La propriété: un projet pour la plupart des Suisses.

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Analyse de Wüest Partner pour le JIM

L’engouement romand pour la pierre ne faiblit pas

16 Fév 2022 | Articles de Une

Le marché immobilier suisse et romand continue d’être sous tension et se montre attractif dans bien des régions. En atteste l’évolution de la demande et des prix, qui a été très significativement positive ces douze derniers mois pour les objets résidentiels en propriété, tant sur le segment de la propriété par étage (PPE) que de la villa, avec une moyenne respective de l’ordre de 6,7% et 8,1% (état: 4e trimestre 2021). L’Arc lémanique fait tout aussi bien, avec des hausses moyennes de 5,2% pour la PPE et de 8,5% pour la villa en une année.

Malgré des limitations en termes de financement (fonds propres minimaux, capacité à tenir la charge hypothécaire), les prix ont continué à nettement augmenter dans les principales régions de Suisse romande. Les taux d’intérêt très avantageux, à des niveaux planchers, incitent les futurs acquéreurs à franchir le pas et passer du statut de locataire à celui de propriétaire.
L’offre qui peine à suivre la demande et la rareté des terrains constructibles en zone résidentielle (principalement en zone villas) peuvent expliquer également, en partie, cette croissance soutenue. Depuis la votation sur la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), le stock de terrains à bâtir a eu tendance à diminuer, rendant rares les réserves foncières constructibles. Une forte concurrence entre promoteurs et développeurs impacte le prix du foncier et les prix de vente des PPE ou des villas. Il faut toutefois relativiser cette hausse générale en comparaison européenne et internationale, avec des croissances observées qui ont pu atteindre plus de 10%, voire même 30% dans certains pays dont l’inflation est bien supérieure à celle de la Suisse.

La décorrélation avec l’évolution du pouvoir d’achat est à son plus haut niveau depuis l’année passée, ce qui pourrait laisser penser à une stabilisation des prix à moyen terme (si tous les autres paramètres restent constants). Une remontée des taux est également à prévoir, étant donné l’inflation encore importante qui devrait toucher les plus grandes économies mondiales. Ces perspectives restent toutefois insuffisantes pour pouvoir réellement inverser la tendance. Compte tenu du stock limité de nouvelles constructions, les prix devraient donc continuer à augmenter, bien que dans une proportion plus mesurée que l’année dernière.

Évolution des prix dans les cantons romands
Remarque: Les évolutions correspondent aux taux de croissance pour les périodes de 2011 à 2021, de 2018 à 2021 et de 2020 à 2021.

Genève: toujours soutenu

La demande est toujours aussi soutenue dans le canton de Genève, aussi bien pour les objets en zone de développement (prix contrôlés) que pour ceux du marché libre. Paradoxalement, avec des hausses de respectivement 7,4% et 7,2% pour le segment PPE et les villas, c’est à Genève que l’évolution des prix de transaction a été la moins importante par rapport aux autres cantons romands. Ces données sont à relativiser, en prenant en compte que c’est également dans le canton de Genève que les prix absolus sont les plus élevés de toute la Suisse romande.
S’il y a encore quelques années, des biens en propriété pouvaient être échangés à des prix inférieurs ou proche du million, la carte actuelle montre que ce niveau ne devient possible qu’en toute extrémité ouest du canton, proche de la frontière (Avully, Avusy, Chancy et Dardagny entre autres). À l’image du réchauffement climatique de nos grandes villes, la carte vire même au rouge dans la majorité des régions. Il faut donc compter en moyenne plus de CHF  1  800  000.- pour un appartement de 110 m2, en bon état, avec une surface extérieure d’environ 30 m2.
Ces montants illustrent la relative difficulté à devenir propriétaire à Genève et l’engouement toujours aussi important pour des objets situés en zone de développement, où les prix moyens se situent aux alentours de CHF 6500.- à CHF 8500.-/m2 pondérés, soit pour le même objet un prix moyen d’environ CHF 940 000.- (près de 50% inférieur).
La «Lex Longchamp» du primo-accédant a permis d’ouvrir à un nombre plus grand l’accès aux PPE en zone de développement, ce qui aurait pu avoir un effet négatif de légère correction sur les PPE en zone libre. Cela n’a pas été observé, probablement pour les deux raisons principales suivantes:
• La localisation des objets du marché libre est bien souvent très bonne, dans des quartiers recherchés du centre ou proches du centre-ville;
• Le nombre de PPE en zone de développement est très largement inférieur à la demande actuelle et ne permet donc pas de satisfaire toute la demande.
A noter enfin que le marché de la location est extrêmement porteur, tant du point de vue du ratio de locataire/propriétaire que de l’attractivité de ces actifs pour les grands acteurs, notamment les institutionnels. En combinaison de taux très faibles, la valorisation par m2 de ces constructions est peu ou prou similaire au prix par m2 PPE, avec un risque in fine inférieur, puisqu’il suffit de trouver un acquéreur pour tout le bien. Cet aspect a eu tendance à privilégier les constructions d’immeubles locatifs au détriment des logements en PPE et à réduire l’offre davantage.

