Evolution annuelle du montant moyen d’une acquisition en France (appartements et maisons).

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marchés immobiliers - Une analyse du réseau Century 21

Pour relancer le marché français, les prix doivent baisser

13 Mar 2024 | Articles de Une

En France, alors que la construction neuve s’enfonce dans une crise très profonde, le marché de l’immobilier ancien n’est pas épargné et subit une baisse de ses transactions. Selon le réseau d’agences Century 21, elles ont été en 2023 en recul de 16%. Bien sûr, les raisons de cette baisse sont connues (inflation, hausse des taux d’intérêt…). Mais pour Charles Marinakis, son président, les prix restent trop élevés. Et de pointer la responsabilité des vendeurs, qui ont du mal à accepter de baisser leurs prix…

C’était annoncé: les ventes dans l’immobilier ancien ont fortement ralenti en 2023. Tandis que les notaires ont annoncé une baisse nationale du nombre de transactions de l’ordre de 18%, le réseau Century 21 a enregistré un recul d’activité d’environ 16% sur l’année.
Les causes en sont essentiellement:
• la hausse continue et rapide des taux d’intérêt (passant de 2,62% en janvier 2023 à 4,22% en moyenne en novembre);
• un durcissement des conditions d’octroi du crédit;
• une inflation qui restreint considérablement le «reste à vivre» des ménages, les contraignant souvent à renoncer à leur projet immobilier.

Une baisse après huit ans de hausse continue…

Dans ce contexte, le prix moyen au mètre carré ne baisse que trop peu sur le plan national: -1,7% pour les maisons; -3,4% pour les appartements.
Pour acheter, les acquéreurs renoncent à quelques mètres carrés (-1,3 m² en moyenne sur un an). Cela contribue à réduire le montant moyen d’une transaction (-4,2% tous types de biens confondus) mais cette baisse n’est pas suffisamment significative pour permettre au marché de retrouver une réelle tonicité. Les délais de vente s’allongent: +8 jours pour les maisons et +14 jours pour les appartements.
Ce recul des prix au niveau national est de surcroît en trompe-l’œil car, si on exclut la région parisienne, les prix immobiliers ne reculent que de 1% dans le reste de la France, loin des 10% à 15% de baisse nécessaires pour relancer le marché.
Les acquisitions sont destinées très majoritairement à la résidence principale (65,6%). En revanche, les achats réalisés au titre de l’investissement locatif chutent pour retrouver des niveaux d’avant 2019 (26,7% des transactions, contre 30,6% en 2022).
Les acheteurs qui s’en sortent le mieux sont… les retraités: leur part progresse de +7% parmi les acquéreurs. Les raisons? Ils ne sont généralement que peu ou pas touchés par le durcissement des conditions d’emprunt et bénéficient souvent d’un apport personnel dû à la revente de leur précédent bien.
Cela dit, il faut quand même rappeler que de 2015 à 2022, les prix n’ont cessé de croître en France: +34% pour les maisons; +26,6% pour les appartements. Sur cette période, en moyenne, un bien immobilier a donc vu sa valeur augmenter de 4% par an. Le recul actuel des prix ne vient même pas gommer une année de hausse…
D’autant que cette baisse des prix, nationale, est loin d’être observée dans toutes les régions. Si l’on doit retenir une chose de l’année 2023, c’est la régionalisation prononcée des marchés immobiliers, où tous les cas de figure coexistent.

Paris résiste grâce à une baisse
des prix

Paris, par exemple, voit son nombre de ventes reculer plus modérément qu’au niveau national (-12,9%), sans doute parce qu’un effort a été consenti sur les prix, ces derniers baissant davantage que la moyenne française (-5,5%). S’établissant à 9774 € le mètre carré en moyenne en 2023, ils sont durablement passés en-deçà du seuil des 10 000 €.
La surface des biens achetés diminue également (48,7m² contre 50 m² en 2022), contribuant à réduire le montant moyen d’une acquisition parisienne (477 857 € en 2023 soit -7,7% sur un an). Malgré cela, les délais de vente explosent dans la capitale et atteignent des niveaux jamais observés jusque-là (96 jours en moyenne).

