La pièce de Sarah Marcuse est un étonnant hymne à la vie.

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culture & nature - Autour de l’inceste

L’interminable chemin pour transcender ses épreuves

1 Mai 2024 | Culture, histoire, philosophie

Le public retient son souffle, comme suspendu entre chaque tirade. Sincère, vibrante et poétique, la pièce de Sarah Marcuse est un étonnant hymne à la vie. Partant de la douloureuse expérience de l’abus sexuel, elle invite à la transformation. De longues années sont nécessaires aux victimes de l’inceste pour retrouver la confiance en elles. Dans ce processus, l’art peut apporter une aide précieuse. C’est pourquoi le projet Holyshit se veut un événement alliant théâtre, ateliers, débats, cinéma et conférences… de quoi mettre tous nos sens en mouvement et convertir le plomb en or.

C’est seule sur scène, seule face à ses démons, les yeux droit dans ceux de son abuseur, que Sarah Marcuse vit et revit des bribes de son existence. Si Holyshit Project est un évènement de médiation pour prévenir l’inceste, il entend élargir la démarche de résilience à tout type de traumas, par l’art. «Et si on faisait de l’or avec chacun des drames qui nous sont arrivés dans l’enfance ou dans nos vies d’adultes? Et si on se donnait les moyens de regarder en dedans, là où il y a de la puissance, des ressources, de la créativité? Et si on se mettait ensemble pour y voir plus clair, pour partager nos méthodes, nos expériences, et changer les choses pour de vrai?», interroge la comédienne Sarah Marcuse.
Holyshit Project est un programme à suivre jusqu’au 19 mai à Genève et dont le cœur est la pièce de théâtre Holyshit. Jouée dans le cadre intimiste du théâtre Les Montreurs d’Images à la Jonction, elle permet de ressentir un cheminement traumatique, avec tendresse et délicatesse… et même une pointe d’humour. Sarah Marcuse, qui signe le texte, explique: «J’ai cherché à partager mes impressions de dissociation, d’anesthésie, de ‘coquille’ vide, mais aussi le paradoxe entre plaisir et douleur». Les spectateurs suivent les étapes traversées par la comédienne, qui relate sur scène son propre vécu, ses tentatives absurdes et désespérées de recoller les morceaux d’un soi qui part «en vrille».

Entre le corps et la tête

Organisée au Musée d’ethnographie de Genève (MEG), la soirée d’ouverture a permis de dresser un état des lieux, en présence de Christina Kitsos, conseillère administrative de la Ville de Genève en charge du Département de la cohésion sociale et de la solidarité, et de son collègue Sami Kanaan, président de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse. A cette occasion se sont exprimés le psychiatre Ansgar Rougemont («Trauma dissociatif chez l’individu et dans notre société») comme la sage-femme et formatrice Davine Bonowski («Vers une autre sexualité?»). Ils ont souligné que les victimes d’abus sexuels n’étaient pas seulement des victimes, mais pouvaient devenir de véritables meneurs, des visionnaires capables d’apporter quelque chose d’innovant et de créatif à la société. Les difficultés à se réapproprier leur corps et à se remettre de leurs traumas ont été soulignées, tout comme les solutions apportées.
Holyshit est une action de prévention: rompre le silence, sortir de l’ombre et mettre en lumière des phénomènes encore peu connus sont essentiels. Mais libérer la parole ne suffit pas, il s’agit de faire en sorte que des actes de protection en découlent. La campagne d’affichage en Ville de Genève, dédiée à la prévention des violences faites aux enfants, va en ce sens, tout comme la page de recommandations à laquelle elle renvoie.

C’est seule sur scène, seule face à ses démons, les yeux droit dans ceux de son abuseur, que Sarah Marcuse vit et revit des bribes de son existence.

Un programme riche et varié

Chaque week-end jusqu’au 19 mai, des ateliers artistiques de résilience offrent aux participants la possibilité de sublimer leurs douleurs et reconquérir la foi en soi par le théâtre, l’écriture, le mouvement… des moments uniques qui permettront à chacun de se pencher sur l’enfant qu’il a été et sur ses propres «pépites», afin d’utiliser ses ressources intimes pour transformer ses blessures.
Avec l’appui de clips, des ateliers de médiation sont également proposés dans des classes du secondaire. Animés par Sarah Marcuse et une psychologue du Centre de consultation spécialisé dans le traitement des séquelles d’agressions sexuelles (CTAS), ils invitent à la discussion sur la nécessité de mettre des mots sur des faits, sur la pratique artistique comme vecteur de résilience, ou encore sur les manières de déposer le «costume» de victime.
Enfin, tout au long de l’événement, une performance de peinture grand format est réalisée par l’artiste Hyacinthe Reisch, symbolisant la capacité humaine à se transformer. L’œuvre est visible en temps réel sur le site Holyshit et sera vendue aux enchères en faveur de l’Art pour la résilience. Votre soutien est précieux!
Hommage à la femme et à l’enfant, Holyshit nous rappelle que derrière chaque drame se cache un jaillissement de ressources.
Réservez vite, car il y a très peu de places!

 

Véronique Stein

Voir le programme complet:
www.holyshit-project.ch