Honni soit qui mal y pense

Dans les années 20-30, Ettore Bugatti répétait à qui voulait l’entendre que Bentley fabriquait les «camions les plus rapides du monde». Près de 100 ans plus tard, les esprits chagrins diront que rien n’a changé en observant le Bentayga. Cinq mètres de longueur, deux en largeur et une masse impressionnante de 2690 kg, mesurés sur la balance. Sauf que le dernier-né de la gamme se dote d’une motorisation hybride rechargeable, empruntée aux cousins de Porsche, qui s’articule autour d’un V6 turbo de 3 litres et 340 ch, associé à une unité électrique de 128 ch et 350 Nm logée entre la boîte de vitesses et le V6. Résultat des courses, une puissance de 450 ch et un couple de 700 Nm sont disponibles. Un tantinet court de prime abord en regard des V8 et W12 biturbo qui nous gratifient respectivement d’une puissance de feu de 550 et 635 ch. Dans les faits, le Bentayga Hybrid officie comme entrée de gamme, après l’épisode – pourtant concluant dans la proposition – du Bentayga Diesel, sacrifié sur l’autel du Dieselgate et qui n’a pas su rencontrer sa clientèle.

Tout doux

Contact mis, le Bentayga Hybrid démarre sans surprise sur les électrons. De quoi voir évoluer notre poids-lourd en douceur dans un silence de cathédrale en ville. L’autonomie électrique, annoncée à 50 km en théorie, dépendra bien évidemment du type de conduite et de la topographie. Dans les faits, nous avons relevé entre 35 km et 46 km suivant la lourdeur du pied droit, des performances honorables. Les accélérations sont linéaires et appellent à la rescousse le V6 thermique lorsque nécessaire. Son entrée en action est alors quasi imperceptible; seule l’aiguille du compte-tours, s’animant sur l’écran de l’instrumentation, confirme l’action.

Moineau ou Gargantua?

Travaillant de concert lorsque l’énergie en batterie est suffisante, les prestations des moteurs thermique et électrique ensemble sont plutôt décentes. C’est en revanche lorsque les ressources électriques sont épuisées que le bât blesse. Le V6 rame littéralement pour mener les près de 2700 kg de l’engin et révèle une bande son insipide. Ce qui n’est pas vraiment à la hauteur du standing de la marque et du tarif demandé. Sans parler de la consommation, qui atteint allègrement les 14 l/100 km, soit autant que la mouture V8 du Bentayga.
Il conviendra alors, comme pour tous les véhicules hybrides rechargeables, de jouer le jeu de la recharge la plus fréquente possible. La batterie de 17,3 kWh supporte une puissance de charge jusqu’à 7,2 kW, de quoi refaire le plein d’électrons en 2h30 environ sur n’importe quelle borne de recharge (Type 2). En appliquant rigoureusement ces règles du jeu, le Bentayga Hybrid révèle sa quintessence, à savoir couvrir près de 850 km en utilisation quotidienne en ville et zone périurbaine (limitée cette fois par le réservoir d’essence), à une moyenne autour des 7 à 8 l/100 km. Comptez aux alentours des 10-11 l/100 km sur des trajets plus longs, majoritairement sur autoroute. Le système hybride du Bentayga permet également, selon les besoins, de recharger la batterie en roulant ou de maintenir le niveau de charge pour une utilisation 100% électrique future, aux abords des centres-villes et des zones à faibles émissions, par exemple.

Présentation irréprochable

Esthétiquement, seules deux particularités distinguent le Bentayga Hybrid de ses congénères thermiques: les petits bad ges «Hybrid» au bas des portes avant et la trappe de l’aile arrière gauche pour la recharge. A l’intérieur, l’instrumentation s’adapte à la motorisation, avec l’indicateur d’utilisation d’énergie et les menus ad hoc du système d’info-divertissement. Pour le reste, l’agencement, les matériaux, la finition et le confort demeurent irréprochables.
Le Bentley Bentayga Hybrid semble avoir trouvé sa clientèle. A fin 2021, la marque enregistrait des ventes en hausse de 31%, à 14 659 unités. Le Bentayga réalise 40% des ventes (env. 5900 unités), dont 1 sur 5 est la mouture Hybrid. Même le luxe sait se faire vertueux!

Jérôme Marchon