Région parisienne: une correction insuffisante des prix

La région parisienne s’illustre, quant à elle, par des indicateurs nettement plus dégradés qu’à l’échelle nationale, tirant les moyennes vers le bas. Les prix au mètre carré reculent de 5% pour les maisons et de 7,8% pour les appartements, pour se fixer respectivement à 3656 € et 4445 € le mètre carré en moyenne.
Et pourtant, l’activité ne repart pas. Au contraire, les délais de vente s’allongent encore (s’établissant à 90 jours) et le nombre de ventes recule de 18,7% pour les maisons et de 22,2% pour les appartements. Cette contraction d’activité s’explique en partie par des prix qui n’ont cessé de croître entre 2015 et 2022. En huit ans, le prix au mètre carré francilien a progressé de 38,2% pour les maisons et de 36,6% pour les appartements, une hausse encore plus importante qu’à Paris. Alors certes, la région francilienne est celle qui corrige le plus en termes de prix, mais ce recul est insuffisant pour sortir le marché de l’atonie.
En Île-de-France, deux départements se distinguent: les Hauts-de-Seine (92) et la Seine-et-Marne (77). Présentant les prix les plus élevés de la région, le 92 voit le nombre de ses transactions le plus durement chuter (-40% pour le segment des maisons et -31,8% pour celui des appartements). A l’inverse, le 77 est le département francilien qui «résiste le mieux», avec une activité en baisse de 13,2% en moyenne tandis que ses prix – pourtant les moins élevés de la région – corrigent substantiellement (-2,7% pour les maisons et -9,1% pour les appartements).

Evolution annuelle des prix moyens au m² en France (appartements et maisons).

Autres régions : une réalité de plus en plus diverse

Les autres régions peuvent se classer en trois grandes catégories.
• Les régions dont les volumes de ventes reculent de moins de 10%. Il s’agit des Pays de la Loire (-5,7% d’activité), de la Bourgogne-Franche-Comté (-5,6%) et de la Bretagne (-9,3%). Les évolutions de prix pour ces trois régions sont relativement contrastées. La Bourgogne-Franche-Comté enregistre une baisse de -4,2% tous types de biens confondus, tandis que les prix en Bretagne sont stables (-0,2%) comme ceux des Pays de la Loire (+0,5%). A noter que, dans cette région, le département de la Mayenne se distingue par une baisse notable des prix (-8,2%); ce qui a eu pour effet de redynamiser le marché, dont les volumes de vente progressent de 3,7%.
• Les régions dont les volumes de ventes reculent entre 10% et 15%. Quatre régions sont concernées: l’Auvergne-Rhône-Alpes (-15%), le Centre-Val-de-Loire (-12,3%), le Grand Est (-14,2%) et la Nouvelle-Aquitaine (-14,3%). Au sein de ce groupe, l’Auvergne-Rhône-Alpes présente la baisse des prix au mètre carré la plus marquée (-4,1%). Dans cette région, Lyon voit ses prix reculer davantage (-5,7% sur un an), ce qui profite à son activité qui ne baisse que de 1,5%; une performance dans le contexte.
Fait notable: dans la région Nouvelle-Aquitaine, la Charente-Maritime voit ses prix progresser de 8,4%, à contre-courant des tendances, avec pour corollaire des volumes de ventes en retrait de 13,2%.
En Gironde, l’activité n’est pas en meilleure forme (-12,7%) malgré une diminution des prix au mètre carré de l’ordre de 4,1% en moyenne. Dans ce département, Bordeaux corrige ses prix plus drastiquement: -11,5% sur un an, sans pour autant que l’activité ne reparte (-10,9% par rapport à 2022). Il faut dire que Bordeaux avait vu ses prix progresser de… 54,3% entre 2015 et 2022…
• Les régions dont les volumes de ventes reculent de plus de 15%. Il s’agit des Hauts-de-France (-18,7%), de la Normandie (-21,6%), de l’Occitanie (-19,1%) et de la Provence-Alpes-Côte d’Azur (-18%).
Une constante dans ces régions, les prix ne s’ajustent pas suffisamment à la baisse: -2,7% pour les Hauts-de-France; stables pour la Normandie; – 0,5% pour l’Occitanie. Seule exception, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, avec +1,7%. Il s’agit de la région française dont les prix augmentent le plus sur un an, alors même qu’ils ont déjà progressé de 31,2% entre 2015 et 2022. Nice s’illustre par des prix qui prennent +5,5% en 2023. Le marché niçois tourne certes au ralenti (-15,5% par rapport à 2022) mais ne dévisse pas et, signe d’une demande toujours forte, les délais de vente ne s’allongent que de
2 jours en un an.

Ultime levier de relance: la baisse des prix par les vendeurs

Pour relancer le marché, tous les leviers possibles ont été activés et poussés à l’extrême. L’apport personnel a continué d’augmenter en 2023 et atteint un niveau jamais égalé.
La superficie des biens achetés ne peut quasiment plus se réduire, au risque d’atteindre un seuil de viabilité qui rend l’acquisition inenvisageable pour le confort des occupants.
En réalité, si les taux se stabilisent comme cela semble se profiler, un seul et dernier levier peut permettre au marché de repartir: celui des prix. Ils doivent baisser davantage qu’ils ne l’ont fait en 2023 pour purger les excès de ces dernières années.
Alors seulement, le marché immobilier pourrait retrouver des couleurs et permettre à nouveau aux Français de concrétiser leur rêve de propriétaires.

 

Michel Levron – Paris