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Ceux qui construisent la Suisse

La maison spirituelle de Thomas Büchi

6 Oct 2021 | Articles de Une

Il a quitté Genève il y a une année pour s’installer dans le village de Nax, en Valais, au-dessus de Sion. A 62 ans, le célèbre maître charpentier Thomas Büchi a construit sa maison en suivant ses intuitions spirituelles. Une maison qui vibre et qui respire, tout en bois évidemment, entourée d’un grand jardin et bénéficiant d’une vue panoramique sur les montagnes.

On a l’impression que son visage a un peu changé, qu’il est moins stressé et plus décontracté. Une nouvelle coiffure, avec deux longues mèches blanches qui flottent joyeusement de part et d’autre, de petites lunettes, le sourire facile et naturel… Thomas Büchi, 62 ans, le président de Charpente Conseil SA, semble rajeuni en nous accueillant dans sa maison à Nax, une maison tout en bois comme il aime les faire, parfaitement intégrée dans le paysage.
Sa maison s’appelle le Refuge de l’Unité, comme le dit une petite plaque sur la porte d’entrée. Construite en mélèze, elle s’étend sur 280 m2, répartis sur deux étages et sous-sol. Le silence, l’air pur, le ciel immense et les montagnes, une impression de calme et de sérénité. Tout autour, un grand jardin avec des espaces très différents: des fleurs sauvages, des arbres, des arbustes, un énorme menhir, deux petites fontaines… Et puis un autre bâtiment, tout au fond, plus petit, en bois également, avec cette autre plaque: Refuge de la Création. C’est son atelier, très lumineux, avec tous les outils, impeccablement rangés, qui lui rappellent son apprentissage et ses premiers pas, tout en nourrissant son imagination. «Dès que j’entre dans mon atelier, dit-il, ma tête se met à fourmiller. J’y retrouve la quintessence de toutes mes connaissances et c’est là que j’imagine beaucoup de projets».
Cette maison, c’est le nouveau lieu de vie de Thomas Büchi, l’homme qui a la passion du bois, l’honme qui a imaginé et créé ces trente dernières années, entre autres œuvres majeures, la Halle 7 de Palexpo qui surplombe l’autoroute devant l’aéroport de Cointrin, le fameux Palais de l’équilibre, présenté à l’Expo 02 à Neuchâtel avant d’être offert au CERN, le Refuge du goûter, dans le massif du Mont-Blanc, une réalisation totalement écologique et aux limites de l’extrême, à 3835 mètres d’altitude. Ces deux derniers ouvrages ont été réalisés avec l’architecte Hervé Dessimoz, son ami et associé dans ces projets emblématiques.

Une nouvelle vie à Nax

Thomas Büchi a déménagé et, en déménageant, il a changé de vie. Il a vendu sa maison dans le village de Chancy, dans la campagne genevoise, où il habitait depuis trente ans, et il s’est installé à Nax, au-dessus de Sion. En général, il passe deux ou trois jours à Genève, en début de semaine, puis il remet le cap sur Nax. «J’ai eu le coup de foudre pour cette vallée en 2004, quand je faisais de l’alpinisme, explique-t-il, puis j’ai acheté un terrain à Nax deux ans plus tard. Quand la loi Weber est passée, je n’avais plus vraiment le choix: j’allais perdre mes droits à bâtir si je ne les utilisais pas. Le hasard, comme l’on dit, c’est quand Dieu voyage incognito!». Il a commencé les travaux en 2012, terminé la maison huit mois plus tard, et s’y est définitivement installé le 1er septembre 2020.
«J’ai rassemblé toute mon expérience et mes envies en concevant ma maison, dit Thomas Büchi. J’ai voulu qu’elle soit belle et agréable à vivre, mais aussi qu’elle crée du sens, de l’harmonie. Une maison dégage des énergies particulières, elle doit être une source d’éveil et favoriser une transformation intérieure. Il faut que la vie puisse circuler et donner de la force. L’homme a oublié qu’il fait partie du cosmos, il a oublié sa relation avec le vivant».

Une expérience venue du fond
des âges

Autant dire que cette maison est beaucoup plus qu’une maison: c’est une nouvelle expérience spirituelle, une nouvelle étape dans sa quête existentielle. En devenant maître charpentier et ébéniste, Thomas Büchi a commencé par la réalité la plus concrète qui soit, puis en travaillant cette matière vivante qu’est le bois, il est devenu de plus en plus spirituel, de plus en plus ouvert sur le mystère du monde. On parle avec lui des secrets des Anciens, des pyramides d’Egypte, des temples du Machu Pichu, des bâtisseurs de cathédrales… Il nous parle des flux d’énergie, de la terre et du ciel, de l’invisible… Il relit Leonard de Vinci, Platon, Le Corbusier, écoute et réécoute Mozart, Beethoven, évoque les alchimistes… Il est retourné, cet été, sur le chemin de Compostelle pour ce pèlerinage qu’il fait par étapes.

Le poète de la géométrie

Pour garantir la beauté et l’harmonie d’une construction, Thomas Büchi travaille avec deux références suprêmes: d’une part le nombre d’or, 1,61803398875, ce nombre parfait connu et pratiqué par toutes les civilisations; et d’autre part, la coudée royale égyptienne, une donnée de mesure utilisée pour la construction des pyramides. Il parle de théorèmes, de chiffres sacrés, de pentagones, d’hexagones, toute une géométrie dans laquelle il baigne et qui est devenue, pour lui, une forme de poésie.
Président de sa société Charpente Concept, il construit de plus en plus, non seulement à Genève et en France voisine où il a un bureau depuis des années, mais aussi dans toute la Suisse. Hyperactif, il médite aussi de plus en plus, se pose de plus en plus de questions… «Qui s’arrête se trompe», disait l’écrivain Louis Pauwels. Thomas Büchi ne s’arrête jamais.

 

Robert Habel

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