Le SOS lancé par les crèches privées. De gauche à droite, Kristina Babina, directrice de TotUp, Sabber Benhamma, responsable de la crèche internationale suédoise et Mendel Pevzner, directeur de Gan Habad.

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votation genevoise du 9 juin 2024 - Votation du 9 juin

Des crèches privées sous pression

29 Mai 2024 | Articles de Une

Les Genevoises et Genevois sont appelés, le 9 juin prochain, à voter sur la modification de la Loi cantonale sur l’accueil préscolaire, remise en question par un référendum porté par la gauche et les syndicats. Menacées de faillite en cas de refus, les crèchent privées non subventionnées lancent un cri d’alarme aux votants.

Pour sauver les crèches privées de la fermeture, le Grand Conseil a voté une modification de la loi qui rétablit la pratique usuelle: le respect du salaire minimum légal (4215 francs) et son évolution vers le haut en fonction des lois du marché. C’est ainsi que fonctionnent tous les secteurs économiques du pays, en dehors du public. Et c’est ce qu’ont rappelé jeudi devant la presse les responsables des crèches privées TotUp, de Gan Habad et de la Crèche internationale suédoise, qui sont comme la plupart non subventionnées.
«Devoir assurer au personnel les mêmes conditions que dans le secteur public subventionné: la mission est impossible». Le constat est unanime. Calquée sur la Convention collective de travail (CCT) de la Ville de Genève, l’obligation de s’y soumettre édictée en 2022 résonne comme une inégalité de traitement. D’un côté, les pertes des structures publiques sont couvertes. Ce qui démontre que les frais payés par les parents ne suffisent pas à couvrir la prise en charge de chaque enfant. De l’autre, la petite dizaine de structures privées qui fonctionnent le plus souvent sans la moindre subvention et qui courent à la faillite en raison des augmentations de charges extrêmement lourdes induites par le règlement. Leur maintien, tout comme leur essor, est toutefois capital.
En accueillant un millier d’enfants, soit 5% de l’offre, elles contribuent à agir utilement contre le manque récurrent de places de crèches: il en faudrait plus de 3200 supplémentaires dans le canton, dont 1100 en ville de Genève. Deux structures qui ont suivi la directive de 2022 ont déjà fermé boutique et les autres restent sur la corde raide si Genève refuse la modification légale. De fait, pour tenir, aucune des trois structures ne respecte à ce jour les règles imposées. Or, tant que la bataille politique n’est pas gagnée, la résistance semble vaine. Contestataire, TotUp a essuyé le rejet du Tribunal fédéral qui lui a donné tort. Les autres, au fil des contrôles, se retrouvent dans le collimateur de l’Etat. Représentant les «obéissants», la crèche Scoubidou qui s’est soumise à la directive se dit quant à elle très fragilisée.

Une situation inédite

«Cette situation est inédite à Genève», s’exclame Kristina Babina, fondatrice et directrice de la chaîne romande de crèches
TotUp (dont celle de Thônex et du Petit-Lancy) qui souligne la bonne collaboration entre structures d’accueil publiques et privées dans le canton de Vaud, afin de préserver l’équilibre entre l’offre et la demande.
«Salaires plus élevés, annuités, indexations: la hausse de coûts qui ne peut être répercutée sur les tarifs en regard de la logique du marché s’avère d’autant plus insupportable qu’elle viendrait s’ajouter aux coûts induits par nos spécificités», relèvent les intervenants. L’encadrement bilingue est courant, son taux plus élevé que la norme minimale (quatre professionnels pour douze enfants à la crèche Gan Habad, par exemple) ou encore le recours à des intervenants externes pour du yoga, de la danse ou de la musique. TotUp demande 3700 francs pour un accueil à plein temps. La crèche juive pratique des tarifs ente 1000 et 1500 francs (32 heures par semaine) pour être accessible aux bas salaires et l’accueil à la crèche suédoise coûte 2800 francs tout inclus.
Ces deux crèches sont déjà légèrement déficitaires et compensent leurs pertes grâce aux apports de leurs écoles respectives. Au final, seule la loi qui vient corriger la donne en rétablissant le respect du salaire minimum permettra aux structures privées de s’en sortir.

Une modification de loi nécessaire.

Pas de crèches au rabais

Ces acteurs du secteur de la petite enfance s’élèvent contre l’argumentaire des opposants «Pas de crèches au rabais, pas d’économies sur le dos du personnel et des enfants!». «En aucun cas, il s’agit de faire du dumping salarial, contestent-ils. Le but n’est pas de s’aligner sur le salaire minimum. Les rémunérations doivent rester compétitives, faute de quoi il est impossible de recruter». La crèche suédoise se situe à quelque 8% en dessous des salaires du secteur public. Chez TotUp, les salaires vont de 4600 à 7000 francs, «les plus bas concernant les postes d’intendance». Et si ces crèches trouvent du personnel qualifié, selon elles, c’est parce qu’il y trouve des avantages. La crèche suédoise offre une grande flexibilité à ses employés, Gan Habad limite l’accueil à 32 heures afin de favoriser la vie familiale de son personnel, TotUp assure notamment les repas et une place de crèche à tarif réduit pour les employés parents. Sabber Benhamma conclut: «Si nous étions des crèches au rabais, les parents ne viendraient pas nous confier leurs enfants!». Si le 9 juin, le «oui» l’emporte, les responsables se disent ouverts à l’établissement d’une convention collective de travail.

 

Viviane Scaramiglia