L’ÉDITO DE JÉRÔME MARCHON
Les dindons de la farce, une dernière fois cette année…
Le Conseil fédéral a donc acté l’assujettissement des véhicules électriques à une taxe d’importation de 4% dès le 1er janvier 2024, à l’instar de ce qui se pratique déjà depuis Mathusalem pour les autres véhicules. Le produit de cette nouvelle taxe sera intégralement alloué au FORTA (Fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération). Les importateurs suisses ont eu raison de s’opposer à l’introduction de cette taxe, car elle annulait en réalité le seul coup de pouce étatique en faveur de l’électromobilité. Cela même s’il n’était guère visible pour l’acheteur, car déjà compris dans le calcul du prix catalogue. La probabilité de voir les prix des véhicules électriques mécaniquement augmenter dès le 1er janvier prochain est donc grande. Voilà pour le contexte.
Vous vous doutez bien que, comme pour toute recette émanant des cuisines fédérales, il y en a un deuxième effet «Kiss Cool». Notre «chère» Grande Argentière, Karin Keller-Sutter, justifiait l’introduction de cette nouvelle taxe par la baisse des recettes de l’impôt sur les véhicules automobiles (100% reversé à FORTA), mais aussi de la baisse de la taxe et la surtaxe sur les huiles minérales, dont pour l’heure respectivement le 5% et le 100% des recettes sont allouées à FORTA. La faute à l’essor des véhicules électriques (env. 20% de part de marché). Un rapide coup d’œil sur les flux financiers de FORTA, disponibles en ligne sur le site de l’OFROU, démontre bien que si la contribution de l’impôt sur les véhicules diminue (-7,3% entre 2019 et 2022), celle des deux taxes sur les huiles minérales n’a de cesse d’augmenter entre 2019 et 2022 (+105% pour la taxe, +2,6% pour la surtaxe)…
Mais où est le loup, me direz-vous? Le mécanisme de financement de FORTA repose sur six grandes ressources, dont une seule, la part de l’impôt sur les huiles minérales, est variable facilement. Alors que la littérature relative à FORTA fait état d’«en principe 10% de l’impôt sur les huiles minérales», le taux de contribution actuel est de 5% et cela semble suffisant. Mais il peut aussi diminuer et c’est clairement ce qui va se passer.
Les experts étatiques tablent sur un apport de la nouvelle taxe sur les véhicules électriques de 150 millions de francs. Les besoins planifiés de FORTA ne nécessitent pas de manne supplémentaire. En revanche, le ménage global de la Confédération est, semble-t-il, en délicatesse. Ces mêmes 150 millions seront dès lors retranchés de la contribution des taxes sur les huiles minérales à FORTA et serviront à embellir le bilan global de la Confédération. Et par ce joli tour de passe-passe comptable, on ponctionne encore une fois les automobilistes, sous couvert de financer les infrastructures qu’ils utilisent, pour en réalité financer le ménage commun de la Confédération. On dit merci qui?
Sur ce, je vous souhaite à toutes et tous d’excellentes fêtes de fin d’année et vous présente mes meilleurs vœux pour 2024. On se revoit l’an prochain pour de nouvelles aventures! Bonne route!