Emilia Pasquier.

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Celles qui font la suisse - Ambassadrice de l’innovation helvétique

Emilia Pasquier, en Californie

6 Déc 2023 | Articles de Une

Pour le retour de notre rubrique «Celles et Ceux qui font la Suisse», nous changeons cette semaine de continent, grâce à la collaboration du magazine «MerciSF», média bilingue des Français et francophones de San Francisco réalisé avec talent par notre consœur bretonne Vanessa Lotoux, que nous remercions de nous faire découvrir Emilia Pasquier. (Réd.)

Emilia Pasquier ne passe pas inaperçue, la boss de Swissnex à San Francisco s’est imposée avec charisme et dynamisme comme l’ambassadrice de l’innovation suisse dans la Baie depuis septembre 2022. Philosophe de formation, elle anime l’écosystème des créateurs d’entreprises, chercheurs, scientifiques et artistes suisses de passage à San Francisco avec un goût prononcé pour l’innovation et un don pour l’échange d’idées et le développement de la communauté qui l’entoure.
MerciSF.com a eu le plaisir de rencontrer Emilia lors du dernier événement organisé par FrenchFounders, le réseau d’affaires francophone international. Découvrez cette dirigeante suisse exceptionnelle, toujours en quête d’innovation.

– Comment êtes-vous arrivée à la tête de Swissnex à San Francisco? Pourriez-vous nous raconter votre parcours?
– J’ai un background assez atypique qui mêle l’innovation, la politique, la diplomatie et la recherche. Après des études de philosophie politique et économique, une collaboration avec des partis politiques et le réseau suisse du Global Compact des Nations-Unies, j’ai dirigé un think tank de politique étrangère en Suisse (Foraus) qui était très innovant en 2014 par son aspect participatif et son utilisation des outils numériques pour faire du crowdsourcing d’idées politiques et faciliter la remontée d’idées au Gouvernement suisse.
J’ai ensuite eu l’opportunité de rejoindre le cabinet du conseiller fédéral Alain Berset (actuel président de la Confédération) en tant que conseillère en relations internationales et en politique économique. Quand la pandémie a frappé, mon rôle a rapidement pivoté, avec la mise en place de la task force scientifique et la gestion des mesures sanitaires. Quatre ans plus tard, je reviens à mes premières amours en travaillant sur le terrain, au cœur de l’innovation et de la recherche: à Swissnex San Francisco.

– Pourriez-vous nous éclairer sur le rôle de Swissnex à San Francisco?
– J’aime comparer Swissnex à une sorte d’hydre, un animal à plusieurs têtes.
Swissnex est avant tout un centre de recherche et d’innovation fondé pour connecter la Suisse à la Côte Ouest des Etats-Unis, tout particulièrement la Silicon Valley, et pour favoriser les liens et les échanges dans les domaines de la science, de l’éducation, de l’innovation et des arts. Swissnex est en fait à cheval entre la diplomatie scientifique, l’entreprenariat et les start-up, les Universités et l’art, avec un modèle de fonctionnement unique qui repose sur un partenariat et un financement venant du privé et du public.
Avec Swissnex, nous avons créé un écosystème de chercheurs, scientifiques, créateurs d’entreprises et d’artistes qui viennent échanger, collaborer et faire germer leurs idées.

– Dans quels secteurs clefs intervenez-vous?
– Dans l’innovation et la recherche, nous sommes de vrais «éclaireurs». Nous recherchons, identifions les dernières tendances, testons, partageons et lançons de nouvelles idées. Nous fournissons des informations issues de notre écosystème d’activité dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l’innovation et de la créativité, qui englobent la prospective, la technologie et l’analyse des tendances. Pour les grandes entreprises, on organise par exemple des trend tours et des learning expeditions.
Pour les start-up, Swissnex est la rampe de lancement des nouvelles entreprises suisses aux États-Unis. Nos programmes de démarrage sans fonds propres sont adaptés aux besoins des entrepreneurs qui explorent ou pénètrent le marché américain.
Dans le domaine universitaire, nous mettons en relation les Universités, les chercheurs et les universitaires de Suisse et de la Bay Area, en encourageant l’échange international de recherches et d’idées.
Dans le secteur artistique, nous travaillons avec Pro Helvetia, la Fondation suisse pour la culture, afin de faciliter la promotion des artistes suisses et les échanges culturels. Nous sommes actifs dans les domaines de l’art-technologie et des sciences de l’art, avec une attention particulière pour les domaines spécifiques de la création numérique, des médias interactifs, du design et de l’architecture.

