles se trouvent dans les trois communes de Lancy (25 projets), Carouge (45) et Grand-Saconnex (37). Le solde se situe dans d’autres communes.
«Ces rénovations devraient réduire la consommation énergétique des bâtiments en moyenne de 60% pour les rénovations globales, sans diminuer notre confort. Les mesures prises sont variées et dépendent du niveau d’intervention», relève Christian Brunier. Les projets les plus ambitieux comprennent l’isolation de l’enveloppe du bâtiment, le remplacement des chaudières à gaz ou à mazout par des pompes à chaleur ou le raccordement au réseau de chauffage à distance, l’optimisation des installations techniques et la pose de panneaux photovoltaïques. L’objectif 2023 de Commune-Rénove est de lancer des projets pour 200 allées d’immeubles. «Commune-Rénove profite de l’expertise de SIG, qui a une longue expérience de conseil et d’accompagnement des propriétaires immobiliers et des entreprises à travers son programme d’économies d’énergie éco21», poursuit le directeur général de SIG.

Augmenter l’ambition
énergétique des projets

Concrètement, en quoi consiste Commune-Rénove? La démarche propose aux propriétaires un accompagnement gratuit, afin de les encourager à rénover et à lancer leurs projets. Caroline Cacheiro, responsable Solutions Rénovation SIG-éco21, explique: «Lors d’ateliers organisés en deux étapes, les participants peuvent échanger – sous la forme de speed-dating – avec les différentes parties prenantes telles qu’architectes, ingénieurs, offices pré-aviseurs de l’Etat et experts SIG (thermique, pompe à chaleur, photovoltaïque, etc.). Ainsi, ils anticipent les exigences et les attentes des services étatiques et prennent connaissance des subventions disponibles. De plus, ces rencontres permettent de définir les objectifs des projets, de les affiner, de cadrer les études préliminaires (type audit CECB+), et enfin de choisir la variante qui offre le meilleur rapport qualité/coût/efficience énergétique».
En cas d’intérêt, les participants ont la possibilité de bénéficier d’un suivi, par le biais de deux solutions complémentaires (subventionnées). La première consiste en une assistance à maîtrise d’ouvrage énergie dite AMOén: un ingénieur assure l’intégration de la dimension énergétique dans les phases du processus et maximise l’atteinte des objectifs de performance énergétique fixés. La seconde solution est l’assistance à maîtrise d’usage (AMU): elle a pour but de faciliter les relations avec les locataires avant, pendant et après les travaux.

Les villes genevoises en
mouvement

Les représentants des trois villes, nouvellement partenaires de Commune-Rénove, ont évoqué leurs motivations à rejoindre un programme qui s’intègre dans l’approche de durabilité de leur commune respective. Ils s’accordent à dire que, si les autorités doivent être exemplaires pour leurs propres bâtiments (équipements publics), elles sont également tenues de stimuler les acteurs du territoire – dont les propriétaires de biens immobiliers, à participer à l’effort collectif. Meyrin, récompensé par le prix Wakker 2022 pour son urbanisme inventif, affiche un important potentiel de construction en hauteur. «En parallèle aux surélévations envisagées, les propriétaires sont encouragés à rénover l’enveloppe de leurs bâtiments et à changer le système de production de chaleur, en particulier en faveur du chauffage à distance», insiste Laurent Tremblet, maire de la Ville de Meyrin.
A Versoix, Commune-Rénove s’inscrit dans la continuité des engagements pris par les autorités politiques en matière d’urgence climatique. L’énergie d’exploitation des bâtiments est ciblée comme un secteur prioritaire si l’on souhaite réduire les gaz à effet de serre; de nombreux propriétaires ont déjà montré leur intérêt à rejoindre Commune-Rénove. «La force de l’intelligence collective permettra d’atteindre les objectifs visés», déclare Jolanka Tchamkerten, conseillère administrative de la Ville de Versoix. «Il s’agit d’aller au-delà des normes requises en matière énergétique», ajoute la cheffe de projet Energie et développement durable de Vernier, Laetitia Maradan. Cette dernière souligne que les rénovations peuvent également être l’occasion d’améliorer la cohésion sociale d’un quartier, comme c’est le cas aux Nouvelles Libellules (propriété de la Fondation Emile-Dupont; ensemble rénové entre 2023 et 2016).

