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finance immobilière - Crise immobilière chinoise

A quand le rebond?

28 Août 2024 | Articles de Une

Lorsqu’on vous parle de crise immobilière, de nombreux souvenirs doivent vous venir à l’esprit: spéculation immobilière effrénée lors de l’Exposition universelle de 1873, crise immobilière en Suisse ou encore crise des subprimes. Ce qui est très intéressant (ou effrayant), c’est que ce genre de crise ne se comporte pas du tout comme une crise boursière. Synthèse et analyse d’une thématique cruciale pour comprendre l’évolution de la croissance… chinoise!

Les prix des logements neufs dans 70 villes chinoises ont diminué de 4,9% en glissement annuel en juillet 2024, après une baisse de 4,5% le mois précédent. Il s’agit du 13e mois consécutif de baisse et du rythme le plus rapide depuis juin 2015, malgré les tentatives continues de Pékin d’atténuer l’impact d’une faiblesse prolongée de l’immobilier, notamment en réduisant les taux hypothécaires et le coût d’achat des logements.
Sur une base mensuelle, les prix des logements neufs ont diminué de 0,7% pour le troisième mois consécutif en juillet, restant à leur plus forte baisse depuis octobre 2014. Avant cela, le groupe immobilier Evergrande avait lancé une alarme en 2021 à la suite d’un développement considérable et mal maîtrisé. Il a alors été révélé que l’entreprise avait accumulé une dette estimée en 2023 à près de 2400 milliards de yuans, soit plus de 302 milliards d’euros. Ce ne sont que de maigres exemples de la crise immobilière qui secoue la Chine depuis plusieurs années.
Cependant, d’autres crises immobilières ont vu le jour dans plusieurs parties du monde ces dernières décennies, ce qui nous permet d’avoir un peu de recul et d’essayer d’anticiper à quel moment la deuxième économie du monde va rebondir.

Des exemples précis

Il y a plusieurs exemples de crises immobilières dans le monde et de «retour à la normale». Voici ce à quoi on a assisté.

• Suisse
La crise immobilière suisse du début des années 1990 a été provoquée par une bulle spéculative sur les marchés immobiliers à la fin des années 1980, alimentée par une surévaluation et un crédit facile. Les taux d’intérêt élevés de la Banque nationale suisse, destinés à contrôler l’inflation, ont rendu les emprunts coûteux, ce qui a entraîné des tensions financières pour les propriétaires et les promoteurs immobiliers surendettés.
Le ralentissement économique du début des années 1990, marqué par une hausse du chômage et une baisse de la confiance des consommateurs, a fait chuter la demande de biens immobiliers. Les banques suisses, fortement exposées à l’immobilier, ont subi des pertes importantes, ce qui a exacerbé la crise. Il en est résulté une forte baisse des prix de l’immobilier, un resserrement du crédit et une correction prolongée du marché. Il a fallu attendre l’année 2000 pour retrouver des niveaux d’antan.

• Grande-Bretagne
En 2008, le marché immobilier britannique s’est effondré. La crise financière mondiale, déclenchée par la crise des prêts hypothécaires à risque aux Etats-Unis, a entraîné un resserrement soudain et important des conditions de crédit.
Les banques ont cessé de prêter librement et les gens ont eu plus de mal à obtenir des prêts hypothécaires. Cette situation a entraîné une forte baisse des prix de l’immobilier, car les acheteurs se sont taris et les vendeurs ont eu du mal à se débarrasser de leurs biens. Au pire, le marché immobilier britannique a chuté d’environ 20%. Comme le montre le graphique en page 10, il a fallu attendre août 2014, soit près de 7 ans, pour que les prix de l’immobilier retrouvent leur niveau d’avant la crise (non corrigé de l’inflation).

