Le quartier de Belle-Terre (Thônex/GE) est exemplaire: il montre qu’un changement de paradigme est possible.

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Gestion du patrimoine arboré

L’arbre en ville, un allié de taille!

12 Oct 2022 | Articles de Une

De multiples vertus sont attribuées aux arbres en milieu urbain: ils jouent un rôle majeur dans la lutte contre les îlots de chaleur. La couverture arborée (canopée) procure ombre et fraicheur aux citadins, tout en leur offrant un cadre paysager bénéfique. Les arbres servent également de refuge pour la biodiversité. Si les objectifs politiques – soit 150 000 spécimens plantés à Genève ces dix prochaines années – sont ambitieux, il n’en reste pas moins utile de réfléchir sur la manière de verdir nos villes. En effet, les arbres ne sont pas toujours acclimatés aux conditions locales; lorsqu’ils ne disposent pas de l’espace vital nécessaire, ils peinent à se développer correctement. Une production de qualité, un choix judicieux des végétaux et un accompagnement professionnel sont garants de la longévité de notre patrimoine arboré.

«Les arbres importés de l’étranger posent souvent problème, relève d’emblée Bastien Fleschmann, architecte paysagiste et directeur adjoint chez Jacquet SA. Produits et élevés dans d’autres types de sols, nourris aux engrais chimiques, les végétaux s’adapteront plus difficilement à notre territoire». Il vaut donc mieux recourir à un producteur de la région, travaillant si possible avec des méthodes de cultures écologiques, comme la pépinière Jacquet. Car une transplantation représente de toute manière une agression; en replantant les végétaux dans un même sol (terre argileuse et calcaire à Genève), le taux de reprise est optimisé, pour autant que l’entretien soit adéquat. «Nos pépiniéristes maltraitent en quelque sorte les végétaux, afin de s’assurer qu’ils résisteront par la suite. Une plante fragile disparaît donc en pépinière et ce n’est que le haut du panier qui sera fourni aux clients», indique Aude Jacquet Patry, directrice de Jacquet SA.
A la pépinière Jacquet (voir encadré), les végétaux sont donc cultivés au minimum deux ans sur des terres agricoles, afin de garantir une bonne reprise lors de leur transplantation. Certaines parcelles sont dédiées aux essences de demain et permettent de répondre aux changements climatiques: des variétés résistantes à la canicule et à la sécheresse, mais aussi au gel, aux parasites et aux maladies, sont ainsi testées.

Paramètres et contraintes

La concurrence sur le foncier est énorme, alors comment laisser de la place à l’arbre? Pour prospérer et se pérenniser, les arbres ont besoin d’un espace souterrain suffisant (extension des racines), aérien (déploiement de la couronne) et d’échange (sol perméable et irrigué). Cette zone vitale doit être préservée de toute installation et intervention, même temporaire (chantiers par exemple); elle ne doit être ni piétinée, ni traversée par des véhicules motorisés. Des directives cantonales et fédérales encadrent ces principes. Cependant, les contraintes urbaines sont fortes, entre les canalisations, réseaux et parkings en sous-sol, la rareté des surfaces en pleine terre et l’espace aérien encombré (câbles électriques, signalisation, éclairage). Soumis à ces pressions, les arbres ont tendance à dépérir ou à se nanifier.
En ce sens, l’attention portée à l’environnement immédiat de l’arbre est essentielle: plutôt que de l’enrobé bitumineux étanche, il est plus favorable d’aménager des bordures vertes. Cela offrira une protection, tout en amenant de la vie en ville; par ailleurs, lorsque les riverains s’occupent eux-mêmes des pieds d’arbres, moins de déchets et de vandalisme sont constatés.

Autour de la Comédie de Genève et en surplomb de la gare des Eaux-Vives,
les aménagements paysagers génèrent des espaces de fraicheur et de détente.
Avec une bonne conception et gestion, les arbres peuvent s’adapter à tout environnement urbain. Ici à la gare du Léman Express du Bachet.

