Anne-Marie Loeillet.

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Direction générale d’Allreal Romandie

Le nouveau défi d’Anne-Marie Loeillet

2 Mar 2022 | Articles de Une

Le groupe alémanique de l’immobilier et de la construction Allreal, issu du géant Oerlikon-Bührle, a racheté en octobre dernier, comme on le sait, plusieurs sociétés de la holding Immosynergies à Olivier Plan. En plaçant à la tête de ses activités romandes une personnalité comme Anne-Marie Loeillet, le patron d’Allreal Roger Herzog et son Conseil d’administration ont misé sur l’expérience, le dynamisme et la vision d’une architecte et urbaniste hors normes.

Diplômée en architecture dans sa France natale, puis en urbanisme à l’Université de Stuttgart, Anne-Marie Loeillet a occupé des postes à responsabilité en Allemagne et en France, puis en Suisse. Elle fut notamment directrice des Constructions, puis du Logement, à l’Etat de Genève, avant de prendre durant une dizaine d’années la Direction exécutive de PCM Opérateur urbain SA, avec le pilotage de l’immense projet du Quartier de l’Etang à Vernier/GE.
Selon les propres estimations d’Allreal, le portefeuille romand actuel représente un demi-milliard d’actifs immobiliers et un potentiel de 700 millions supplémentaires. Rappelons qu’outre la société immobilière Immologic, l’entreprise générale Roof fait aussi partie des créations d’Olivier Plan acquises par le groupe alémanique. Rencontre avec la nouvelle CEO romande d’Allreal, tout juste installée dans ses lumineux bureaux, à deux pas de l’aéroport.

– Un nouveau défi, de taille, après une carrière où vous en avez relevé pas mal d’autres: n’êtes-vous jamais tentée par le «lâcher-prise»?
– Je suis passionnée par mon métier et je n’ai pas hésité lorsque Olivier Plan et le groupe Allreal m’ont contactée. Mon expérience m’a amenée à développer une approche holistique de mon métier; je suis convaincue aujourd’hui qu’un projet doit s’inscrire dans un environnement durable, qui n’oublie pas que l’on construit pour des êtres humains qui doivent pouvoir vivre et évoluer dans des espaces de qualité au-delà des mètres linéaires de constructions utilitaires. En tant qu’architectes, experts et planificateurs, on se contente trop souvent d’une routine confortable en oubliant peut-être que le plus important est de créer des espaces de vie que les habitants puissent s’approprier. C’est aussi en cela que les valeurs d’Olivier Plan et du Groupe Allreal rejoignent les miennes.

– Certes, mais les normes, notamment environnementales, imposent parfois des choix qui pèsent sur l’esthétique du bâti…
– Soyons clairs: avec le dérèglement climatique, le problème principal n’est plus de lutter contre la déperdition de chaleur, aujourd’hui largement maitrisée. Tout en respectant les normes, il faut sortir de la production d’immeubles «cocottes-minute», avec des espaces extérieurs minéraux, pour retrouver une construction plus humaine, plus élégante, plus durable. L’objectif de l’urbanisme est d’offrir une qualité de vie privée et professionnelle qui puisse rendre les habitants heureux. Je suis très attachée à la notion de lien humain. L’écoute, la confiance, le partage sont les gages de la réussite d’un projet.

– A Genève, mais aussi ailleurs en Suisse romande, la tradition des oppositions et des recours se porte bien. Comment y remédier?
– On y remédie avec une approche holistique qui réunit tous les acteurs autour d’un projet. Pour moi c’est une question de gouvernance équitable que de savoir écouter et comprendre les oppositions et trouver des solutions ensemble, ce qui permet aussi de gagner un temps considérable. Pour le Quartier de l’Etang, projet gigantesque avec un budget de plus d’un milliard de francs et des dizaines de milliers de mètres carrés de surfaces à vendre ou à louer, mon bureau de direction de projet était au cœur du chantier, permettant ainsi un accès facilité à toute personne qui souhaitait des informations. Le résultat est qu’il n’y a pas eu d’opposition! Construire, c’est écraser un passé pour bâtir un avenir. Ce n’est pas seulement un actif financier ou un produit patrimonial; votre action aura un impact sur les existences des habitants, des utilisateurs, des voisins, des passants; cela induira des comportements, sur plusieurs générations! La Suisse romande ne peut se contenter de fabriquer des mètres cubes. Il faut tendre à la densification vertueuse, qui donne de la qualité de vie et évite le gaspillage du sol, denrée limitée et précieuse.

La beauté, l’art, l’émotion doivent être pris en compte dans les projets, qui seront durables, avec des espaces verts et naturels.

– Vous considérez avoir davantage qu’une profession, quasiment une mission?
– Absolument. C’est ce qui me motive. Nous vivons dans une ville dont on connaît le nom jusque dans le plus petit village chinois! La Genève internationale est un gage mondial de paix et d’harmonie. Ainsi, il est important de casser la coquille du conformisme fonctionnel, en faisant appel à de grands architectes lors des concours (tel Dominique Perrault pour l’Etang), de refuser la médiocrité lorsqu’on aborde les enjeux de la transformation territoriale. Nous avons une mission, mais aussi des moyens. La beauté, l’art, l’émotion doivent être pris en compte dans les projets, qui seront durables, avec des espaces verts et naturels, ancrés dans la culture locale et en même temps de qualité internationale. Le territoire n’est pas une série de courbes de niveau, c’est un cadre de vie pour les êtres humains, la faune et la flore. On ne peut ériger un bâtiment dans un tissu urbain ou sur une parcelle naturelle sans tenir compte de l’émotion, de l’histoire, des sentiments. Dans le mot «architecture», il y a le mot «art».

 

Propos recueillis par Thierry Oppikofer

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