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Prix de Genève 2022

Distinguer les perspectives visionnaires

13 Avr 2022 | Articles de Une

Mardi dernier, le Prix de Genève 2022 pour l’Expérimentation en architecture a été attribué à l’agence BUREAU, basée à Genève et à Lisbonne. Jusqu’à ce samedi 16 avril, les travaux du lauréat et des cinq nominés internationaux sont à découvrir au Pavillon Sicli, dans le cadre de l’exposition «Espace d’images». Autant de mises en lumière de recherches et de productions audacieuses, qui questionnent la pratique architecturale en résonance avec les nouveaux enjeux de notre société.

Le Prix de Genève distingue l’équipe de BUREAU: Galliane Zamarbide, Daniel Zamarbide, Carine Pimenta.

Récompenser la prise de risque, distinguer la recherche, l’expérimentation et l’innovation au-delà de la production architecturale motivée par la commande: telle est l’ambition du Prix de Genève, décerné au Pavillon Sicli en présence d’Antonio Hodgers, conseiller d’Etat chargé du Département du territoire. Unique en son genre parmi les prix d’architecture, il a été lancé en 2019 grâce à la détermination et la donation de l’architecte Daniel Grataloup, en collaboration avec l’Etat de Genève. Le palmarès de cette deuxième édition, dotée d’un montant de 30 000 francs, reflète la volonté de s’extraire d’une culture architecturale trop dominée par la compétition, en mettant en avant non pas des objets isolés, mais des démarches prospectives – projets achevés et projets en cours – qui se démarquent par leur singularité.
«Il s’agit de faire savoir combien la recherche est au cœur des questionnements d’une architecture engagée, car c’est dans cette pratique que résident de futures approches novatrices en résonance avec les enjeux de notre société et l’évolution de nos comportements», souligne l’architecte Christian Dupraz, président du jury. Tout à la fois architecte, artiste et urbaniste franco-suisse dont l’œuvre est entrée dans le patrimoine de l’Etat de Genève, Daniel Grataloup, célèbre pour avoir bousculé les codes formels architecturaux des années 1970, a voulu un prix ouvert à un potentiel d’innovation diversifié. Cette intention a fait écho aux profils des 158 candidats du monde entier où architectes réputés, architectes établis et débutants, ont côtoyé des artistes et des personnes expérimentées n’appartenant pas à la sphère professionnelle.

BUREAU, l’œil critique et poétique

Praticien de l’espace au sens large, l’agence BUREAU, fondée en 2017 à Genève par Daniel Zamarbide (ex-associé du bureau genevois Group8), Carine Pimenta et Galliane Zamarbide, agit comme une envie de réagir et de participer à l’environnement, avec un point de vue critique. De sa pratique protéiforme qui explore une grande variété de formats d’architecture – architecture pérenne ou temporaire, scénographie, paysage, installation, design d’objets – naissent des réalisations et des projets totalement innovants, qui embrassent le quotidien et la vie des gens avec une poésie inattendue.
«Le prix a récompensé une démarche qui réunit une série de propositions à forte valeur prospective», relève le jury composé d’architectes, ingénieurs, chercheurs et historiennes de l’art et de l’architecture. BUREAU, qui a remporté en mars dernier le concours d’architecture pour le futur phare de la jetée de la Société nautique de Genève, se révèle à travers un flux d’expérimentations et de réalisations inédites, rassemblées sous le titre «Short stories». On y découvre notamment «Thérèse», un micro-habitat niché dans une sculpture de bois et de béton, «Floating Realities», un aménagement intérieur réalisé pour un centre de bien-être genevois axé sur la relaxation. Ou encore «Maria», un appartement rénové à Lisbonne, qui tourne le dos aux typologies dirigées de l’habitat liées à l’idée de famille traditionnelle pour laisser au locataire la liberté de modeler l’espace à son image, sans l’intervention directe de l’architecte. Ouverte en 2019, l’antenne de l’agence à Lisbonne, installée dans un ancien dépôt, s’affiche comme un espace de recherche, de création, de détente et de vie à part entière.
«Notre travail se trouve à l’extérieur d’une logique mercantile, souligne Daniel
Zamarbide. Nos clients sont plutôt des parties prenantes de notre pratique expérimentale. Les bénéfices que peuvent produire nos projets sont réemployés pour des recherches que nous considérons nécessaires pour la survie créative, intellectuelle et sociale du bureau». Cet engagement a par ailleurs été salué l’an dernier par le Gold Award Best Architects 22 pour la rénovation de la Maison Esquive à Lisbonne.

«Thérèse», micro-habitat dans une pièce sculptée en bois et béton conçue par BUREAU, 2021.
«Floating Realities», centre de bien-être et de flottaison à Genève. Réalisation 2020, BUREAU.

L’exposition au Pavillon Sicli

Aux côtés du projet lauréat, les projets nominés sont à découvrir au Pavillon Sicli dans le cadre de l’exposition «Espace d’images», conçue comme une invitation à pénétrer dans la profondeur des contenus. Figurant parmi les cinq nominés, le bureau français Cigüe présente «Une chambre pour demain», qui permet d’économiser 70% de l’eau habituellement consommée dans une chambre d’hôtel standard avec salle de bains. «Pièces de l’océan», de Mbl Architectes, France, est un processus d’accrétion rocheuse pour fabriquer des habitacles en milieu sous-marin. Autres audaces: le «Passive Delight Custom Design & Built Manually», du bureau indien Matharoo Associates, qui, par une typologie surprenante, fait cohabiter un espace de travail et un lieu de retraite; «Regenera», d’Alberto Roncelli, Milan/Copenhague, avec sa proposition de gratte-ciel qui se dissout pour récupérer les écosystème brûlés par les incendies de forêt et «Lieu de vie», du studio français Muoto, qui plaide pour une architecture minimale, à la fois frugale, généreuse et évolutive.

 

Viviane Scaramiglia

Exposition jusqu’au samedi 16 avril
Espace d’images
De 12h à 19h
Pavillon Sicli, Genève
www.pavillonsicli.ch

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