Des paysages féériques dans la campagne autour du Chenit.

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la fête des maires - Olivier Baudat, Syndic de la commune du Chenit

«Une fusion nous donnerait davantage de poids»

24 Jan 2024 | Articles de Une

La commune du Chenit – ou plutôt du Ch’nit, comme disent ses habitants – est située au cœur de la vallée de Joux, haut-lieu de l’horlogerie. Le Chenit envisage de fusionner avec L’Abbaye et Le Lieu, les deux autres communes de la vallée, ce qui donnerait davantage de poids à cette région très dynamique sur le plan économique, comme l’explique Olivier Baudat, son Syndic. La commune vaudoise, qui obtiendra bientôt le label Cité de l’énergie, entend également développer le tourisme doux et attirer de nouveaux habitants.

– Qu’est-ce qui a motivé le projet de fusion des trois communes?
– Les habitants du Chenit, de L’Abbaye et du Lieu ont un sentiment commun d’appartenance à la vallée de Joux. Ils pensent déjà en termes de région et non pas de commune d’origine. En tant que porteur de ce projet de fusion, j’ai constaté que nous avions 240 élus pour un total de 7000 habitants, ce qui est un nombre particulièrement élevé, surtout dans un contexte où trouver des personnes prêtes à s’engager au plan communal ou municipal est toujours plus difficile. En 2011, une motion portant sur une étude de faisabilité en vue d’une fusion des trois communes de la vallée a été déposée auprès des trois conseils communaux. Mais elle est restée sans suite, car le Conseil communal de L’Abbaye a refusé le crédit d’étude en septembre 2012.
En juin 2017, une nouvelle motion a été déposée dans les trois conseils communaux et ceux-ci l’ont acceptée à l’automne 2018 et au printemps 2019. Les résultats de l’étude de faisabilité ont été présentés aux autorités communales des trois communes en février et mars 2022 et, en mai, celles-ci se sont prononcées en faveur de la poursuite du processus de fusion.
Le projet doit maintenant être soumis aux trois conseils communaux en mai prochain, puis, au mois de septembre, aux habitants qui semblent plutôt favorables à la fusion.

– Qu’attendez-vous de la fusion?
– La collaboration entre les communes est excellente, mais l’intercommunalité a cependant des limites, d’autant plus que les sujets à traiter sont de plus en plus complexes. Un Municipal de milice n’a pas forcément toutes les connaissances nécessaires. La fusion permettrait une plus grande professionnalisation des administrations.
Elle nous donnerait également un poids supplémentaire vis-à-vis du Canton et de la Confédération. La commune issue de la fusion serait la plus grande du canton de Vaud et la deuxième de Suisse.
La région se bat déjà pour être reconnue en tant que pôle économique et une fusion des trois communes serait un atout. La vallée de Joux représente 10% du PIB du canton de Vaud et 17% de ses exportations, pour une population de 7000 habitants, soit 1% de population du canton.

– Comment la population du Chenit évolue-t-elle?
– Les années 70 ont été marquées dans la vallée de Joux par la crise de l’horlogerie, ce qui a entraîné l’exil des habitants. La population du Chenit était tombée à 4000 habitants. Depuis le début des années 2000, la tendance est à la hausse, à raison de 20 à 30 nouveaux résidents par an. Actuellement, la population est d’environ 4600 habitants pour 6000 places de travail. A cela s’ajoutent quotidiennement quelque 4000 pendulaires qui viennent essentiellement du Jura français et du Doubs et, dans une plus petite mesure, de l’Arc lémanique.
Contrairement à d’autres communes avec un fort taux de pendulaires, nous avons une réelle interaction entre la population permanente et les pendulaires, vraiment bien intégrés à la vie locale. A midi, tous les restaurants sont pleins, ce qui ne serait pas le cas sans les pendulaires, et ceux-ci effectuent aussi une partie de leurs achats dans la commune.
La principale difficulté que nous rencontrons est liée à la mobilité. Nous sommes une région décentrée, avec des transports publics qui doivent être améliorés. Nous avons des cadences à l’heure pour les bus et le train, ce qui n’est pas suffisant. Nous avons fait des demandes pour passer à la demi-heure et devrions avoir une réponse fin janvier. Nous sommes optimistes. Avec une cadence toutes les 30 minutes, la ligne de train Le Brassus-Aigle serait idéale pour les pendulaires. Cette liaison sans rupture de charge permet d’être à Lausanne en 1h20 et à Aigle en 1h58.
Par ailleurs, la vallée de Joux est très bon élève en matière de co-voiturage, puisque 25% des pendulaires de l’horlogerie ont recours à ce type de mobilité en pouvant s’inscrire simplement sur la plate-forme Mobilidée gérée par arcjurassien.ch.
Ce succès du co-voiturage est important, car le développement des entreprises horlogères se poursuit. D’ici à 2030-2035, elles devraient accueillir quelque 42 000 collaborateurs supplémentaires, ce qui risque d’entraîner une augmentation des flux de véhicules.