Villas très convoitées

Du côté des villas, même constat, avec une évolution positive de près de 7,2% en une année. La croissance a même été de plus de 20% depuis la reprise en 2018.
A l’image du segment PPE, la pénurie de l’offre provoque cette hausse continue des prix. En effet, les terrains en zone 5 (villas) sont de plus en plus rares et s’effacent au profit des densifications (zone de développement) dans les couronnes périurbaines et périphériques.
Quand toutefois des terrains sont toujours classés en zone 5, il est courant d’observer une densification prévue en dérogation de la loi sur les constructions et les installations diverses (LCI), offrant un indice de densité plus intéressant au promoteur qui va construire un habitat groupé (petit immeuble PPE), plutôt que des villas individuelles ou mitoyennes.
L’évolution des prix reste à interpréter avec prudence. Il s’agit d’une villa type et non d’une villa de luxe ou d’amateur. Pour cette catégorie d’objets, les prix étaient déjà à un niveau très élevé. De plus, il est plus difficile de trouver une standardisation pour ces villas et les prix varient fortement en conséquence.
On peut dire que leur niveau a toujours été et reste à un niveau élevé, mais que l’évolution a probablement été moins importante. En revanche, la liquidité sur le marché a été meilleure, avec des délais de commercialisation raccourcis.

Atlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Genève.
Atlas des prix des appartements en PPE [CHF] – Canton de Vaud.

Vaud: le lac, les villes, la campagne

De par la taille de son territoire, le canton de Vaud connaît plusieurs marchés dans son marché immobilier. La cartographie des prix moyens du canton illustre bien ce phénomène. Les régions proches des grands centres urbains (Nyon, Lausanne, Yverdon, Montreux) et en bordure de lac connaissent les prix moyens les plus élevés, alors que les régions en périphérie sont encore «accessibles» pour un nombre plus important de ménages.
Un peu à l’image de Genève, toutes proportions gardées, les logements PPE situés dans des zones centrales ou très bien desservies s’échangent à des niveaux supérieurs à CHF 900 000.- en moyenne.
Alors que les prix des biens localisés dans les zones du Nord vaudois, du Gros-de-Vaud, de la Broye et du Chablais se situent à des niveaux inférieurs à CHF 900 000.-. Il reste toutefois de plus en plus difficile de trouver un objet à un niveau inférieur à CHF 600 000.- (pour rappel, il s’agit d’une PPE en résidence principale de 110 m2, en bon état, avec balcon de 30 m2).
Les évolutions de prix illustrent ce phénomène, avec une croissance de 25% en dix ans et de 10% en un an pour le segment de la PPE. Pour les villas, la hausse est de 31% en dix ans et également de 10% en une année.
Il faut s’attendre à ce que ce phénomène perdure du moins pour les petites et moyennes communes, dont la révision de la LAT a provoqué le gel des zones à bâtir (essentiellement sous forme de zone réservée) et une incertitude sur la capacité à continuer un développement qui ne serait pas en adéquation avec la croissance passée (démographique et de la construction).
La rareté des terrains constructibles devrait donc contribuer à limiter l’offre.
Le marché locatif s’est également bien porté l’année dernière. Le segment résidentiel a encore vu ses loyers légèrement progresser, en moyenne de 1%. Les différences sont toutefois aussi importantes que celles de la carte des prix de la propriété, avec un marché très tendu dans les grande villes, principalement Lausanne, et des marchés qui comprennent des taux de vacance plus élevés comme le Nord vaudois, la Broye ou le Chablais vaudois.
Le nombre important de projets, notamment dans l’Ouest lausannois, devrait permettre d’alimenter l’offre en proche périphérie de Lausanne et de détendre le marché en conséquence.

Thème spécial: les effets de la LAT

Les observations qui avaient pu être réalisées il y a quelque temps concernant le marché de la résidence secondaire post Lex Weber laissaient apparaître une hausse significative du taux de l’offre, suite à la dépose des derniers permis de construire pour des résidences secondaires, ce qui avait provoqué temporairement une baisse des prix (car la demande était restée relativement constante). Ces prix ont, depuis lors, tendance à augmenter, étant donné qu’il n’est plus possible de construire des résidences secondaires dans les communes avec un ratio supérieur à 20%. Cette constatation n’a pas été totalement répliquée en ce qui concerne le marché de la villa, suite à la révision de la LAT et malgré la limitation des terrains constructibles en zone non centrale (limitation du mitage, redensification des centres, etc.).
En effet dans le canton de Vaud, il n’y a pas eu de hausse significative de demandes de permis, mais plutôt une tendance à la stabilisation suite à la votation de mars 2013. Le nombre de permis a même progressivement baissé de plus de 60%, en comparaison du pic de demande de 2013. Cette situation est en partie due à l’incertitude du développement territorial des communes qui ont gelé (zone réservée) une grande partie des terrains. En parallèle, le taux de l’offre n’a que très faiblement augmenté entre 2018 et 2019; il se trouve tout proche de 4% actuellement.

En revanche, à Genève, le taux de l’offre a connu une hausse légère, des suites des nombreux permis déposés entre 2015 et 2016. Toutefois la courbe s’est assez vite résorbée, pour se situer à un niveau plancher inférieur à 4%. Le canton est encore plus soumis aux fluctuations de la demande, avec une forte représentation de résidents étrangers, d’expatriés et d’employés d’organisations internationales et de multinationales. Cela s’observe au niveau des demandes de permis de construire, en dents de scie depuis 2011.
La combinaison du manque d’offre et d’une demande toujours soutenue malgré les incertitudes liées aux taux d’intérêt laisse entrevoir une situation toujours tendue, avec des prix qui devraient rester élevés à court et moyen terme.

Wüest Partner
Vincent Clapasson
©Wüest Partner/Journal de l’Immobilier

Thème spécial: liquidité et construction pour la villa (cantons de Vaud et de Genève) Taux de l’offre immobilière* (échelle de droite)
Demandes de permis (échelle de gauche: indice, base 100: 1er trim. 2011)
*nombre de logements proposés à la vente par rapport au stock de logements existants.

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