«Parapluies inversés» à l’entrée de la Great Southwestern Corp, Texas.

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culture & nature

Félix Candela, l’homme qui faisait des vagues

4 Sep 2024 | Articles de Une

Architecte espagnol exilé au Mexique, Félix Candela, fasciné par l’ingénierie, a perfectionné la coque «hypar», source de bâtiments révolutionnaires d’une légèreté et d’une élégance à couper le souffle. Mise en lumière jusqu’au 15 septembre au Pavillon Sicli, son œuvre apparaît aujourd’hui comme une alternative écologique à l’utilisation excessive du béton armé.

Puissance structurelle dont la résistance est donnée par la forme géométrique, la paraboloïde hyperbolique, en abrégé la coque hypar, est devenue la marque distinctive de Félix Candela.
«Depuis ses études à l’Université polytechnique de Madrid, puis à l’Académie royale des beaux-arts de Saint-Ferdinand, l’architecte madrilène né en 1910 développe une attraction particulière pour les aspects techniques des projets, dans le domaine du béton armé», explique Fréderic Monney, ingénieur et membre de la commission de programmation de la Fondation Pavillon Sicli. Candela s’intéresse à l’œuvre des pionniers occidentaux, l’Italien Pier Luigi Nervi et son architecture légère aux nervures préfabriquées, le Français Eugène Feyssinet, les Allemands Ulrich Finsterwalder et Franz Dischinger. Il approfondit le travail d’Eduardo Torroja, architecte espagnol qui a expérimenté la coque dès les années 1930.
Exilé au Mexique après avoir combattu aux côtés des Républicains contre Franco, ayant acquis en 1941 la nationalité mexicaine, l’architecte va pouvoir concrétiser son ambition. Dès 1950, simultanément ingénieur, concepteur de structures et constructeur au sein de son entreprise Cubiertas Ala, il expérimente ses premières coques définies mathématiquement, gagne en audace et réalise les œuvres qui lui vaudront une renommée mondiale. «Le coffrage peut être réalisé en bois rectiligne et seule une mince couche de béton est nécessaire pour sa
réalisation, relève Frédéric Monney. Candela a tant perfectionné ses coques qu’elles ne mesuraient que quatre centimètres dans leurs points les plus fins, à l’exemple du restaurant Los Manantiales (1958) à Mexico, une ‘fleur de béton’ qui compte parmi ses chefs-d’œuvre».

Eglise de la Médaille miraculeuse, Mexico (1953-55).

«Parapluies» et «voûtes d’arête»

Les toitures conçues avec des hypars se répartissent en deux catégories. Son pain quotidien était le toit en «parapluie» formé de segments d’hypar rejoints en une colonne centrale qui transmet les charges au sol. Economique, efficace et polyvalent, ce type de structure très demandé pour les bâtiments industriels et de services connaîtra de nombreuses variantes pour assurer notamment la ventilation ou l’éclairage naturel. D’autres œuvres de Candela appartiennent à la famille des «voûtes d’arête» réalisées avec des hypars. Obtenues par l’intersection de deux berceaux, elles sont inspirées de la voûte d’arête utilisée en architecture depuis l’Antiquité. Les diverses variantes de ce type de structures en coques signeront les plus belles réussites esthétiques de Candela. Parmi la vingtaine de bâtiments emblématiques exposés au Pavillon Sicli aux côtés de maquettes, plans et photos, on découvre notamment la Bourse de Mexico (1954), les chapelles de Cuernavaca et de Coyoacan (1959), l’église San José Obrero à Monterrey (1969) et l’église de la Medalla Milagrosa à Mexico (1954), influencée par les formes de Gaudi. Né en 2003 du travail commun avec l’architecte espagnol Santiago Calatrava, l’aquarium Oceanografic de Valence démontre une dernière fois et de manière impressionnante le travail visionnaire de Candela, disparu en 1997.

Réflexion sur un nouveau futur

Face au défi climatique, son héritage résonne à travers l’utilisation limitée de matière grâce à des formes alliant efficacité, haute résistance et légèreté. Dans le secteur de la construction, les dalles pleines en béton armé, très lourdes, prolifèrent, tandis que les planchers en coques, à corps creux, ou encore les dalles nervurées sont rares. Les alternatives sont possibles. Après des années d’études, le Block Research Group de l’EPFZ Zurich a lancé sur le marché un système de dalles voûtées préfabriquées, nervurées et non armées. «Leur géométrie inspirée des voûtes en compression anciennes réduit considérablement l’emploi de matière», note Frédéric Monney.
Conçue par la Faculté d’Architecture de l’Université Nationale Autonome du Mexique (FA-UNAM), soutenue notamment par Induni & Cie SA, l’exposition permettra par ailleurs de redécouvrir la hardiesse de la fine coque en béton précontraint du Pavillon Sicli réalisée entre 1966 et 1970 par Constantin Hilberer et l’ingénieur Heinz Isler. A l’inverse de la recherche formelle de Candela résultant d’équations mathématiques (formes géométriques), celle d’Isler s’est effectuée par un travail sur maquette, base de procédures empiriques fondées sur l’observation de la nature.

 

Viviane Scaramiglia

Felix Candela, architecte du mouvement.

Felix Candela
Fonction, forme et élégance des coques en béton
Exposition jusqu’au 15 septembre
Avec le soutien d’Induni & Cie SA
Pavillon Sicli
45, route des Acacias
1227 Genève
www.pavillonsicli.ch