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L’ÉDITO DE JÉRÔME MARCHON

CO2: Berne punit l’automobile… pour mieux masquer ses propres lacunes

9 Avr 2025 | Edito

Ce n’est pas une transition, c’est une trahison. En décidant la semaine dernière d’appliquer des sanctions rétroactives dans le cadre de l’application de l’Ordonnance sur le CO2, le Conseil fédéral et l’administration veulent faire de l’industrie automobile le bouc émissaire de leur impuissance climatique. Dès le 1er janvier 2025, les importateurs devront payer – et cher, jusqu’à 500 millions de francs rien pour cette année – pour ne pas avoir vendu suffisamment de véhicules électriques. Des amendes rétroactives, fondées sur des chiffres irréalistes avant même que la nouvelle ordonnance ne soit en vigueur et qui plus est dans un contexte de marché extrêmement difficile: où est la logique? où est l’équité?

Oui, la Suisse a voté la loi sur le CO2. Oui, la neutralité carbone est un objectif partagé. Mais entre les grandes intentions politiques et la réalité du terrain, il y a un gouffre et la Confédération semble bien décidée à le faire payer au secteur privé. Pendant que les autorités quelles qu’elles soient rêvent de mobilité électrique généralisée, elles laissent l’infrastructure à la traîne, l’approvisionnement en électricité dans le flou et les acteurs économiques seuls face à un mur.

Faut-il rappeler que les importateurs jouent le jeu? Qu’ils proposent déjà des modèles électriques attrayants, techniquement au point et financièrement de plus en plus accessibles (voir Fiat Grande Panda et Hyundai Inster)? Mais sans bornes, sans réseau, sans vision énergétique solide, les clients hésitent et on les comprend. Changer les règles du jeu à mi-exercice alors que la planification et les commandes sont déjà réalisées depuis de nombreux mois, c’est comme sanctionner aujourd’hui les automobilistes pour une limitation de vitesse qui n’existait pas hier. C’est absurde. Et c’est même illégal, selon un rapport juridique commandé par la branche.

En agissant de la sorte, c’est un pan de l’économie qu’on étrangle. Des centaines de millions de francs d’amendes annuelles, ce sont des emplois en péril, des garages menacés, un tissu entrepreneurial laminé. Tout ça pour compenser une planification climatique hasardeuse et déconnectée. Pas certain que les 100 000 familles et 4000 entreprises qui vivent directement de la vente automobile (et accessoirement cotisent par les impôts ordinaires) apprécient d’être si peu considérées.

La Berne fédérale joue avec le feu. À vouloir forcer le marché au lieu de l’accompagner, elle freine la transition qu’elle prétend accélérer. L’électromobilité n’est pas une case à cocher, c’est un chantier générationnel, qui exige temps, coordination, investissements et respect mutuel. L’industrie automobile est prête à avancer, mais pas à marcher seule. Et sûrement pas à reculer pendant que d’autres regardent ailleurs.
Il est encore temps pour le Conseil fédéral de faire marche arrière. Mais qu’il ne tarde pas trop. La route vers 2050 se prépare aujourd’hui et pas en punissant ceux qui la construisent.

Jérôme Marchon

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