La préfabrication est l’art d’anticiper les problèmes avant qu’ils ne se produisent.

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entreprises familiales - Le préfabriqué comme art

Prelco SA, 50 ans d’innovation

15 Mar 2023 | Articles de Une

Genève, capitale du béton préfabriqué! Voilà un slogan qui surprendra les Genevois, plus habitués à entendre «Genève capitale des droits humains» ou «pôle du multilatéralisme». Pourtant, Prelco SA, seule entreprise genevoise de préfabrication, a laissé une empreinte profonde dans le domaine bâti du canton et bien au-delà. A la croisée de l’architecture et de la technique, la société familiale vient de fêter ses 50 ans.

Les premiers logements préfabriqués de Suisse, rue de la Fontenette à Carouge, à la fin des années 1950, c’est elle! Les cycles d’orientation construits à Genève dans les années 1960, c’est elle! L’hôtel Métropole, réalisé à Monte-Carlo en style belle-époque, mais en béton préfabriqué, c’est elle! La mise au point des façades multifonctionnelles et sandwich, le traitement de surface rappelant la pierre nue, c’est elle! Prelco SA. Le nom ne vous dit rien? C’est normal.
Prelco SA (pour PRéfabrication d’ELéments de COnstruction), basée à Satigny/GE est une industrie B to B, elle traite avec les maîtres d’ouvrage et les architectes et n’est pas nécessairement familière au grand public. Pierre-Alain L’Hôte, son directeur et administrateur délégué, est probablement mieux connu comme président de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment (FMB) et de l’Union des associations patronales genevoises (UAPG).
«La préfabrication est l’art d’anticiper les problèmes avant qu’ils ne se produisent, explique-t-il. Il est beaucoup plus facile de résoudre en atelier les difficultés liées par exemple à la continuité de l’isolation ou de l’étanchéité, plutôt que sur un chantier». La complexité croissante des éléments préfabriqués en usine a pour corollaire une simplicité croissante sur les chantiers. La préfabrication réduit la durée et le coût des chantiers, tout en offrant de meilleures conditions de travail aux ouvriers, abrités du froid et des intempéries.

Des pionniers de la construction industrielle

Les origines de Prelco SA remontent à la première grande vague bâtisseuse de l’après-guerre. L’activité de préfabrication initiée par les frères Induni à la fin des années 1950 est établie en 1972 comme entité autonome sous le nom de Prelco. Emile Boget et Paul L’Hôte, respectivement directeur et cadre chez Induni, sont les chevilles ouvrières de ce département. Ils sont reconnus au-delà des frontières suisses comme pionniers de l’industrialisation de la construction. En 1987, suite à la vente de la maison-mère, Prelco SA devient indépendante. Paul L’Hôte, le père de Pierre-Alain, qui a fait carrière dans la société et la dirige depuis 1976, la rachète.
Alors que les préfabricants étaient des sous-traitants des entreprises de construction, Prelco SA est aujourd’hui partenaire des promoteurs immobiliers et de leurs mandataires architectes. Son bureau d’études accompagne leurs projets et développe des produits adaptés. Pour en arriver là, il a fallu casser l’image du béton préfabriqué uniforme et gris. Le développement par Prelco de la façade sandwich, qui combine esthétique, fonction structurelle et isolation, a été la percée qui a permis ce renversement. Elle reste une solution difficilement égalable quant à l’équation prix-durabilité-qualité.

Paul L’Hôte.
Pierre-Alain L’Hôte.

«Nous proposons du sur-mesure»

«Nous proposons de la haute couture, du sur-mesure, illustre Paul L’Hôte; nos produits sont ce que l’on peut se payer de mieux pour les logements sociaux, dans le cadre des plans financiers autorisés par l’Etat». Les belles façades du siège de la banque Pictet et Cie SA aux Acacias, qui semblent être en pierre naturelle, proviennent aussi de l’usine de Satigny. «Notre travail est de trouver des solutions techniques pour concrétiser tous les types de projets d’architecture», commente Pierre-Alain L’Hôte. «Le fait de produire selon un processus rigoureux n’impose pas de forme déterminée», souligne-t-il.
Malgré son savoir-faire unique, Prelco n’imagine pas s’étendre. Le coût du transport des éléments préfabriqués impose une limite naturelle au rayon d’activité de l’entreprise, qui travaille par ailleurs à l’amélioration de son bilan carbone. «Les techniques de construction sont différentes des deux côtés de la Sarine, constate encore Paul L’Hôte. En Suisse alémanique, le préfabriqué est plutôt un produit de catalogue et de masse, alors qu’en Suisse romande, c’est un produit à plus forte valeur ajoutée».

Un avenir certain

A l’instar de nombreux entrepreneurs du domaine du bâtiment, Pierre-Alain L’Hôte souhaiterait une impulsion plus forte des pouvoirs publics pour promouvoir des matériaux produits localement et issus de filières de revalorisation. La formation professionnelle est également un dossier important qu’il porte à travers ses engagements au sein des organisations professionnelles. Reste que la préfabrication, en tant que méthode constructive, qui permet de résoudre la complexité des défis de demain, garde un avenir certain dans une société qui doit loger un nombre croissant d’individus.

 

Cesare Accardi

GROS PLAN

Une famille de 130 membres

 

Est-on encore une entreprise familiale quand on compte 130 collaborateurs? Oui, répond Pierre-Alain L’Hôte: «Notre taille nous permet de garder un contact avec chacun; je peux rester informé sans recourir à la médiation de directeurs ou sous-directeurs». Prelco a conservé la dimension qu’elle avait en 1972, c’est la bonne taille. «Si nous étions plus petits, nous perdrions des marchés par défaut de capacité, si nous étions plus grands je devrais revoir la gouvernance sans que cela ne se traduise nécessairement par une productivité accrue».
La famille L’Hôte détient l’entier du capital. Pierre-Alain et son frère, qui ne travaille pas pour Prelco, siègent au Conseil d’administration, avec leur père. Un plus, estime le directeur, «car un jour nous devrons parler de l’avenir ensemble. Par ailleurs, les interactions avec les nombreux partenaires de notre secteur «recherche et développement», ainsi qu’avec nos clients, sont suffisamment riches pour que les idées nouvelles circulent; coopter des administrateurs externes n’apporterait rien à cet égard».
Paul L’Hôte a préparé sa succession dès le milieu des année 1990. Il ne voulait pas répéter les mauvaises expériences vécues dans les années 1980 avec les fréquents changements de propriétaires de Prelco SA. «Dans la construction, j’ai connu plus de successions ratées que de réussites; c’est la capacité de gestion qui fait la différence», constate-t-il. Sa gestion avisée lui a permis de traverser la crise du bâtiment des années 1990, alors que ses concurrents fermaient les uns après les autres. Sur sept entreprises de préfabrication à Genève, Prelco SA est la seule qui reste.
«Je n’avais pas imaginé reprendre la société, raconte son fils. Je suis venu aider mon père quelques mois avant de m’engager dans une autre voie, mais je me suis épanoui chez Prelco et j’y suis resté». Arrivé en 1993, il passe de poste en poste durant deux ans. Il devient administrateur en 1995, puis administrateur délégué en 1999. «Prelco dépend de très peu de personnes et cela est une force pour la prise de décisions et une faiblesse s’il devait m’arriver quelque chose, mais c’est le propre des PME familiales», conclut-t-il.

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