Altlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Vaud.

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MARCHÉ IMMOBILIER - Analyse de Wüest Partner pour le JIM

Le contexte économique dope l’immobilier

12 Juin 2024 | Articles de Une

Le premier semestre de 2024 marque le début d’une nouvelle phase: l’inflation semble durablement maîtrisée en Suisse, ce qui a permis de réduire les taux directeurs dès mars 2024. La BNS a ainsi pris les devants par rapport aux autres grandes banques centrales, insufflant une impulsion positive à l’économie réelle du pays. Les derniers chiffres du SECO indiquent une croissance soutenue de l’activité économique hebdomadaire en mai (+2,1% entre début mai 2023 et début mai 2024). Le marché des logements en propriété devrait bénéficier de ces évolutions. Les taux d’intérêt hypothécaires à 10 ans ont amorcé une nette baisse dès la fin de l’année 2023, et les taux des hypothèques Saron devraient également diminuer parallèlement aux taux directeurs.

La Suisse continue en outre de créer de nombreux emplois (+60 000 équivalents plein temps entre le 1er trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024), et d’attirer ainsi de nouveaux résidents (solde migratoire: +28 000 personnes entre janvier et avril 2024). L’année 2024 s’annonce donc encore sous de bons auspices, tant sur le plan économique que démographique.
Ainsi, le pouvoir d’achat immobilier des ménages s’améliore. Cela, conjugué à la croissance démographique et à la résilience du marché de l’emploi, devrait contribuer à stimuler la demande et redynamiser l’activité de transaction.

Logements en propriété:
la demande de villas et PPE
reprend son élan

La pénurie croissante de logements locatifs a engendré une demande supplémentaire pour les logements en propriété. Cette demande a davantage profité au segment des appartements en PPE, car ceux-ci restent abordables pour une plus grande frange de la population. C’est la raison pour laquelle, dans tous les cantons romands, les prix des PPE ont augmenté, et de façon plus dynamique que ceux des maisons individuelles, entre le 1er trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024. Les prix des maisons individuelles ont en revanche évolué en ordre dispersé: hausse marquée à Fribourg et en Valais, stagnation dans les cantons de Vaud et du Jura, recul à Genève et Neuchâtel.
La demande a également été stimulée par la baisse des taux d’intérêt dès fin 2023, ainsi que par la forte croissance démographique du pays. Parmi les cantons romands, c’est le canton de Fribourg qui a connu la plus importante croissance démographique en 2023, avec une hausse de 2% (*). C’est une des raisons pour lesquelles Fribourg a également connu les plus fortes hausses de prix des villas et PPE, de respectivement +3,8% et +6,6% sur un an au 1er trimestre 2024. Le canton de Fribourg profite notamment d’un niveau de prix plus abordable que ceux des cantons voisins de Vaud et Berne, et de sa proximité du marché de l’emploi florissant de la région lausannoise.
D’autres facteurs ont également pu contribuer au regain de vitalité de la demande pour les logements en propriété: la résilience économique du pays et le faible risque de chômage permettent à de nombreux ménages d’envisager plus sereinement un achat immobilier. Et les bonnes performances boursières en 2023 ont pu permettre à certains d’améliorer leurs apports de fonds propres.

Revirement de l’offre

Tandis que la demande pour les villas et les PPE reprend progressivement des couleurs, on observe début 2024 un début de revirement de l’offre. En effet, si l’offre de villas et de PPE était nettement à la hausse dans tous les cantons romands (hormis le Valais) entre début 2022 et fin 2023, plusieurs cantons voient désormais leur taux d’offre décliner légèrement au 1er trimestre 2024. C’est notamment le cas dans les cantons de Fribourg, de Neuchâtel et du Valais, où les prix restent globalement encore abordables, et où le nombre de maisons individuelles et d’appartements en PPE proposés à l’achat ont régressé de 3% à 7% entre le 4e trimestre 2023 et le 1er trimestre 2024. Cette tendance devrait vraisemblablement perdurer et même s’accentuer, car l’activité de construction demeure frileuse: les demandes de permis de construire au 1er trimestre 2024, que ce soit pour des villas ou des PPE, affichent un recul par rapport à la moyenne des dix dernières années dans tous les cantons romands, et en particulier dans les cantons de Vaud et de Fribourg, ou le déclin se monte à plus de 30%.
Le regain progressif de la demande dans un contexte d’offre limitée laisse présager une poursuite de la dynamique haussière des prix des logements en propriété en 2024. Sur l’ensemble de la Suisse on s’attend ainsi à ce que les prix des PPE progressent de 2,5% et ceux des maisons individuelles de 1,5% cette année. Les prévisions pour l’Arc lémanique sont un peu plus timides, à +2,3% pour les appartements en PPE et seulement +0,5% pour les maisons individuelles. Cette prévision plus prudente quant à l’évolution des prix des villas s’explique d’une part par la faible dynamique des prix observée ces derniers mois à Genève et Vaud, mais aussi par le fait que le taux d’offre y reste nettement supérieur à la moyenne nationale. Avec des prix des maisons individuelles frôlant les 3 millions de francs dans le canton de Genève, la marge de progression semble par ailleurs bien limitée.

Altlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Genève.

Logements locatifs: les logements abordables se font de plus en plus rares

La pénurie sur le marché des logements locatifs continue de s’accentuer, ce qui se traduit par une érosion continue de l’offre dans l’ensemble des cantons romands. Le taux de l’offre (nombre de logements proposés à la location en pourcentage du parc locatif) dans le canton de Vaud est par exemple passé de 5,5% au 1er trimestre 2023 à 3,2% seulement au 1er trimestre 2024, soit son niveau le plus bas depuis 2015. La diminution du taux de l’offre a été encore plus marquée dans le canton de Fribourg, avec une baisse de 2,9 points de pourcentage sur un an. Le taux de l’offre fribourgeois est ainsi presque égal à la moyenne nationale, alors qu’historiquement ce canton avait toujours disposé d’une offre plus étendue.
Les loyers des nouveaux baux conclus n’ont pour le moment que peu augmenté dans les cantons romands (+0,5% dans le canton de Vaud et +1,8% à Genève), mais cela ne reflète qu’une partie de la réalité pour les locataires. Si l’on considère les loyers de l’offre, c’est-à-dire les loyers affichés dans les annonces et corrigés de la qualité, la hausse est bien plus nette, avec +4,5% sur un an dans le canton de Vaud et même jusqu’à 6,1% dans le canton de Genève au 1er trimestre 2024.
Ces chiffres révèlent une dichotomie intéressante: si les locataires déjà installés ou ayant récemment trouvé un logement ne ressentent que peu les effets de la crise du logement locatif, il en va bien autrement pour les ménages cherchant à déménager. Trouver un logement adéquat à un loyer abordable devient de plus en plus difficile. Au niveau national, le nombre de logements proposés à la location pour moins de 2000 francs par mois a chuté de 35% entre 2020 et 2023, alors que ce montant représente le loyer maximal supportable pour environ la moitié des ménages suisses.
Face à cette diminution de la disponibilité de logements à prix abordables, on estime que 28% des ménages, s’ils devaient déménager dans un logement de standing et de situation similaire, seraient confrontés à des loyers du marché dépassant un tiers de leur revenu. Les cantons de Genève et Vaud sont particulièrement touchés, avec respectivement 56% et 36% des ménages qui subiraient des loyers inabordables en cas de déménagement. Il est ainsi probable que de plus en plus de ménages restent dans un logement inadapté à leurs besoins (trop petit, trop grand, éloigné du travail, par exemple) faute de disponibilité à des prix abordables.
Avec une activité de construction qui a de la peine à décoller, même pour les immeubles locatifs (à l’exception du canton de Genève, où près de 3000 logements locatifs ont été autorisés à la construction au cours de 12 derniers mois), il est peu probable que la situation s’améliore à court terme. Nos prévisions tablent sur une nouvelle hausse des loyers de l’offre en 2024 de 3,9% dans l’Arc lémanique et de 3,1% en Suisse occidentale.

 

CORINNE DUBOIS, VINCENT CLAPASSON
©WÜEST PARTNER SA
ET LE JOURNAL DE L’IMMOBILIER

(*) Voir aussi «Un stimulant pour l’immobilier suisse», Le Journal de l’Immobilier No 124, du 29 mai 2024, disponible sur notre site www.jim.media