– Quel soutien apportez-vous aux start-up suisses?
– Nous accueillons les start-up en early stage, seed ou pre-seed.
Nous leur offrons des bootcamps en internationalisation, au cours desquels les créateurs d’entreprise viennent en immersion dans la Silicon Valley pendant deux semaines exploratoires.
La Suisse a un très bon vivier de start-up, mais l’état d’esprit des entrepreneurs en Suisse est davantage centré sur le perfectionnement des produits et moins sur la mise sur le marché des nouveaux produits. Alors nous aidons les entrepreneurs suisses à adopter l’état d’esprit et le mode de fonctionnement de la Silicon Valley (le mindset et le set up). Par exemple, nous les aidons à penser à scale up (penser au marché global) et nous leur apprenons à solliciter du capital risque. Nous facilitons aussi leur market validation et quand ils sont prêts, leur market entry.

– Quel a été l’impact de Swissnex ces dernières années? Pourriez-vous nous donner des exemples de start-up et de succès suisses que vous ayez soutenus et aidés à voir le jour?
– Nous avons aidé plus de 150 start-up, dont trois licornes* (Mindmaze, Scandit, NexThink), qui ont levé plus de 1,9 milliard de dollars. Nous avons aussi contribué à l’accélération du développement international d’entreprises telles que Faceshift (racheté par Apple) et Ava, pour vous citer quelques exemples de success stories suisses.

– Quelle est la taille de la communauté suisse dans la Baie et quelles sont à votre avis ses grandes forces aujourd’hui?
– Nous comptons 20 000 citoyens suisses en Californie, dont plus de 8000 dans la Baie. Venant d’une société pluraliste (avec nos quatre langues nationales), je pense que les Suisses s’intègrent facilement dans les environnements cosmopolites comme la Bay Area et sont particulièrement ouverts au dialogue international.
Les Suisses sont souvent très bien formés, grâce à nos grandes écoles, comme l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ou de Lausanne, qui forment notamment d’excellents ingénieurs, ce qui explique aussi que la Suisse ait un très bon vivier de start-up.

– Vous avez récemment reçu le Prix de l’innovation numérique («Digital Shaper Award», remis par Digital Switzerland). Quelle a été votre contribution dans ce domaine et quels sont à votre avis les grands enjeux de cette nouvelle ère numérique?
– J’ai un intérêt tout particulier pour le «out-of-the-box thinking»: «what is the new thing?». Mais ce prix revient vraiment à toute mon équipe à Swissnex, car nous sommes toujours à la recherche de nouvelles idées et des dernières innovations. A mon avis, l’un des grands enjeux de l’ère de l’IA sera l’authenticité et la véracité des contenus diffusés au grand public par les outils d’intelligence artificielle.

– Quel bilan tirez-vous de votre première année à la tête de Swissnex à San Francisco?
– Des rencontres fascinantes. Je suis tellement inspirée par la «can-do attitude» propre à la Silicon Valley et par la capacité à rebondir et innover des Californiens! L’état d’esprit de San Francisco et de la Silicon Valley est vraiment stimulant. Depuis mon arrivée, nous avons organisé des bootcamps focalisés sur des industries spécifiques et trois thèmes clefs: économie circulaire (villes durables), intelligence artificielle et santé.
La durabilité est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Dans le cadre du lancement de Metropolis, l’initiative autour du 20e anniversaire de Swissnex, nous avons fait un appel à projet et reçu plus 60 projets proposant des solutions radicalement différentes pour repenser les villes du futur. Des idées comme des panneaux solaires intelligents ou encore le recyclage de l’urine pour produire des fertilisants font partie des projets présentés pour construire de nouvelles villes durables circulaires.

– Quels sont les grands événements récents de Swissnex?
– Nous avons organisé à Swissnex en octobre une conférence sur la révolution circulaire dans les villes, où nous avons exploré ensemble la manière dont les villes pouvaient ouvrir la voie à un mode de vie plus durable en adoptant l’économie circulaire.
Cette conférence a lancé notre série d’événements Metropolis sur le Futur des Villes. Du 7 au 9 novembre, nous avons accueilli quatorze innovateurs suisses venus présenter leurs solutions pour rendre nos villes plus durables et plus circulaires. Ce fut un petit festival avec des ateliers et des événements publics.

– Quand vous n’êtes pas à Swissnex, qu’aimez-vous faire à San Francisco, quels sont vos lieux préférés?
– J’adore flâner et lire des romans à Dolores Park, me balader au musée et dans la nature; le Jardin botanique est mon endroit préféré à San Francisco et le prochain sur ma liste est le Conservatoire des fleurs.

 

Propos recueillis par Vanessa Lotoux
© MerciSF.com

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