Le rêve de Titeuf, depuis trente ans: embrasser Nadia. Il n’a jamais été aussi proche de son but.

/

Peinture murale

Quand l’art rencontre l’immobilier

24 Août 2022 | Culture, histoire, philosophie

Elle est visible loin à la ronde: la fresque monumentale de Zep – qui met en scène le personnage culte de Titeuf – anime désormais l’une des façades de l’ensemble «Etoile-Palettes» (Lancy/GE), donnant une identité forte à tout le quartier. En présence des divers partenaires et des autorités municipales de la Ville de Lancy, l’œuvre a été officiellement inaugurée il y a quelques jours. Ce projet culturel s’inscrit dans une rénovation de longue haleine, initiée par le bureau 2dlc Architectes partenaires SA.

L’immeuble Etoile-Palettes se distingue par sa forme singulière: une étoile à trois branches. Ce sont ses pignons élancés qui ont motivé l’architecte Stéphane Lorenzini, administrateur de 2dlc et ancien maire de Lancy, à imaginer une intervention artistique de grande ampleur. Philippe Chappuis alias Zep, dessinateur de BD à la renommée internationale, lui semblait la personne idéale pour orner l’une des façades d’Etoile-Palettes, en cours de rénovation. Plusieurs esquisses ont alors été proposées au propriétaire (Patrimonium Fondation de placement) de l’allée pignon, qui a adhéré à l’idée en acceptant non seulement de mettre à disposition son immeuble, mais aussi de financer entièrement le projet.
«Les quelque mille locataires qui vivent ici sont profondément attachés à leur immeuble, a relevé Stéphane Lorenzini. Certains d’entre eux y résident depuis sa construction en 1966 et se sont investis dans la vie locale à travers diverses associations, désormais regroupées au sein de l’Espace Palettes (maison de quartier communale). Cette façade colorée contribuera à donner une image positive au quartier, souvent décrié».

Philippe Chappuis, alias Zep.
Stéphane Lorenzini, administrateur de 2dlc.

Titeuf libéré de son échafaudage

La société CitéCréation de Lyon a été mandatée pour réaliser, en deux semaines, la fresque géante (50 mètres de haut), sur la base du dessin en format A3 de Zep. L’œuvre se voit de loin et la partie supérieure interpelle les passants avec les personnages de Titeuf et de sa compagne, Nadia, juchés au sommet d’une pile bancale de livres. «C’est la première fois que l’un de mes dessins est imprimé à cette taille. Cela permet d’être encore plus clair sur le message à transmettre: la lecture nous fait grandir, nous aide à atteindre nos rêves, a affirmé Zep. Et le rêve de Titeuf est, depuis trente ans, d’embrasser Nadia. Il n’a jamais été aussi proche de son but, il est à une fenêtre d’y arriver…». La mission de Zep sera accomplie si les passants s’approchent de la peinture murale pour repérer les noms des auteurs – Will Eisner, Morris, Pennac, Nothomb, Franquin, parmi d’autres – et se procurent les ouvrages en question.

Un second souffle au bâtiment

Construit dans les années 1960, l’ensemble Etoile-Palettes avait subi les assauts du temps. Avec ses douze allées, il nécessitait une rénovation globale, tant intérieure qu’extérieure. Les habitants déploraient, quant à eux, un sentiment d’insécurité provoqué par la dégradation des équipements et espaces communs de leur immeuble. «Nous avons fait le choix de rénover l’enveloppe thermique par adjonction d’une nouvelle façade ventilée en plaques d’aluminium, qui reprend les modénatures de la façade d’origine, en y apportant une touche colorée par le biais de meneaux verticaux traités dans les teintes cuivrées, en rappel de ceux d’origine qui étaient en bois, explique Stéphane Lorenzini. La mise en place des caissettes d’aluminium de plus de cinq mètres de largeur a nécessité des stratégies constructives particulièrement complexes».
Les balcons-loggias sont désormais intégrés à l’enveloppe thermique, offrant ainsi aux appartements un nouvel espace, utilisable toute l’année. Les logements ont également été remis au goût du jour, avec des cuisines équipées et des typologies décloisonnées pour certains d’entre eux. Si la rénovation proprement dite a duré trois ans et demi, les premières études remontent à 2008. «Plus d’une centaine de Caisses de pension suisses investissent dans nos fonds immobiliers et nous faisons de la transition énergétique un enjeu prioritaire», a relevé Armin Gote, directeur Real Estate de la société Patrimonium. Comme pour la plupart de ses projets, Patrimonium Fondation de placement a demandé qu’une production d’électricité renouvelable soit intégrée, vœu réalisé par l’entreprise Somiral, qui a installé des panneaux photovoltaïques sur certains éléments de façade. Par ailleurs, cette rénovation énergétique s’est accompagnée d’un projet plus vaste: les différents propriétaires ont permis la création du CAD Palettes, un système de chauffage à distance mixte bois-gaz confié à SIG et dont l’importante chaufferie de départ est située dans les sous-sols de l’immeuble Etoile-Palettes.

 

Véronique Stein

GROS PLAN

Edifié en un éclair

 

Etoile-Palettes a été conçu par les frères Honegger, architectes et constructeurs (1930-1969) réputés pour les neuf mille logements réalisés à Genève, auxquels s’ajoutent de nombreux édifices commerciaux, industriels ou de bureaux. Début 1965, ils reçoivent la commande d’Etoile-Palettes et, quelques mois plus tard, déposent la demande d’autorisation de construire. Le chantier s’ouvre le 15 novembre de la même année, pour être livré fin 1966. La qualité du bâtiment a vraisemblablement pâti de ces délais infernaux. Les façades sont composées d’éléments préfabriqués et c’est, avec le bâtiment des Racettes à Onex, l’un des derniers projets de logement du bureau Honegger, qui emploie les caissons de dalle du fameux système constructif dit «Honegger Afrique», mis au point à Casablanca.