Spécial énergie - La durabilité va au-delà de la réduction des émissions de CO2
Immeubles habités: réussir son projet de rénovation
Malgré les inévitables nuisances, comment faire pour qu’une rénovation énergétique en site occupé se déroule dans les meilleures conditions? Outre les aspects directement liés au chantier, une bonne coopération avec les habitants est indispensable: il est important de répondre à leurs besoins avant, pendant et après les travaux. Des locataires bien informés et intégrés au processus seront mieux à même d’accepter le projet de rénovation. Pour appuyer les propriétaires dans leur démarche, SuisseEnergie – programme de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) – a édité dans les trois langues nationales un manuel qui contient une foule de recommandations utiles.
Dans la plupart des cas, les opérations de rénovation énergétique se font en présence des locataires. Il est en effet compliqué de «vider» entièrement un bâtiment de ses résidents; de plus, le faible taux de vacance des villes suisses ne facilite pas leur déplacement. La rénovation de bâtiments habités constitue une intrusion dans la sphère privée des personnes qui y vivent; il est par conséquent nécessaire d’organiser scrupuleusement le chantier. Les interventions doivent être planifiées de manière à ce que les locataires puissent rester dans leur logement durant la majeure partie des travaux.
Si ces derniers sont trop incommodants, les habitants se voient généralement proposer un logement alternatif (appartement calme, de vacances, hôtel, etc.). Des espaces de tranquillité durant la journée et des zones de stockage pour entreposer les objets retirés temporairement des logements sont à aménager. Il s’agira également d’engager des mesures d’accompagnement pour les personnes les plus sensibles (familles avec enfants, locataires âgés, malades, etc.) et/ou à mobilité réduite. A noter que les locataires ont droit à une réduction de loyer.
Participer activement à l’avenir
de son quartier
Dans le cadre de la rénovation de bâtiments habités, la communication et la participation s’avèrent des dimensions clefs. Comment s’y prendre pour rendre la rénovation énergétique durable non seulement sur les plans écologique et économique, mais aussi sur le plan social? S’inspirant de la méthode AMU (Assistant à maîtrise d’usage), développée par les Services industriels de Genève (SIG) et mise en œuvre à Genève, SuisseEnergie a édité la brochure «Rénovations énergétiques des bâtiments habités: planifier et concevoir de manière participative et socialement durable». Le manuel s’appuie sur des expériences pratiques; les particularités régionales et les conditions cadres suisses ont été intégrées. Cette approche se veut flexible, s’adaptant aux ressources disponibles et à la taille des projets: Small (10-50 logements, pour un budget annuel de communication de CHF 20 000.- à 80 000.-), Medium (50-250 logements, budget de CHF 80 000.- à 150 000.-) et Large/Extra-large (plus de 250 logements, budget dès CHF 150 000.-).
Pour le maître d’ouvrage, adopter une méthodologie de ce type permet d’éviter les oppositions et de limiter le report du projet. Les habitants ont l’avantage de pouvoir rester chez eux, sans se trouver déracinés par un déménagement. La structure sociale du quartier est préservée. «La participation des locataires au processus de rénovation – par le biais de d’ateliers, d’actions communes et d’événements – leur permet d’en comprendre les tenants et les aboutissants et de créer ainsi une ambiance positive, indique Andrea Streit, spécialiste Bâtiments, Efficacité énergétique et Energies renouvelables à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Cela génère un sentiment d’identification et favorise la communauté, avec pour effet une culture de l’habitat vivante».
Jeter un coup d’oeil en coulisses du chantier contribue à une meilleure compréhension de la rénovation.
Une démarche rigoureuse
Toute rénovation intégrant la dimension sociale requiert une préparation minutieuse, fondée sur un plan de communication et de participation solide, qu’il convient d’intégrer dès le début dans la planification. La première étape consiste à définir le projet de rénovation par le biais d’un argumentaire composé de questions-réponses, telles que: que rénove-t-on, tout ou une partie des immeubles? Quels sont les objectifs, le calendrier et les étapes de l’opération? Quels sont les avantages de rester dans son logement durant le chantier? Les risques et les désagréments? S’ajoutera un état des lieux regroupant des informations sur les locataires, les associations, le voisinage, les équipes de planification et de construction, etc. Pour guider les maîtres d’ouvrage, la brochure propose une boîte à outils composée de modèles de lettres, de listes, de questionnaires, etc.
Il est important que les propriétaires s’impliquent de manière précoce et adoptent une attitude claire envers les locataires. Leur engagement, tant sur le plan personnel que financier (budget alloué aux mesures d’accompagnement), est essentiel. La position de l’équipe de gestion est également à établir clairement. Sur cette base, il sera possible de fixer un
calendrier, de déterminer les mesures, ainsi que le degré et les formes de participation. Ce plan de communication sera présenté et validé par le maître d’ouvrage; dès lors, il deviendra contraignant pour toutes les parties prenantes du processus. Les interlocuteurs auxquels les locataires pourront adresser leurs demandes seront définis. Enfin, pour favoriser l’appropriation du projet par les habitants, il est recommandé de concevoir une identité visuelle, dédiée à la rénovation, si possible accompagnée d’un message (slogan).
Renforcer l’acceptation du projet
Dans l’idéal, les locataires sont informés du projet envisagé par écrit et à un stade précoce; ils sont conviés à une séance d’information lors de laquelle ils trouveront des réponses à leurs préoccupations et questions. Les points critiques seront soulevés. Par la suite et par le biais de canaux de communication choisis (en fonction de la taille et de la nature du projet), ils seront régulièrement informés du déroulement des travaux; des anecdotes sur le quotidien du chantier contribueront à favoriser la compréhension des habitants. Enfin, il est important que les locataires reçoivent des instructions (écrites, démonstrations, vidéos) relatives à l’utilisation des nouveaux équipements installés dans leur logement. A la fin du processus, un questionnaire d’enquête sera adressé aux habitants afin de mener une analyse interne et de tirer des enseignements. Grâce à la valeur attachée à l’aspect social, la méthode proposée par SuisseEnergie permettra de renforcer les relations de voisinage: la rénovation portera ses fruits encore bien longtemps après la fin des travaux.
Véronique Stein
GROS PLAN
Vous aussi, lancez-vous!
Deux projets pilote sont en cours, au Tessin et à Winterthour. L’OFEN est sur le point de lancer un «appel à projets»: cinq projets seront sélectionnés avec des partenaires désireux d’appliquer le manuel en bénéficiant de l’accompagnement proposé, puis de faire un retour d’expérience. Pour cette coopération, une subvention allant jusqu’à 40% des coûts du processus participatif est prévue.
Les candidats intéressés peuvent prendre contact avec:
andrea.streit@bfe.admin.ch
Le manuel peut être téléchargé sur le site de l’OFEN, à la rubrique Bâtiments :
https://pubdb.bfe.admin.ch/fr/publication/download/11730