Eric Cornuz.

/

Eric Cornuz, maire de Meyrin

Une ville saine pour une vie en bonne santé

1 Déc 2021 | Articles de Une

– Quel regard portez-vous sur l’aménagement du territoire de votre Commune?
– Après trois ans de consultation publique, le Conseil municipal de Meyrin a adopté en décembre dernier la révision du Plan directeur communal (PDCom). Ce document fixe les contours de l’évolution de notre ville pour les dix prochaines années, notamment au niveau de son habitat, de sa densification et de sa mobilité; il se penche également sur des préoccupations très actuelles, comme les conditions climatiques et environnementales. La problématique des îlots de chaleur est à empoigner urgemment: Meyrin compte quelque 26 000 habitants, parmi lesquels 4500 personnes en âge d’AVS…cette population est la première concernée. Le thème de la santé des habitants et des usagers sous-tend tous les volets du PDCom. A Meyrin, nous subissons une forte pression de la part des instances cantonales pour créer des logements dans la zone villas et dans la Cité (surélévations des immeubles). Cette densification doit toutefois être couplée avec de la qualité, qu’il s’agisse d’efficience énergétique (réseaux de chaleur à distance, photovoltaïque en toiture, etc.) ou d’aménagements extérieurs à la fois agréables pour la population et favorables à la biodiversité (nous œuvrons à l’obtention du label «Bourgeon» de Bio Suisse).

– Comment envisagez-vous l’avenir de la zone villas à Meyrin? Quelle stratégie comptez-vous adopter suite à la votation cantonale du 9 février 2020 sur le référendum contre les modifications de zone de Cointrin Est et Cointrin Ouest?
– Ce refus populaire peut s’expliquer par une certaine grogne de la population face à une politique de densification; cependant, les zones concernées par la votation sont de petites «poches» de résistance comprises dans des secteurs identifiés depuis longtemps comme des zones à bâtir. Je regrette cette décision car nous avions la capacité d’accompagner positivement et globalement l’évolution du quartier en agissant sur les espaces de verdure, la mobilité, les équipements publics, etc. Nous allons désormais reprendre le dialogue avec les habitants et les riverains, afin d’établir ensemble un plan de transformation, tout en tenant compte des exigences du Canton.

– Le projet «Cœur de Cité» concerne une nouvelle Mairie, des espaces publics repensés et un parking souterrain. Quel visage aura le centre de Meyrin?
– Cette centralité a été pensée dans les années soixante, avec la création de la première Cité satellite de Suisse. Une vision – propre à Le Corbusier – qui ne correspond plus du tout au XXIe siècle: si de vastes espaces étaient prévus entre les immeubles, ils étaient principalement dévolus aux véhicules motorisés. A l’époque, les questions de mobilité douce et de transports publics étaient négligées. La Commune compte aujourd’hui deux gares, des lignes de tramway et de bus, ainsi que des emplacements pour les deux-roues motorisés et des abris pour vélos (sans compter ceux dédiés aux vélos-cargos, qui sont à développer). Il s’agit désormais d’enterrer les véhicules pour redonner des espaces de délassement et de rencontre à la population: c’est ce que prévoit «Cœur de Cité» avec la construction d’un vaste parking souterrain. Sur cette place se construira également la nouvelle Mairie (livraison en 2026): l’administration communale a besoin de locaux plus modernes et plus vastes, mieux adaptés à ses activités (accueil du public, environnement de travail, etc.).

Meyrin veille à la santé de ses 26 000 habitants.

– Vous soutenez les démarches privées visant à donner un coup de jeune aux bâtiments et à l’environnement de la Cité satellite. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit?
– Contrairement aux idées reçues, on peut être fier d’habiter la Cité, pour autant qu’elle soit bien entretenue et dotée d’espaces collectifs de qualité. Nous collaborons avec les propriétaires privés afin que des améliorations soient faites sur leurs bâtiments, en termes esthétiques, énergétiques ou d’usage. Ces transformations sont positives pour tous et apportent, au final, une plus-value financière aux propriétaires. La question des espaces extérieurs est essentielle: c’est le cas du quartier des Champs-Fréchets, qui nécessiterait un réaménagement en profondeur, puisqu’il est encore trop minéral et largement enclin aux îlots de chaleur. Des aires de jeux adaptées, des zones de verdure, une perméabilisation des sols sont parmi les interventions nécessaires. Bien que ces dernières ne soient pas de notre ressort, mais de celui des privés, nous pouvons les encourager en devenant un partenaire privilégié.

