Vincent Subilia. Directeur général – Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG)

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Réforme de l’impôt anticipé

Récupérer des recettes fiscales et renforcer l’économie suisse

31 Août 2022 | Articles de Une

Le 25 septembre prochain, les Suisses seront amenés à se prononcer sur une réforme fondamentale concernant l’impôt anticipé. L’objectif: récupérer à terme des recettes fiscales et renforcer l’économie.

Les entreprises et les collectivités publiques lèvent des fonds en émettant notamment des obligations. Les investisseurs qui acquièrent ces obligations et prêtent donc leur argent reçoivent en général des intérêts en contrepartie. La Confédération perçoit un impôt anticipé de 35% sur ces intérêts, en principe remboursable lorsque le contribuable qui perçoit ces intérêts les déclare au moment de son imposition. Or, dans les faits, le processus administratif pour récupérer cet impôt s’avère particulièrement complexe lorsque l’investisseur est domicilié à l’étranger. Une demande de remboursement doit être faite et, si celle-ci provient d’un pays étranger, les investisseurs ne se voient rembourser, pour des raisons juridiques, qu’une partie de l’impôt, voire rien du tout selon le cas de figure.
De plus, le taux de cet impôt anticipé – 35% – figure parmi les plus élevés au monde, si ce n’est le plus élevé, alors qu’un bon nombre de pays ne connaissent même pas cet impôt. Par conséquent, le marché des obligations suisse est peu attrayant pour les investisseurs étrangers. Résultat: bon nombre d’entreprises suisses émettent leurs obligations à l’étranger et non en Suisse.

Récupérer des recettes fiscales

La réforme proposée vise principalement à ne plus soumettre les obligations suisses à l’impôt anticipé, ce qui les rendra plus intéressantes pour les investisseurs. Le système actuel désavantage la Suisse dans un contexte de concurrence internationale, car il incite les entreprises suisses à effectuer leurs opérations de financement à l’étranger. L’Association suisse des banquiers estime qu’avec cette réforme, les sociétés helvétiques pourraient récupérer des obligations d’une valeur de quelque 115 milliards de francs. Une étude de BAK Economics, mandaté par l’Administration fédérale des contributions, estime que la réforme générera, à terme, des recettes fiscales additionnelles de 490 millions de francs par an pour la Confédération. Selon le Conseil fédéral, la réforme présente donc un rapport coût-bénéfice intéressant. Aujourd’hui, la Suisse fait cadeau à d’autres pays des recettes fiscales que pourraient lui procurer les opérations de financement des entreprises.

Renforcer l’économie suisse

L’impôt anticipé de 35% sur les intérêts rend la Suisse peu attrayante en comparaison internationale. La réforme soumise au peuple vise précisément à supprimer ce désavantage concurrentiel. Cela signifie-t-il pour autant que cette réforme favorisera l’évasion fiscale? Certainement pas. Pour garantir que les revenus provenant des intérêts de ces obligations soient déclarés, la Suisse connaît depuis un certain temps l’échange automatique de renseignements. Ce système, devenu une norme internationale, rend obsolète le prélèvement d’impôts anticipés auprès d’investisseurs étrangers. Ainsi, la suppression de cette barrière vise à améliorer la compétitivité de la Suisse sur le marché mondial des obligations. Par ailleurs, bien que la Suisse ait lancé ses premiers produits d’investissement durable dans les années 1980, le Luxembourg (exempt d’impôt anticipé) l’a rapidement distancée. Alors que plus de 1300 «green bonds» ou obligations vertes ont été émises au Luxembourg, seules 75 l’ont été en Suisse. L’impôt anticipé a fait fuir les activités économiques de la Suisse vers l’étranger, alors que le besoin d’investissements durables ne cesse d’augmenter.

Le service public va aussi bénéficier de la réforme

Les collectivités publiques, de même que les entreprises publiques, vont aussi profiter de cette réforme. Les collectivités publiques, soit la Confédération, les cantons et les communes, vont pouvoir économiser jusqu’à 200 millions de francs. En supprimant la barrière de l’impôt anticipé, la Suisse pourra favoriser l’investissement sur son territoire, ce qui réduira le coût de ses emprunts. Mais ce ne sont pas uniquement les collectivités qui en bénéficieront; les entreprises publiques pourront aussi en profiter. A Genève, les Transports publics genevois (TPG) ont émis pour la première fois, en 2015, des obligations pour financer leur centre de maintenance «En Chardon». Les TPG devenaient la première entité publique du canton à se financer de la sorte. Un marché obligataire plus important accorde une plus grande flexibilité aux entreprises pour se financer, à un coût moins élevé.
L’acceptation de la réforme de l’impôt anticipé permettra donc de récupérer en Suisse de la valeur ajoutée et des recettes fiscales et favorisera ainsi l’attrait de la place économique helvétique, qui se verra renforcée.

 

Vincent Subilia

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