Le bâtiment du Smart Living Lab est destiné à accueillir le SLL, un centre de recherche réunissant l’EPFL, la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA) et l’Université de Fribourg.

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innovation - Futur de la construction

Fribourg bien placé avec le Smart Living Lab

29 Mar 2023 | Articles de Une

Dans le quartier d’innovation bas carbone de Bluefactory à Fribourg va se réaliser le Smart Living Lab. Virginie Dulucq, chef de projet à BFF SA, et Sergi Aguacil, responsable de l’intégration de l’innovation dans le bâtiment pour le SLL, nous parlent de ce laboratoire vivant, précurseur dans le domaine de la construction durable, financé par le canton de Fribourg.

– Quel est l’objectif du Smart Living Lab?
– Virginie Dulucq: le bâtiment du Smart Living Lab (SLL) est une construction emblématique du quartier d’innovation bas carbone de Bluefactory, destiné à accueillir le SLL, un centre de recherche réunissant l’EPFL, la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA) et l’Université de Fribourg. Il est destiné à accueillir 130 scientifiques qui vont travailler sur la construction durable et le futur du bâti. Le bâtiment sera lui-même objet de recherches.

– Quelles seront les expériences qui y seront menées?
– Sergi Aguacil: Le bâtiment sera notre lieu de travail et notre infrastructure principale de recherche. Les équipes scientifiques pourront tester de nouvelles technologies, par exemple des éléments de façade innovants pour produire de l’électricité, des techniques pour fournir une meilleure qualité de l’air à l’intérieur, ou des moyens de gérer les équipements du bâtiment, le chauffage, l’électricité, la ventilation, pour garantir un confort d’usage tout en réduisant le plus possible les émissions de CO2 et la consommation d’énergie. L’objectif est aussi d’avoir le contrôle de la source d’électricité pour le bâtiment, qui sera muni de panneaux solaires de différents types et de technologies variées pour démontrer les possibilités d’intégration de ces solutions, existantes et abordables. Le bâtiment servira à des expériences, qui commenceront par un projet de base déjà bien conçu et modulable. Un véritable laboratoire vivant, qui évoluera selon les besoins de la recherche.

– En quoi le bâtiment sera-t-il un outil d’expérimentation?
– Sergi Aguacil: Les recherches porteront, par exemple, sur la qualité de l’air des espaces intérieurs habités qui ont besoin d’un espace contrôlé pour l’ouverture ou la fermeture des fenêtres. Ce qui implique de réaliser un monitoring à haute résolution: d’une part savoir électroniquement comment le bâtiment est configuré à chaque instant, d’autre part mesurer le ressenti des personnes qui l’occupent au moyen de différents appareils et outils de mesure. Cet environnement contrôlé constitue en soi un outil de recherche qui peut être utilisé pour la qualité de l’air, le confort thermique, et aussi pour l’énergie. Il également prévu de développer un jumeau numérique du bâtiment, contenant toutes les informations relatives à ses composantes et à son usage, afin de les rendre accessibles aux groupes de recherche. Ce modèle numérique pourra être utilisé pour effectuer des simulations énergétiques et faire évoluer le bâtiment réel en fonction des changements opérés dans la maquette virtuelle. L’usage d’une telle maquette permet de tester les comportements simulés et de prévoir les gains de performance réalisables grâce à certains matériaux appliqués dans des contextes particuliers, ou encore de fournir une estimation précise de la qualité de l’éclairage naturel résultant de modifications de l’enveloppe ou de l’aménagement intérieur.

– En quoi peut-on dire que le Smart Living Lab est pionnier?
– Sergi Aguacil: Le concept de living lab existe déjà. Mais il peut être réalisé à différentes échelles. On utilise par exemple un quartier de ville comme living lab pour examiner la mobilité. Notre particularité réside dans le fait qu’en plus de pouvoir monitorer ce qui se passe à l’intérieur, on va pouvoir agir sur le bâtiment: cela n’est pas commun. On va pouvoir contrôler ce qui se passe, modifier le bâtiment. On peut d’une certaine manière comparer le SLL au NEST à Dübendorf, qui est aussi un bâtiment de tests, mais qui n’est pas un lieu de travail: c’est une structure où l’on construit des petits modules pour démontrer différentes choses et tester des matériaux. Le NEST est lié à l’Empa, le centre de recherches sur les matériaux. La particularité du Smart Living Lab est qu’il constitue notre lieu de travail au quotidien et que l’on doit continuer à l’utiliser comme tel, tout en participant activement aux recherches. On vit dans le laboratoire en permanence.
– Virginie Dulucq: Le bâtiment est financé par le Canton de Fribourg. Les équipes de l’EPFL, de la HEIA-FR et de l’Unifr actives au Smart Living Lab vont avoir une mission de diffusion et de transfert de connaissances et de résultats de leurs recherches, notamment auprès des entreprises locales, des écoles, sous forme, par exemple, de conférences et d’événements. L’interaction avec les acteurs économiques et scientifiques locaux est très importante dans ce projet et pour le quartier d’innovation de Bluefactory. Les résultats de recherche vont servir tant aux milieux académiques qu’à l’économie locale et à ses acteurs.

– En quoi le Smart Living Lab sera-t-il précurseur de l’habitat de demain?
– Sergi Aguacil: Je pense que le mot habitat est un peu restreint, car on pense tout de suite au logement. Ce serait plutôt être précurseur au niveau de la durabilité de l’environnement construit en général. Qu’il s’agisse de logement ou de bâtiments administratifs, scolaires ou industriels, toute construction doit se préoccuper de son environnement extérieur immédiat. Pour le public, le SLL ne se présentera pas comme un édifice spectaculaire, mais comme une démonstration d’un bâtiment durable dès sa conception. L’équipe du SLL se fondera sur un programme de recherche mené en amont de la construction pour définir les objectifs et viser une empreinte carbone très basse, tenant compte des matériaux utilisés et de leur origine. C’est quelque chose qui manque encore trop souvent dans la planification d’une construction: dès les premières esquisses on devrait introduire toutes ces notions. Le Smart Living Lab sera un bâtiment sobre, qui répondra très bien aux exigences de l’usage et de la qualité de vie à l’intérieur. Notre démarche s’inscrit dans une certaine vision de la société et un modèle de vie valorisant les ressources naturelles. On ne doit pas simplement respecter une check-list en cochant les bonnes cases comme de simples ajouts. La vision est intégrale, contrairement à certains projets construits comme un patchwork de solutions non intégrées. Le Smart Living Lab cherchera toujours une intégration multidisciplinaire, en combinant la low-tech, les techniques simples, et la high-tech, en veillant à ce que la construction soit la plus raisonnable et la plus sobre possible.

– Quelles sont les prochaines étapes de réalisation du SLL?
– Virginie Dulucq: Les études de réalisation vont commencer début mars 2023. Les travaux commenceront au début de l’été, avec le terrassement. Une phase sera ensuite consacrée à la pose de sondes géothermiques sous le bâtiment. La livraison du bâtiment est prévue au second semestre 2025.

 

Propos recueillis par
Laurent Passer

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