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Ouvrage de référence

Accompagner les investisseurs immobiliers

17 Nov 2021 | Finance immobilière

Les marchés immobiliers se caractérisent par des cycles marqués. Les périodes de turbulence ont fait ressortir la nécessité de disposer d’outils adaptés en matière de décision et de gestion du risque. Cette prise de conscience est d’autant plus légitime que les actifs immobiliers représentent une part importante de la richesse mondiale. Dans la 4e édition de son ouvrage consacré à l’investissement immobilier, le professeur Martin Hoesli (Universités de Genève et d’Aberdeen) fournit des clefs d’analyse fondées sur des années de recherche académique et appliquée.

– Dans votre ouvrage, vous retracez les grandes périodes qui ont caractérisé le domaine de l’immobilier, avec ses phases d’euphorie, de vulnérabilité et de crises. Quel bilan des marchés et des biens immobiliers dressez-vous pour les deux années écoulées, marquées par la Covid-19?
– Une conclusion importante est que les valeurs immobilières ont bien résisté à la crise de la Covid-19. Ceci est bien entendu vrai du marché des logements, mais aussi de nombreux secteurs de l’immobilier commercial, en particulier des entrepôts et de la logistique et, dans une moindre mesure, des bureaux. Les deux secteurs qui ont généralement été les plus touchés sont les commerces et l’hôtellerie. Même si le secteur des commerces a bien tenu le coup durant cette période dans certains pays, notamment en Suisse, la Covid-19 a été un accélérateur de tendance vers l’e-commerce. Pour l’hôtellerie, même s’il est réaliste d’estimer que les voyages de loisirs devraient revenir à leur niveau d’avant 2020, les voyages d’affaires restent, quant à eux, entachés de nombreuses incertitudes. En effet, la période de la Covid-19 a montré l’efficacité de certaines réunions en ligne.
La Covid-19 semble aussi avoir modifié les préférences des ménages concernant leur logement. Des signes montrent en effet que certains ménages recherchent des surfaces plus grandes (éventuellement dotées d’un jardin), en acceptant des localisations moins centrales. Ces changements de comportement dépendront bien entendu de l’avenir du télétravail et il n’est pas sûr que ces modifications de préférences subsistent sur le long terme.
La bonne performance des placements immobiliers pendant la période de la Covid-19 est à mettre en relation avec les très faibles niveaux des taux d’intérêt. Même en période d’incertitudes, le coût du capital reste faible et les opportunités de placements alternatifs rémunérateurs très limitées. Ceci conduit depuis quelques années à des valorisations élevées dans le secteur de l’immobilier. Dans ce contexte, il est plus que jamais important de disposer d’outils de gestion du risque performants, notamment en matière d’évaluation immobilière.

Une estimation soignée de la valeur d’un bien immobilier est fondamentale. Elle guidera les acteurs dans leurs décisions d’achat, de vente et de rénovation d’objets.
Le professeur Martin Hoesli fournit
des clefs d’analyse fondées sur des années
de recherche académique et appliquée.

– Justement, quels sont les outils d’évaluation à disposition d’une entité (banque, institution, régie, société de conseils, etc.) ou d’un particulier concerné par des placements immobiliers? Comment aident-ils à la prise de décision et à la gestion du risque?
– De nombreuses méthodes d’évaluation existent. Elles sont soit reliées à la capacité du bien à générer des revenus (méthodes par capitalisation ou par l’actualisation des cash-flows futurs), soit se fondent sur un principe de comparaison (méthode par comparaison ou approche hédoniste), soit enfin sont reliées au coût qu’il faudrait supporter pour remplacer le bien (méthode de la valeur intrinsèque). Le choix de l’approche devrait être guidé par le type de bien dont on cherche à estimer la valeur. Ainsi, les approches fondées sur les revenus sont surtout utilisées pour les biens d’investissement et les approches par comparaison pour les logements. La méthode hédoniste est largement répandue en matière d’évaluation des biens résidentiels; de plus en plus d’applications et de plates-formes informatiques existent, qui permettent de se faire une idée de la valeur de son bien immobilier. Notons toutefois que cette méthode n’est utile que pour estimer la valeur de biens relativement standards.
Une estimation soignée de la valeur d’un bien immobilier est fondamentale. Elle guidera en effet les acteurs dans leurs décisions d’achat, de vente et de rénovation d’objets. Il est aussi primordial d’estimer de manière régulière la valeur d’actifs immobiliers pour vérifier leur conformité, eu égard à la valeur des emprunts ayant servi à financer ces biens. Les investisseurs institutionnels doivent aussi vérifier, de manière régulière, la relation qui existe entre la valeur de leurs actifs et leurs engagements futurs (rentes à verser ou prestations futures). Ces acteurs doivent en outre pouvoir mesurer la performance de leur portefeuille immobilier et comprendre les causes des écarts de performance par rapport à la rentabilité obtenue par les autres acteurs sur le marché.

– De manière plus générale, pourquoi estimez-vous qu’il est important d’investir dans l’immobilier afin de diversifier son patrimoine (portefeuille)?
– Les rentabilités de l’immobilier sont faiblement corrélées aux rentabilités des actifs financiers et ceci justifie pleinement un investissement dans l’immobilier. Nos études, portant sur divers pays et diverses périodes, le montrent clairement. Elles couvrent notamment les périodes de fortes turbulences de la crise financière et immobilière de 2007-2009 et la période de la Covid-19. Pour de nombreux investisseurs, une allocation à l’immobilier de l’ordre de 20% se justifie pleinement. Un investissement dans l’immobilier est d’autant plus utile que cet actif protège aussi contre l’inflation, comme il ressort de nombreux travaux. Il est bien entendu primordial de choisir soigneusement son bien, notamment en termes de qualité de la construction, d’état d’entretien et de localisation, et de raisonner sur le long terme (au minimum 10 ans). Pour l’immobilier commercial, il est de plus important de bien choisir le secteur que l’on entend privilégier. En effet, avec l’arrivée des secteurs émergents et des grandes tendances (comme l’e-commerce, le développement du télétravail et le vieillissement de la population), le choix du secteur devient crucial pour les investisseurs et peut constituer une source importante de performance à l’avenir. En somme, l’immobilier ne se résume plus à choisir uniquement les bons actifs, mais aussi à avoir une allocation sectorielle appropriée.

 

Propos recueillis par
Véronique Stein

La 4e édition de l’ouvrage de Martin Hoesli et parue chez Economica.