Des métiers à réinventer

Lors de projets de développement, qu’il s’agisse d’ensembles immobiliers ou de quartiers, quelques recommandations sont d’usage. Aude Jacquet Patry les énonce: l’aménagement paysager doit se faire en amont du projet et en association directe avec l’ingénieur civil; les conditions de production et de plantation sont à vérifier avec soin; le choix des essences doit tenir compte des contraintes et des opportunités du projet en question. «Cependant, entre le plan d’origine et la réalisation, des années s’écoulent parfois, surtout lors de concours d’architectes/architectes paysagistes, dit-elle. L’évolution rapide des conditions climatiques rendent caducs certains choix. Il arrive couramment que – du dessin au terrain -, des changements s’opèrent en termes de plantations, de choix des essences ou de gestion des eaux». Face à ces constats, les professionnels de la branche, qu’ils soient architectes paysagistes ou jardiniers, sont amenés à se remettre en question et à modifier leurs habitudes.
A ce titre, Belle-Terre à Thônex/GE est un projet exemplaire: il montre qu’un changement de paradigme est possible. La réussite des aménagements extérieurs tient à une étroite collaboration entre la commune de Thônex, le Comptoir Immobilier, les architectes paysagistes, ainsi que l’entreprise Jacquet SA. Près de 500 arbres majeurs, aux essences variées, ont été plantés dans les diverses zones (sèches et humides) du nouveau quartier. Une fosse dite de «Stockholm» est présente sur une partie du mail central, organisé autour d’un double alignement d’arbres. Ce système – qui réintègre les eaux de surface et les renvoie en sous-sol, évitant de ce fait une surcharge des canalisations – permet de maintenir un revêtement de sol imperméable, indispensable à certains usages. Par ailleurs, un parc forestier urbain est né sous la main des écoliers, eux-mêmes guidés par leurs enseignants et des professionnels. Inspirés par la méthode du Japonais Akira Miyawaki, ils ont mis en terre 12 000 petits plants sur une parcelle de 7000 m2 (constituée de terres de déblais de chantier), en faisant voisiner un vaste panel d’espèces indigènes. Belle-Terre compte aussi des cours champêtres, un verger, des prairies fleuries, des noues paysagères reliant les rivières de la Seymaz et du Foron. Au total, 50% des surfaces du quartier sont dédiées à la nature.
Pour les grands projets comme celui de Belle-Terre, les «Contrats de culture» sont particulièrement intéressants. Ils garantissent la disponibilité des végétaux, puisque ces derniers sont élevés pendant trois à cinq ans en pépinière, selon une planification prédéfinie. Au moment où ils le désirent, communes et promoteurs obtiennent ainsi des plantes aux variétés et à la qualité souhaitées. Une solution qui évite aux porteurs de projet un gros stress lors du chantier!
Que ce soit sous forme isolée, d’allées, au sein de parcs ou dans de petites forêts, l’arbre – symbole de vie par excellence – a toute sa place en ville.

 

Véronique Stein

www.jacquet.ch

GROS PLAN

Acheter un arbre chez un producteur de la région, c’est choisir sa plante dans la terre où elle a grandi!

 

Créée en 1907, la pépinière familiale locale Jacquet s’étend sur 30 hectares – l’une des plus grandes de Suisse romande – répartis sur les communes de Satigny, Bernex, Presinge, Veyrier et Troinex. La production est constituée de près de 12 000 plantes, dont 4900 arbres et arbustes cultivés en pleine terre, ainsi que 6800 plantes cultivées en pots, conteneurs et Air-Pot (système avec alvéoles). Un large assortiment de toute taille, aux formes et espèces très variées, est ainsi proposé.

 

Depuis le 1er janvier 2022, la pépinière est labellisée «Bourgeon Bio Suisse», après deux ans de reconversion et quarante ans de travail en culture raisonnée; cela implique la mise en œuvre de méthodes respectueuses de l’environnement comme la substitution des pesticides par l’utilisation d’insectes
auxiliaires, ou la culture d’engrais verts qui permet d’améliorer le sol. Afin de limiter la consommation d’eau, la pépinière Jacquet recourt à un arrosage intégré, ainsi qu’à des bassins de rétention d’eau de pluie. Le label Bourgeon atteste en outre de relations de commerce équitables et d’un engagement social auprès des employés. La pépinière Jacquet est également labellisée «Genève Région Terre Avenir» (GRTA), «Nature & Economie» et enfin, «Plantes suisses» pour les sujets de plus de deux mètres. L’an dernier, Jacquet SA a planté plus de 1300 arbres sur le territoire du Grand Genève.

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