Exemples de densification en zone 5 : les Résidences de Sierne à Veyrier et les Arases à Chêne-Bougeries.

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Le bureau Favre+Guth architecture se renouvelle en conservant son état d’esprit

22 Mar 2023 | Articles de Une

En 57 ans d’existence, l’atelier Favre+Guth a su se réinventer face aux enjeux d’un territoire en mutation. Aujourd’hui, l’architecture doit répondre à des exigences croissantes et à une complexité grandissante. La direction du bureau a pour ambition d’accompagner cette évolution. Ainsi, les administrateurs-associés, Patrice Bezos (qui dirige le bureau depuis 1986), Fabio Ricchetti et Daniel Margari, se sont entourés de cinq partenaires, déjà collaborateurs au sein de la structure. Le passage de témoin est en cours: une nouvelle génération de talentueux architectes prend le relais.

Depuis sa fondation en 1967, le bureau Favre+Guth, c’est plus d’un million de mètres carrés construits, reconstruits ou rénovés. Et probablement dix fois plus de surfaces conceptualisées et de projections spatiales non concrétisées. Un bon demi-siècle de «prise de risque d’une confrontation du désir aux résistances de la matérialisation» – comme l’exprime Pierre Schwerzmann – qui ont façonné le visage de la Genève d’aujourd’hui. Des Vergers (Meyrin) aux Adrets (Lancy), en passant par le quartier de l’Etang (Vernier) et les Hauts-du-Château (Bellevue), ou encore Quartet (Charmilles) et le Lancy Office Center, les défis auxquels l’atelier est confronté sont multiples: économiques, écologiques, sociologiques, techniques, etc. S’ajoutent à cela des sites aux contraintes fortes, exigeant un savoir-faire accru. En 2023, le bureau se renouvelle, comme il l’a déjà fait à maintes reprises dans le passé; cependant, il s’inscrit toujours dans la lignée de ses deux fondateurs, René Favre et Antoine Guth.
D’une équipe de 29 collaborateurs il y a dix ans, l’atelier est passé aujourd’hui à plus de cinquante. Avec un bureau d’une telle dimension, la direction est amenée à se renforcer. Les nouveaux partenaires – Sybil Pétremand, Andrea Corindia, Pietro Coccia, Gregorio Lara et Robin Gay – disposent de compétences complémentaires; d’origines variées, ils ont suivi des formations et des parcours très différents. Cette mixité génère une dynamique qui permet au bureau de se développer et de répondre aux nouveaux enjeux. Couvrant toutes les tranches d’âges de 26 à 55 ans, ces architectes ont défini trois axes prioritaires: la rénovation-réhabilitation-transformation, le développement durable (énergie, matériaux, économie circulaire) et la recherche appliquée par le biais de concours d’architecture.

Rénovation & surélévation de la HEAD et construction de l’ensemble artisanal & industriel Quartet.

Vers une diversification des pôles d’activités

«Si le métier d’architecte nécessite une part de créativité, c’est surtout la capacité à transformer les contraintes en potentialités qui est fondamentale, remarque Robin Gay. Les forces de Favre+Guth ont toujours été la rigueur et le pragmatisme». Parmi les réalisations de l’atelier, on trouve une importante proportion d’immeubles résidentiels construits en zone de développement.
Andrea Corindia précise: «Nous devons nous adapter à la demande et cela passe par plusieurs plans. Les transformations s’effectuent à diverses échelles, dont celle de l’appartement avec des typologies plus flexibles et des prolongements extérieurs généreux. Il s’agit aussi de repenser l’espace collectif, les jardins/parcs qui se trouvent dans l’environnement immédiat». Outre les grands ensembles de logements, les architectes de Favre+Guth interviennent sur la zone 5 (villas), «un lieu d’expression intéressant» où ils réalisent des maisons individuelles et contiguës, et des habitats groupés. Pour eux, travailler dans ce tissu périurbain implique de trouver le bon équilibre entre densité et qualité, tout en conciliant les atouts de la campagne et ceux de la ville. Ainsi, plusieurs immeubles aux gabarits faibles ont été réalisés, explorant cette nouvelle forme d’habitat parfaitement intégré à son environnement, à Cologny, Chêne-Bougeries ou encore Veyrier.
Quoi qu’il en soit, pour les appartements ou villas, mais aussi pour les bâtiments d’activités, «ce qui compte avant tout c’est que les habitants et les usagers se sentent bien, s’épanouissent dans leur lieu de vie et de travail», poursuit Andrea Corindia. Robin Gay nuance: «Mais on se heurte encore trop souvent à un cadre législatif genevois astreignant, par exemple le prix fixé à la pièce plutôt qu’au mètre carré, ainsi qu’à des procédures administratives chronophages. Sans parler de la raréfaction du foncier». Et Patrice Bezos d’ajouter: «Dans cette perspective, l’avènement architectural est toujours une fête, une grâce».