Des ateliers permettent de se déterminer sur la variante qui offre le meilleur rapport qualité-coût-efficience énergétique.

Un contact privilégié avec des interlocuteurs clefs

L’architecte Alois Scherrer témoigne en tant que représentant d’un maître d’ouvrage – UBS Fund Management Switzerland SA – engagé dans la démarche Commune-Rénove. «Nous le savons, les rénovations sont exigeantes et complexes, relève-t-il. Ce dispositif permet de simplifier la coordination entre les divers partenaires impliqués dans la planification et la réalisation des projets. En rencontrant les principaux acteurs – autorités et spécialistes, nous obtenons des réponses à nos questions, ainsi que des informations utiles au développement des projets, qu’il s’agisse d’aspects techniques ou réglementaires, et cela en une demi-journée seulement! C’est à ce moment-là que nous nous déterminons sur la pertinence d’intégrer un AMOén, AMU ou d’initier, par exemple, une démarche de réemploi».
Pour son parc immobilier, l’établissement bancaire suisse poursuit des objectifs qui dépassent les normes requises. C’est le cas à La Tourelle (Grand-Saconnex/GE), un ensemble de quinze immeubles classés (construits entre 1968 et 1971) et propriété d’UBS «Foncipars». A l’issue des travaux d’assainissement global, le complexe devrait obtenir le label Minergie Rénovation, ainsi que l’exigeant label Or SNBS. Le volume d’investissement est de l’ordre de 50 millions de francs. Des travaux qui, pour Alois Scherrer, ne doivent pas seulement se mesurer en termes de rentabilité immédiate, mais aussi de durabilité: «Ce type de rénovation globale est une plus-value pour les propriétaires et les locataires». En ce sens, des études sont actuellement menées afin de mieux chiffrer le retour sur investissement des dépenses engendrées par les rénovations de grands projets tels que celui de l’UBS.

Le patrimoine reste un thème brûlant

Pointant sur la politique genevoise en matière de rénovation énergétique, Antonio Hodgers, conseiller d’Etat en charge du Département du territoire, met l’accent sur l’incitation qui s’accompagne inévitablement de l’obligation: «Quelque 200 – voire 500 – millions de francs d’investissement (en cours d’adoption par le Grand Conseil) seront destinés aux propriétaires souhaitant assainir leurs immeubles. Quant au «bâton» c’est-à-dire les contraintes, elles découlent du nouveau Règlement d’application de la loi sur l’énergie, qui prévoit des obligations de rénovation pour les ‘retardataires’».
Dans la salle, Frédéric Fancello (directeur chez Naef Immobilier Genève) interpelle le magistrat en relevant les difficultés auxquelles les professionnels sont confrontés lors de rénovations: à la faisabilité technique et aux questions financières s’ajoutent les contraintes patrimoniales – dont la fameuse Loi Blondel qui protège les ensembles du XIXe et du début du XXe siècles. Si dans les villages (zone 4B protégée), un assouplissement est observé, la question n’est pas réglée en milieu urbain; elle concerne nombre d’ensembles bâtis à Genève. Les fiches d’orientation typologique réalisées par SIG et Hepia fournissent des éléments de réponse, ciblés sur des solutions de rénovation énergétique. «Cet outil pourrait être exploité davantage, voire complété par les offices de l’Etat», commentent des participants au séminaire.
Pour Christian Brunier, il s’agit de réfléchir au cas par cas, afin d’établir les meilleurs arbitrages entre énergie et patrimoine. «Les situations particulières de blocage, comme celles que vous évoquez, devraient servir de base de réflexion et nous permettre de progresser ensemble», déclare-t-il. Pour régler ces problématiques complexes, la coordination doit se poursuivre et se renforcer: c’est notamment la tâche qui incombe à Commune-Rénove, un acteur de poids qui intervient comme «facilitateur», en amont des projets.

 

Véronique Stein