– Quel est le profil des nouveaux habitants du Chenit?
– Nous avons surtout des personnes sportives, de jeunes familles qui viennent s’installer dans la commune pour des raisons professionnelles et des retraités. Nous souhaitons encourager les installations au Chenit, mais c’est compliqué, car d’un point de vue économique habiter en France est plus intéressant pour un employé.
Le climat joue aussi un rôle, même si les hivers sont moins rigoureux qu’autrefois. Les gens ont aussi peur d’être isolés, notamment sur le plan médical, alors que nous avons un pôle santé qui va, du reste, être agrandi. Et en cas d’urgence, nous sommes à 12 minutes du CHUV en hélicoptère.

– La pandémie et le télétravail ont suscité l’envie chez certaines personnes de s’installer en dehors des villes. Avez-vous bénéficié de cette tendance?
– Nous avons eu une forte affluence touristique à l’époque de la Covid, mais lorsqu’il s’agit de s’installer à l’année, il y encore beaucoup de craintes. Les gens s’éloignent des villes; ils vont s’arrêter à Cossonay et Saint-George et ne passent pas le col pour joindre la vallée de Joux.

– L’intérêt touristique pour Le Chenit s’est-il confirmé?
– Oui, nous avons un taux de nuitées dans la moyenne vaudoise. Il s’agit surtout d’un tourisme de courte durée, orienté quatre saisons. Globalement, nous constatons un fort intérêt pour le tourisme pédestre. Nous avons renforcé notre offre avec des propositions variées, du ski de fond l’hiver aux randonnées, VTT ou kit-surfing à la belle saison.
Nous voulons développer un tourisme doux. Nous ne souhaitons pas atteindre le niveau de la station des Rousses, par exemple, qui passe de 4000 habitants à l’année à 20 000 pendant la saison de ski.

– La commune a-t-elle encore des terrains à bâtir?
– Notre nouveau Plan d’affectation, qui est en phase de validation, a considérablement réduit nos zones à bâtir. A l’avenir, nous allons surtout densifier les centres des villages.

– Avez-vous de grands projets en cours?
– Nous avons un important projet de centre scolaire, qui devrait voir le jour en 2028 ou 2030 et accueillir 1000 élèves. Actuellement, les infrastructures scolaires sont disséminées entre les trois communes. Le futur centre sera situé au Sentier, le chef-lieu de la commune. Ce choix n’est pas central, mais avec le lac au milieu de la vallée, aucun lieu ne l’est. La densification des transports publics permettra aux élèves de rejoindre le centre scolaire par eux-mêmes, alors qu’aujourd’hui les transports scolaires spéciaux sont obligatoires. A l’avenir, ceux-ci seront donc réduits, permettant de faire d’importantes économies. C’est également une démarche positive en matière de pédagogie et de durabilté.
Le projet comprend aussi l’agrandissement de l’Ecole technique de la vallée de Joux et du pôle médical avec la construction d’un EMS. Le budget total pour le projet se monte à 80 millions de francs.
Nous avons deux autres projets en cours. Le premier, de l’ordre de 12 millions, porte sur la création d’une station de pompage au bord du lac, afin d’injecter l’eau dans le réseau. Nous avons pris cette décision après la pénurie que nous avons connue il y a trois ans et qui a montré que nos nappes phréatiques pouvaient se retrouver à sec. Nous avions alors dû pomper l’eau dans le lac.
Le deuxième projet, estimé à 30 millions, concerne la construction à l’horizon 2030 d’une nouvelle station d’épuration, avec traitement des micro-polluants, pour les trois communes de la vallée de Joux.

– Quelle est votre politique environnementale?
– Notre labellisation Cité de l’énergie est en cours. Nous sommes depuis 20 ans raccordés à un chauffage à distance au bois. Nous avons mis en place des subventions pour les habitants, afin de favoriser le passage à des énergies renouvelables et la rénovation énergétique. Nous allons aussi réorganiser nos parkings, de manière à privilégier le co-voiturage et la mobilité douce.

 

Priopos recueillis
par Virginia Aubert

Olivier Baudat.

GROS PLAN

Saviez-vous que…

 

Le nom du Chenit apparaît pour la première fois en 1489 sous la forme Chinit. Ce terme a été apparenté au chenil, à chenu et enfin à tsneu. Il semble que tsneu, «branches de foyard sec jetant un vif éclat», soit la plus vraisemblable des hypothèses.

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