• Etats-Unis
L’effondrement du marché du logement en 2008 a été causé par un certain nombre de facteurs, notamment les prêts hypothécaires à risque, les pratiques de prêt prédatrices et la titrisation par les prêteurs. L’effondrement du marché immobilier en 2008 a eu un impact dévastateur sur l’économie mondiale. Des millions de personnes ont perdu leur emploi et de nombreuses entreprises ont fait faillite. Le gouvernement américain a dû intervenir en renflouant massivement le système financier afin d’éviter une dépression. Le krach immobilier de 2008 a été un événement catastrophique dans l’histoire du marché immobilier des Etats-Unis, entraînant une grave récession économique qui a touché des millions d’Américains.
La reprise du marché immobilier américain après la crise financière de 2008 a pris plusieurs années, le calendrier variant en fonction de la région et du segment de marché. D’une manière générale, le marché du logement a commencé à se stabiliser vers 2012, lorsque les prix des logements ont commencé à augmenter régulièrement.
En 2013, de nombreuses régions ont connu des améliorations significatives, les prix des logements au niveau national ayant augmenté d’environ 10% à 12% par rapport à leur niveau le plus bas d’après-crise. Toutefois, ce n’est que vers 2016-2017 que les prix des logements dans de nombreuses régions du pays ont retrouvé leurs niveaux d’avant la crise, marquant ainsi une reprise complète. Certaines régions, en particulier celles qui ont été le plus durement touchées par la crise, comme certaines parties de la Floride, du Nevada et de l’Arizona, ont mis plus de temps à se redresser. La reprise a été influencée par des facteurs tels que l’intervention des pouvoirs publics, la croissance économique et l’amélioration progressive de l’accès au crédit.

Evolution des prix des maisons neuves en Chine.
Une crise qui dure…

L’importance de la Chine

La Chine connaît actuellement une crise de l’immobilier et c’est un problème majeur, car le marché immobilier chinois est très important. Il s’agit de la plus grande classe d’actifs au monde. Selon certaines estimations, l’immobilier en Chine vaut en tout et pour tout quelque 60 000 milliards de dollars. Mais depuis quelques années, ce chiffre est en baisse. Et ce sont les promoteurs immobiliers chinois qui rencontrent les difficultés les plus évidentes à l’heure actuelle. Ils ont commencé à ne pas rembourser leurs emprunts, voire à se retrouver en défaut de paiement.
Il est très important d’y prêter attention, car la Chine est une économie massive qui fait partie de l’économie mondiale. La bonne santé de la Chine a donc un impact sur les gens ordinaires et les investisseurs, même aux Etats-Unis, par exemple, en ce qui concerne leurs retraites et leurs économies. L’immobilier a énormément aidé la Chine dans le passé, mais il pourrait aussi bloquer son économie à l’avenir.

Chronologie d’une histoire chinoise

La crise immobilière chinoise s’étend sur plusieurs années, les promoteurs immobiliers étant confrontés à de graves difficultés financières, y compris des défauts de paiement. Chronologie.
• Phase 1: Naissance du marché immobilier. Avant les années 1980, la propriété privée n’existait pas en Chine. Les réformes économiques ont permis aux entreprises privées de se développer, mais le gouvernement a vu ses revenus diminuer. En 1994, les réformes fiscales de Zhu Rongji ont conduit les gouvernements locaux à s’appuyer sur les ventes de terrains pour générer des revenus, ce qui a conduit à un développement massif de l’immobilier.
• Phase 2: Les années de fête. L’immobilier en Chine a connu un essor fulgurant, les gouvernements locaux, les promoteurs et les citoyens investissant massivement dans l’immobilier. Des promoteurs comme Evergrande se sont développés massivement en recourant à l’endettement. Cette période a été marquée par une croissance extrême, la création de richesse et une spéculation effrénée sur le marché immobilier.
• Phase 3: La crise. La crise a commencé avec le discours de 2017 du président Xi Jinping, critiquant la spéculation sur le marché du logement, suivi par la politique des «trois lignes rouges» de 2020, qui a imposé des limites strictes à l’endettement des promoteurs. Cela a entraîné un ralentissement du marché, avec une chute des prix de l’immobilier et le défaut de paiement de promoteurs comme Evergrande. La situation représente désormais un risque important pour l’économie chinoise, avec des dommages financiers potentiels de grande ampleur.

Une «simple» histoire de cycle?