Le dialogue au cœur de la pratique

Traduire l’idée créatrice d’un concept architectural dans la réalité, avec toutes ses contraintes, voici la délicate mission dont le bureau Favre+Guth se trouve investi. Durant le processus qui conduit de la phase de projet à l’exécution, l’architecte – à la fois dessinateur et constructeur – tient un rôle d’intermédiaire. Au-delà du savoir-faire purement technique, la capacité de travailler ensemble pour atteindre des objectifs particuliers ou créer une œuvre commune est primordiale. Les qualités humaines s’avèrent souvent essentielles et peuvent conditionner la réussite du projet. Depuis sa fondation, le cabinet d’architecture Favre+Guth a su développer ses compétences collaboratives au plus haut niveau. Des projets d’envergure ont été conçus avec des architectes internationaux de renom, qui deviennent à leur tour source d’inspiration pour le bureau et ses associés. Un apprentissage mutuel et des regards croisés qui sont essentiels pour progresser dans le métier.
Cette place accordée à l’intelligence collective est retracée dans une jolie brochure parue en début d’année. A force de récits, de croquis et de photos, la publication évoque des projets qui ont marqué le territoire genevois. La lettre «C» y est déclinée sous toutes ses formes: collaboration, cocréation, contribution, consortium, mais aussi complicité et confiance. Loin de fonctionner en vase clos, Favre+ Guth s’est associé, à de nombreuses reprises, à des architectes réputés, rentrant ainsi en «débat» avec ces professionnels extrêmement exigeants.
A travers la région, on retrouve ainsi la marque du Français Dominique Perrault (quartier de l’Etang), des architectes suisses Herzog & de Meuron (siège Lombard Odier), du Japonais Kenzō Tange (Hispano Industrial Development), de l’Américain Philip Johnson (Lancy Office Center) et du Néerlandais Meyer Van Schooten (Terre Bonne), pour n’en citer que quelques-uns. «Ces stars de l’architecture arrivent souvent avec des idées d’une puissance folle, des projets à prime abord irréalisables, relève Robin Gay. C’est à nous, en tant qu’architectes d’exécution, de trouver les solutions pour que ces concepts s’inscrivent dans le cadre réglementaire, paysager et culturel local. De sacrés challenges qui peuvent nécessiter des adaptations au sein même du bureau, comme c’est le cas pour le projet de la banque Lombard Odier où nous avons dû constituer une équipe hautement spécialisée dans le Building information modeling (BIM)».
Il faut dire que chez Favre+Guth, on apprécie la diversité, «cela nous stimule» disent les partenaires fraîchement nommés: en témoignent des projets comme celui de l’Etang, qui fait la part belle à la diversité architecturale et spatiale. Les nombreuses nationalités représentées au sein du bureau sont une autre richesse, cette fois culturelle. En donnant la possibilité à cinq collaborateurs d’endosser des responsabilités supplémentaires, les associés du bureau Favre+Guth ont fait un choix pertinent. Ils assurent ainsi la pérennité de leur structure mais pas seulement: comme eux, ces nouveaux partenaires – qui se démarquent par leur «agilité» et leur engagement – feront avancer des projets, questionneront la ville et surtout, parviendront à enthousiasmer ceux qui y vivent. En résumé: ils sont les gardiens de la qualité urbaine et architecturale qui caractérise Genève depuis toujours.

 

Véronique Stein

 Robin Gay, partenaire.
Andrea Corindia, partenaire.