Audrey Meyer et Lionel Christen.

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architecture - Audrey Meyer reprend le bureau Christen Architectes à Gland/VD

Une reprise non préméditée, mais longuement préparée

12 Juil 2023 | Articles de Une

N’avoir que 39 ans et être déjà riche de 24 années d’expérience professionnelle. Etre l’associée d’un bureau d’architectes à 27 ans; puis, à 38 ans, le reprendre en totalité, voilà qui n’est pas banal. Malgré sa jeunesse, Audrey Meyer a déjà consacré deux tiers de sa vie à l’architecture. Depuis un an, elle est seule maître à bord du bureau Christen Architectes à Gland. Ses nouvelles responsabilités ne lui ont pas ôté son entrain, ni son sourire.

Audrey Meyer n’a que quinze ans lorsqu’elle franchit pour la première fois le seuil de Christen Architectes pour entamer un apprentissage de dessinatrice en bâtiment. Elle étudie ensuite l’architecture à l’Ecole d’ingénieurs de Genève, puis travaille à Lausanne, avant de revenir chez Christen en 2008. «Le métier d’architecte ouvre la possibilité d’intervenir à toutes les étapes d’un projet, de la conception à la réalisation. C’est pour cela que j’ai poursuivi mes études jusqu’à devenir moi aussi architecte», explique-t-elle dans son bureau fonctionnel et sans ostentation.
Dans un article paru en 2021, Lionel Christen, à qui elle a succédé à la tête de l’entreprise fondée en 1969 par son père, présentait ainsi cette profession: «Nous avons trois métiers en un. Il y a la partie création, puis la partie dessin et enfin l’exécution où l’on dirige les chantiers. Il faut essayer d’être le meilleur possible dans les trois domaines à la fois!». Audrey Meyer souscrit à cette vision, mais la complète d’un volet administratif qui, à l’écouter, a été multiplié par dix depuis qu’elle évolue dans le domaine.

Une grande responsabilité

«L’architecte est devenu le porteur des responsabilités de tous les intervenants sur un chantier. Il doit certifier qu’il a respecté toutes les normes, pris les dispositions pour sécuriser le chantier, informé ses clients des risques et règlements. Si un plâtrier, plutôt que d’évacuer ses déchets, les glisse dans un conduit et que cela crée un pont phonique en violation des normes d’insonorisation, l’architecte est responsable. Mais comment peut-il savoir ce que fait chacun?», interroge-t-elle.
Cependant, le fait d’être architecte – «d’avoir la signature» ou «d’être à la fois acteur et metteur en scène», comme le dit Audrey Meyer – permet une polyvalence stimulante, une implication de bout en bout, de la rencontre avec le client et de son notaire si nécessaire jusqu’à la création finale, en passant par la négociation avec les autorités communales. C’est cet ensemble qui l’intéresse.

Un urbanisme intégré

«La Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) va largement bloquer les nouvelles constructions et déplacer notre activité sur les rénovations», observe Audrey Meyer. Il n’y a ni amertume ni regret dans ce constat, qu’elle tempère aussitôt en relevant qu’aujourd’hui, on bâtit plus écologique, plus social et plus équitable. La Loi sur l’énergie a porté ses fruits; les besoins et possibilités financières de la population sont mieux pris en compte dans la définition des constructions et il n’est plus possible de passer entre les gouttes de la réglementation», détaille-t-elle.
En outre, la tendance est à une approche d’urbanisme intégré. «De plus en plus, nous pensons nos projets dans leur environnement et cela affecte par exemple les revêtements de sol, l’écoulement des eaux, les circulations ou les cheminements piétonniers», explique-t-elle. Cette contextualisation, positive, est accompagnée par les communes qui s’efforcent davantage de penser globalement.
La clientèle de son bureau est essentiellement constituée de particuliers qui bâtissent ou rénovent un bien. La dimension collective, la planification d’un quartier par exemple, ne lui manque-t-elle pas? «Je n’ai pas d’objection à faire des objets individuels. Au contraire, c’est plutôt un défi d’intégrer un nouveau bâtiment dans un ensemble existant; il y a des questions de forme, de couleur et d’ambiances à résoudre».

«Ici, je connais le parcours
du soleil»

Ce choix lui permet une plus grande proximité avec ses clients, à travers un service personnalisé. «Nous sommes des facilitateurs qui aidons les personnes souhaitant construire et qui ont besoin d’être accompagnées dans le dédale de normes, notamment. Mon but, c’est la satisfaction des clients, qu’il s’agisse de la rénovation d’un deux-pièces ou de la construction d’une villa».
En sus des clients privés, elle travaille avec des promoteurs locaux. «Avec ces mandats, il faut faire de la qualité, tout en laissant une marge bénéficiaire au promoteur. Cela exige donc de savoir être rationnel sans transiger sur rien». Par ailleurs, l’exercice qui consiste à construire «raisonnable» dans le cadre réglementaire existant est à ses yeux le défi de l’architecture de demain et elle s’y prépare.
L’activité de Christen Architectes se concentre dans le canton de Vaud. «Pourquoi opérer dans un contexte que l’on ne connaît pas?, demande la jeune directrice. Ici, je connais la lumière, le parcours du soleil, je sais où sont les axes de trafic, de mobilité; j’ai des liens avec les gens et les entreprises. On travaille mieux ainsi».

Faire ce qu’elle aime

Lorsqu’en 2011, Lionel Christen lui offre la possibilité de devenir associée du bureau d’architecture, elle vient de reprendre bénévolement la responsabilité de trois bars au Paléo. Elle coordonne cinquante bénévoles, passe les commandes et gère les finances. Elle accepte la proposition, mais conserve ses responsabilités au Paléo jusqu’en 2020.
«J’ai accepté pour pouvoir faire ce que j’aime. C’est ma motivation à travailler beaucoup». Il a fallu que ce soit son père, spécialiste en transmission d’entreprise, qui, la voyant œuvrer sans compter, lui glisse l’idée d’une perspective. Dès lors, année après année, elle rachète des parts de la société et devient actionnaire majoritaire en 2022.
«Une bonne transition prend dix ans, assure-t-elle. Toutefois, les vraies sensations liées aux préoccupations d’un bureau ne viennent que lorsque vous êtes patron», constate-t-elle. Lorsqu’on lui demande ce qui a déjà changé dans le bureau Christen depuis qu’elle le dirige, elle répond qu’elle s’implique désormais dans tous les travaux et qu’en retour il arrive qu’on lui dise avoir reconnu sa «patte» sur telle ou telle construction.

 

Cesare Accardi

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