Se pose maintenant la question de savoir combien de temps pourrait durer cette crise… Une bulle immobilière (ou bulle du logement pour les marchés résidentiels) est un type de bulle économique qui se produit périodiquement sur les marchés immobiliers locaux ou mondiaux, et qui suit généralement un boom foncier.
Un boom foncier est une augmentation rapide du prix du marché des biens immobiliers, tels que les logements, jusqu’à ce qu’ils atteignent des niveaux insoutenables, puis diminuent.
La question de savoir s’il est possible d’identifier et de prévenir les bulles immobilières, et si elles ont une signification macroéconomique plus large, reçoit des réponses différentes selon les écoles de pensée économique. Les bulles sur les marchés du logement sont plus critiques que les bulles sur les marchés boursiers.
Historiquement, l’effondrement des prix des actions sur les marchés boursiers se produit en moyenne tous les 13 ans et dure 2,5 ans. Les effondrements des prix du logement sont moins fréquents, mais durent presque deux fois plus longtemps et entraînent des pertes de production deux fois plus importantes.
Selon les études du FMI, les baisses de prix des logements se produisent en moyenne tous les 20 ans, durent environ 4 ans et entraînent des baisses de prix d’environ 30%. Alors qu’un quart seulement des hausses de prix des actions ont été suivies de baisses, environ 40% des hausses de prix du logement se sont terminées par des baisses. Les deux types d’effondrement ont été fortement synchronisés entre les pays.
Les baisses de prix des actions et du logement ont toutes deux été associées à des pertes de production (par rapport à la simple extrapolation du taux de croissance d’avant la crise), reflétant les baisses des taux de croissance de toutes les principales composantes de la demande intérieure finale privée: la consommation, l’investissement en machines et équipements, et l’investissement dans la construction.
La perte de production associée à un effondrement typique des prix du logement (environ 8% du PIB) était deux fois plus importante que celle associée à un effondrement typique des prix des actions (environ 4% du PIB). La production a généralement commencé à se redresser environ neuf trimestres après le début d’une baisse des prix des actions ou du logement.
Une autre étude expérimentale montre également que, par rapport aux marchés financiers, les marchés immobiliers connaissent des périodes d’expansion et de récession plus longues. Les prix baissent plus lentement parce que le marché immobilier est moins liquide.

Quand la crise immobilière chinoise sera-t-elle terminée?

C’est bien évidemment la question à plusieurs milliards de dollars. Qu’on se le dise immédiatement, une réponse précise à cette question est impossible. Cependant au regard de l’histoire (qui inclut les exemples ci-dessus) on peut mettre plusieurs éléments en avant. Par exemple, la crise immobilière en Suisse a duré environ 10 ans, tandis que la reprise du marché immobilier américain après la crise des subprimes a pris environ 8 à 9 ans. En général, les crises immobilières sont plus longues que les crises boursières et peuvent entraîner des récessions prolongées, avec des impacts durables sur l’économie mondiale. La durée de la reprise dépend de nombreux facteurs, y compris les interventions politiques et la dynamique régionale.
Si on se focalise sur la crise immobilière chinoise, on peut faire les constats suivants:
• La crise immobilière a commencé en 2017, il y a donc 7 ans.
• Le prix des maisons a baissé de 10% à 20% selon les régions depuis 2017.
• Le gouvernement chinois intervient de plus en plus sur les marchés pour empêcher que la crise ne frappe dramatiquement l‘économie du pays. Il a notamment supprimé le plancher des taux hypothécaires et encouragé les gouvernements locaux à acheter des maisons pour les convertir en logements abordables.
À la lecture de ces éléments, on peut conclure que la crise immobilière chinoise dure plus longtemps que la moyenne historique des précédentes crises. Ensuite, si les prix moyens ont baissé, il y a «encore de la place» pour que la tendance se poursuive quelque peu. Enfin, les interventions politiques ont été très importantes et vont se poursuivre ces prochains mois. On peut donc supposer (espérer) que la crise soit bientôt «terminée» et que 2025 puisse marquer l’année du rebond.

Synthèse

La crise du marché immobilier chinois est une question cruciale qui a des implications mondiales. Les efforts déployés par le pays pour dégonfler le marché sans causer de dommages économiques généralisés s’avèrent difficiles. Si la Chine ne parvient pas à stabiliser la situation, les conséquences économiques pourraient être graves, affectant non seulement la Chine, mais aussi l’économie mondiale. Cependant au regard des précédentes crises immobilières mondiales, on peut espérer que le pire soit derrière nous…

 

John Plassard
Analyste
Mirabaud Equity Research

Remontée des prix au Royaume-Uni.
John Plassard.

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