Rolls-Royce Ghost Black Badge
Du côté obscur de la force
Rolls-Royce incarne le pinacle de l’automobile, et une certaine forme de classicisme. Jamais égalée, la marque propose désormais à sa clientèle de prendre à contre-pied certains attributs qui apparaissaient jusqu’ici comme immuables.
La statistique est claire: la moyenne d’âge des clients Rolls-Royce est de 43 ans. A l’attention de ses jeunes clients, la marque a créé la série «Black Badge», voulue plus engageante à la conduite et anticonformiste esthétiquement. Elle propose de faire l’impasse quasi-totale sur les chromes, ajoute des couleurs flashy inédites aux nuanciers et utilise des matériaux techniques tels que le carbone texturé.
Appliqué à la Ghost, la limousine «d’entrée de gamme», le résultat est saisissant. Bien que mesurant plus de 5,5 mètres de long pour plus de 2 mètres de large et dans sa robe noir profond, la Ghost passe pour un vaisseau furtif en ville. Sur autoroute, sa face avant dotée de la grille de calandre illuminée et affublée du sempiternel «Spirit of Ecstasy» en impose toujours, ouvrant la voie devant vous tel Moïse écartant les eaux de la Mer Rouge.
Le rouge, le turquoise, le vert ou le jaune sont d’ailleurs quelques coloris qu’il est possible d’adopter pour égayer un tant soit peu l’extérieur – avec la fameuse coachline peinte à la main courant sur les flancs ou les étriers de freins – ou à l’intérieur pour une sellerie biton. Les peausseries se marient avec des placages en carbone tridimensionnel, changeant d’aspect suivant l’angle d’observation ou la luminosité. Comme toute Rolls-Royce, la place de choix demeure la banquette arrière, véritable cocon drapé de cuir et de moquette profonde.
Le même prestige prend place sous le capot: le V12 de 6.75 litres se muscle d’une trentaine de chevaux et 50 Nm par rapport à la Ghost classique et développe ici 600 ch et 900 Nm. Cette cavalerie plus que «suffisante» est distillée sur les quatre roues via une boîte de vitesses automatique à huit rapports aux changements imperceptibles. Les trains roulants restent fidèles à la technologie «d’amortisseurs d’amortisseurs» assistés par une caméra qui lit la route et anticipe les imperfections de la chaussée, pour un confort de roulage irréprochable, semblable à un tapis volant.
Toute «Black Badge» est-elle, la Ghost reste une Rolls-Royce et ne transige sur aucune des qualités reconnues à la marque depuis 1904. Dès lors, qu’entendre par «engagement» au volant? Point de sportivité, c’est certain. En revanche, on se plaît réellement à ressentir des sensations uniques, faites d’une puissance apparaissant inépuisable, d’une direction, maniée à deux doigts, douce et précise à la fois, d’un discret feulement du V12 à pleine charge et de cette perspective unique de la statuette de calandre au bout du long capot. En voiture!
Jérôme Marchon
