Sandrine Magnenat et Jean-François Pissettaz.

/

fiduciaire pissettaz

Vers une fin de l’imposition commune des couples mariés?

27 Mar 2024 | Articles de Une

Le Conseil fédéral a adopté le mois dernier un message sur l’imposition individuelle indépendante de l’état civil. Il recommande de rejeter l’Initiative populaire au profit du contre-projet indirect. Le Parlement a jusqu’au 8 mars 2025 pour se prononcer. Le but recherché est de réduire la charge fiscale IFD des couples mariés, actuellement supérieure à celle des personnes en concubinage malgré les déductions pour couple en vigueur.

Plusieurs pays prévoient déjà dans leurs systèmes fiscaux l’imposition individuelle des couples mariés, notamment l’Allemagne, le Luxembourg ou la Suède.
Le principe de la réforme serait que chaque époux dépose une déclaration séparée en y indiquant ses revenus et ses charges personnelles, ainsi que ses valeurs patrimoniales et ses dettes basées sur les rapports de propriété, comme le ferait un couple non marié.
Les déductions pour enfants mineurs seront attribuables par moitié aux parents exerçant conjointement l’autorité parentale. La déduction pour enfant IFD serait de 12 000 CHF, à répartir entre les parents contre 6700 CHF par enfant pour 2024.

Moins de charges pour le contribuable

Le barème IFD applicable aux personnes non mariées serait utilisé comme référence, avec des modifications pour corriger la progressivité du barème. Les taux d’imposition seront abaissés pour les bas et moyens revenus. Le taux maximum IFD de 11,5% serait maintenu, mais il s’appliquerait à partir d’un revenu plus bas.
Le changement de système devra s’appliquer à tous les échelons de l’Etat et les cantons seront chargés d’adapter la réforme au niveau cantonal et communal. Pour autant, tous les cantons disposent déjà de lois cantonales permettant l’allègement de l’imposition des couples mariés, comme à Genève grâce au mécanisme du splitting intégral. Il n’est donc pas surprenant que l’introduction de l’imposition individuelle ait été majoritairement rejetée par les cantons. Toutefois, le Conseil fédéral a quant à lui rejeté l’idée d’un splitting, qui maintient le principe de l’addition des revenus du couple.
Selon le Conseil fédéral, la majorité des contribuables devraient voir leur charge fiscale baisser avec le nouveau système. Cependant, l’imposition individuelle aurait des répercussions inégales selon les couples, avec des gagnants et des perdants. Les époux ayant un revenu plus ou moins équivalent, ainsi que les rentiers mariés, profiteront des allégements les plus significatifs. Il faut dire que ce sont ces derniers, qui pâtissent le plus du système actuel. L’IFD d’une personne mariée dont le conjoint a un revenu similaire est en moyenne supérieur de 2/3 à celui d’une personne non mariée. Dans le même temps, une personne mariée dont le conjoint ne perçoit pas de revenu économise plus de 30% d’IFD. Après la réforme, un couple marié dont le revenu est inégal (répartition 90/10) pourrait voir sa charge IFD augmenter de 60%.
L’adoption de l’imposition individuelle entraînerait des changements fondamentaux du système fiscal. Les barèmes d’impôt à la source, par exemple, devront supprimer toutes les dispositions liées au revenu du conjoint. Dès lors, les demandes de TOU (Taxation Ordinaire Ultérieure) ne se baseront que sur les revenus individuels, tandis qu’actuellement les couples dont un seul conjoint a des revenus imposables en Suisse sont pénalisés. Pour l’impôt d’après la dépense, les conditions applicables seront déterminées pour chacun des époux et non plus au niveau du couple. Ainsi, la base imposable minimale IFD s’appliquera à chaque conjoint qui bénéficie du forfait, au lieu de valoir pour le couple. L’intérêt d’être imposé au forfait sera de ce fait fortement questionné.
De multiples interrogations devront être réglées avant l’introduction de cette réforme et de nombreuses années seront nécessaires pour lever les différents obstacles. Un temps qui pourra être mis à contribution pour évaluer les incidences fiscales, juridiques et sociales au sein des couples mariés.

6, avenue du Pré Félin
74940 Annecy-Le-Vieux
Tél : +33 4 50 64 00 22

Rue de la Corraterie 14
1204 Genève
Tél : +41 22 312 18 50