Les conflits en entreprise peuvent engendrer de graves problèmes.

/

carrièrE & formation - CAS PRATIQUE

Licenciement: l’ancienneté ne confère pas forcément un avantage

29 Mai 2024 | Carrière et formation

Cela fait dix ans que Sofia travaille dans la même entreprise. Elle s’y sent très bien, s’identifie à son employeur et le considère un peu comme sa deuxième famille. Ses évaluations font état d’un travail accompli dans l’ensemble à satisfaction. Seule son attitude au niveau de la communication pourrait être améliorée. En effet, elle est connue pour être impulsive, revendicatrice et parfois à la limite de l’agressivité. Un jour, une altercation a éclaté au sein de l’atelier entre trois collaboratrices, dont Sofia. L’employeur a alors immédiatement déplacé le poste de l’une des employées afin d’éviter les contacts à l’avenir et a signifié que ces comportements n’étaient pas tolérables.

Pourtant, une nouvelle altercation s’est produite et l’une des collaboratrices est repartie en pleurant. Une séance a été convoquée entre les RH, la hiérarchie et les protagonistes, mais le conflit a continué, menant l’une des employées à une incapacité de travail. Sofia a été licenciée au motif qu’elle ne respectait pas les valeurs et règles de l’entreprise. Ses collègues aussi. Sofia s’est retrouvée en arrêt maladie pour dépression sévère avec symptômes psychotiques et anorexie mentale. Il a été relevé que Sofia a décidé de se laisser mourir tant que sa plainte ne serait pas prise en compte par l’employeur. Seule la Justice pourrait lui apporter la réparation qu’elle attendait, selon les médecins. Elle a donc saisi le juge.

L’employeur doit protéger ses employés

Sofia reproche à l’employeur de ne pas avoir pris toutes les mesures adéquates pour désamorcer le conflit. Elle en conclut que le congé est abusif. Sofia affirme que l’employeur n’a rien entrepris et qu’elle se serait limitée à proposer aux collaboratrices de discuter entre elles, alors qu’elle aurait attendu de l’entreprise qu’elle mette en place des mesures de gestion de conflit telles qu’une séparation temporaire des employées ou une séance de médiation. Elle lui reproche aussi d’avoir procédé trop rapidement au licenciement et de ne pas lui avoir laissé la possibilité de «fournir les efforts nécessaires».
Selon le Tribunal, l’employeur n’a toutefois pas failli à ses devoirs. Celle-ci a déplacé les collaboratrices, de manière à éviter les contacts et les disputes. Elle a averti les employées que leur comportement n’était pas tolérable. Malgré la nouvelle distance et l’avertissement, Sofia a pris l’initiative de revenir discuter avec sa collègue, ce qui a provoqué une nouvelle dispute. L’employeur a alors organisé une nouvelle
réunion, durant laquelle il a essayé de trouver un terrain d’entente, mais a constaté que les personnes impliquées avaient des difficultés à se remettre en question et n’étaient pas preneuses de conseils. La
réunion s’est soldée par une nouvelle dispute. Le Tribunal remarque par conséquent que l’employeur n’aurait pas pu en faire plus et que le licenciement paraissait inévitable pour empêcher une nouvelle escalade.

Le Tribunal pas compétent pour se substituer à l’entreprise

Sofia reproche aussi à l’employeur de n’avoir pas tenu compte de son ancienneté et de la qualité de ses prestations. Elle s’étonne d’avoir été licenciée au même titre que sa collègue, qui était intérimaire et qui ne travaillait dans l’entreprise que depuis quelques mois. Le Tribunal ne peut toutefois pas retenir cette critique, car il n’appartient pas au juge de se substituer à l’employeur dans la gestion de son entreprise, ni plus spécialement dans le processus de décision qui a conduit à résilier les contrats de travail. Il n’incombe au Tribunal que de déterminer si le congé est abusif, ce qui est nié dans le cas présent, puisque l’entreprise a entrepris toutes les démarches possibles pour protéger les employées, pour rétablir une certaine sérénité et pour éviter de devoir en arriver à des résiliations de contrat. Ses efforts ayant échoué, l’entreprise a, à bon droit, résilié le contrat des protagonistes et a ainsi évité que le conflit ne se répande et qu’il n’atteigne d’avantage d’employés.

 

Nicole de Cerjat
Société des employés de commerce
Service juridique
Rue de l’Hôpital 11 – 2000 Neuchâtel – 032 721 21 56