culture & nature - Jean-François Fournier signe un nouveau roman
Un lévrier espagnol, une Europe almodovarienne
«Un Galgo ne vaut pas une cartouche» est le vingt-sixième ouvrage de notre collaborateur Jean-François Fournier, journaliste spécialiste notamment des arts de la table, de la gastronomie et des plaisirs de la vie en général, et écrivain. Ce dixième roman foisonnant nous emmène, guidés par un galgo, un lévrier espagnol, à travers dix chapitres au cœur d’une Europe à la fois réelle et imaginée. Une œuvre majeure de la rentrée littéraire dans notre pays, saluée par la critique.
«Si vous n’y prenez garde, vous pourriez croire que là, dans vos mains, se succèdent dix récits distincts qui parlent d’artistes hors du commun, de capitales européennes riches d’histoires anciennes et également de peinture, de musique et de littérature. Pourtant, un personnage mystérieux et attachant tisse un fil ténu entre chacune de ces pérégrinations – des rues ouvrières du vieux Barcelone au Vienne des avant-gardes, de la Prague du jazz et du théâtre noir à la Zurich branchée, de la Scala de Milan aux grands hôtels parisiens, en passant par Marseille et Genève. Et transforme le chapelet qu’elles composent en une saga, un grand roman d’épopée qui vous transporte directement au cœur du processus de création et dans les recoins les plus inaccessibles d’un cerveau d’artiste»: ainsi est rédigé le «prière d’insérer» de ce roman à la construction savante, qu’on ne lâche pas dès sa lecture entreprise.
Jean-François Fournier, né en 1966, est non seulement un journaliste, qui fut rédacteur en chef du «Nouvelliste» et de la «Revue Automobile» et œuvre depuis deux ans comme correspondant valaisan du Journal de l’Immobilier, mais il est aussi romancier, auteur de neuf ouvrages, alternant avec d’autres livres, guides et monographies. Amateur de voyages et de bonne chère, il en fait profiter son lecteur, emmené dans un maelström littéraire au style ciselé dans les lieux et les recoins parfois les plus sombres de plusieurs capitales européennes.
Périple continental
Ce roman ne saurait être une sorte de guide de voyage, même si l’on peut apprendre au long des étapes d’un récit, que l’on devine parfois autobiographique, nombre de noms d’alcools et de plats locaux, ainsi qu’apprécier de nombreuses et précises références culturelles, littéraires, picturales et musicales qui parsèment les chapitres telles des pierres philosophales qui aspirent à devenir l’or de la création. Ces références, Schiele – sur lequel Jean-François Fournier a écrit une biographie de référence et dont l’ombre inquiétante de l’œuvre graphique parcourt tout le roman -, Klimt, Tournier, Lars van Trier, Boulgakov et tant d’autres, dressent le portrait de l’honnête homme d’un XXIe siècle assez éclaté, mais rendu somme toute cohérent par plume de l’auteur, accompagné de ce lévrier espagnol comme Jean-François Fournier l’est dans sa vie par un galgo élancé.
Le premier récit qui se passe à Barcelone fait immanquablement penser à la movida et à l’ambiance des films du génial Almodovar, dans un tourbillon nocturne et alcoolisé situé dans les bas-fonds plutôt que dans les célèbres Ramblas. Le style précis de Fournier rend vivant et assez captivant cette virée dans les rues, les restaurants et les bordels de la capitale catalane. Mais c’est surtout à un voyage dans la création artistique auquel nous invite un Jean-François Fournier nous parlant, par touches subtiles, des créateurs européens qui, tels parfois des fantômes, viennent rappeler que seule la beauté sauvera le monde.
C’est d’ailleurs à un monde qui va peut-être disparaître sous les coups de boutoir du divertissement mainstream que Fournier fait un nouvel, désespéré et dernier appel. Les dernières pages du roman, sous le titre «Epilogue», évoquent de façon touchante voire émouvante une sorte de confession canine, bien humaine toutefois. «Certains penseront peut-être que j’ai eu une vie de chien. Ne priez pas le grand saint Bernard qui veille sur nous: j’ai vu le monde et vécu tant d’aventures!». Des aventures vécues et un monde vu que nous fait partager avec talent et panache Jean-François Fournier, édité par l’excellent Olivier Morattel, qui publie là un grand roman qui fera date.