– Qu’en est-il de la centralité historique, à savoir Meyrin-Village?
– Il est clair que nous serons occupés ces prochaines années par l’immense chantier «Cœur de Cité». Mais nous comptons aussi préserver le patrimoine de la Commune, avec son village et les alentours, qui intègrent d’importants poumons de verdure. La Cité et le village doivent pouvoir cohabiter, malgré la forte coupure urbanistique créée par la route de Meyrin. L’autre coupure est celle qui sépare le secteur de l’aéroport de Cointrin et le reste de la Ville. Nous travaillons à des aménagements qui rapprochent plutôt qu’ils ne séparent. De leur côté, les associations locales favorisent les relations par le biais d’activités proposées à tous, quels que soient les quartiers.

– La mobilité douce contribue également à relier les différents secteurs de la Commune. Que faites-vous en ce sens?
– En parallèle du PDCom, nous avons établi un plan directeur communal piéton (PDCP); il prévoit de renforcer les percées vertes (couloirs biologiques) du territoire et de les coupler avec des cheminements piétonniers. Entre la Cité de Meyrin et la zone industrielle, les usagers devraient être en mesure de traverser, et non de contourner, la zone villas, bien entendu toujours dans le respect de la propriété privée. En dédiant des voies de circulation aux cyclistes et aux piétons, chacun pourrait bénéficier de la qualité végétale présente dans ce secteur; en parallèle, de petites placettes de délassement seront aménagées. A noter que l’on compte, parmi les Meyrinois, de nombreux marcheurs qui profiteront de ces nouvelles balades. Nous l’avons observé dans l’écoquartier des Vergers: les parcours piétonniers, tout comme les «chemins du désir» (espaces verts où l’on peut passer), sont très appréciés.

– Meyrin se distingue par une politique culturelle forte. Quelles en sont les perspectives?
– Nous avons malheureusement perdu une votation qui nous aurait permis de remettre en état notre bateau amiral de la culture: le Forum Meyrin. Sa conception remonte à 1985… il n’est donc plus en phase avec les activités du lieu (bibliothèque, salle de spectacles, etc.). Son isolation thermique est également à revoir. Plutôt que d’envisager l’édifice dans son ensemble, nous allons maintenant devoir répondre, au coup par coup, aux problèmes qui se présenteront. A noter qu’outre cette infrastructure, nous avons la chance de disposer de multiples œuvres d’art, dispersées dans l’espace public.

– L’économie verte est un autre volet prioritaire de l’actuelle législature. Comment procédez-vous?
– Il faut réaliser que la Ville compte quasiment plus d’emplois que d’habitants! Outre l’aéroport, c’est surtout la zone industrielle (Zimeysa) qui les regroupe. Selon une vision d’écoparc, des efforts de mutualisation des équipements et des ressources (parkings, systèmes de chauffage, etc.) restent à faire. En ce sens, une à deux fois par année (prochaine édition le 8 décembre), le Meyrin Economic Forum rassemble les acteurs économiques de la Commune; cet événement renforce le réseautage et les échanges d’expérience, tout en incitant à une économie plus respectueuse de notre environnement.

– Deux mots en conclusion sur l’aéroport. Poursuivre le développement de cette infrastructure n’est-il pas en contradiction avec la volonté de limiter les émissions de gaz à effet de serre?
– Dans notre monde globalisé, nous ne pouvons pas nier la nécessité de bénéficier d’équipements aéroportuaires. Le jour où nous disposerons d’aéronefs moins polluants et moins bruyants – ce qui est réalisable à terme – la quantité de vols ne sera plus problématique. L’aéroport ne doit pas être supprimé; c’est aux technologies de faire un bond en avant. Plusieurs Communes riveraines de l’aéroport se sont regroupées pour tendre vers une limitation des nuisances. Dans le cas où l’on optait pour une baisse du trafic aérien, il faudra toutefois veiller au réemploi des personnes qui se retrouveraient soudainement au chômage… la résolution d’un problème ne doit pas en créer un autre!

 

Propos recueillis
par Véronique Stein

La Fête des maires, c’est toute l’année!

 

Si le nouveau quartier des Vergers à Meyrin constitue une sorte de «laboratoire», la Commune est, à son échelle, un territoire lui aussi innovant, que ce soit en termes social, urbanistique ou environnemental. Le maire de Meyrin Eric Cornuz, ainsi que les deux autres membres du pouvoir exécutif (Nathalie Leuenberger et Laurent Tremblet), entendent concrétiser les solutions définies dans le programme de législature 2020-2025 grâce à un dialogue constructif. Ils défendent des valeurs fortes, parmi lesquelles la santé et le bien-être, préoccupations centrales que la pandémie n’a fait que renforcer. Pour Eric Cornuz, les questions d’urbanisme se doivent d’intégrer les aspects sociaux, notamment en lien avec les personnes âgées. C’était donc en toute logique que ce travailleur social de formation, expérimenté dans l’accompagnement des seniors, s’est vu confier un dicastère qui comprend à la fois l’Urbanisme, la Sécurité et les Services aux aînés.