Patrice Bezos.

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Ceux qui construisent la Suisse

Patrice Bezos: «L’architecture doit avoir du sens»

29 Sep 2021 | Articles de Une

Il est toujours aussi actif, avec de nombreux projets en cours et des envies plein la tête, même s’il a officiellement décidé de prendre sa retraite dans deux ans, à 70 ans. Pour Patrice Bezos, patron du prestigieux bureau Favre & Guth, l’architecture doit être à la fois imaginative et contextualisée, audacieuse mais ancrée dans l’histoire d’un lieu.

Il mène de front de très nombreux projets dont deux, d’une ampleur particulière, marqueront pour longtemps l’avenir et le visage du canton de Genève: d’une part, la construction à Bellevue d’un ensemble de 300 logements ainsi que du futur siège de la banque Lombard Odier, et, de l’autre, la construction des bâtiments du quartier de l’Etang, à deux pas de l’aéroport de Cointrin, qui deviendra, par sa densité, ses activités multiples et le nombre de ses habitants, une véritable ville. A 67 ans, Patrice Bezos a d’ores et déjà décidé de prendre sa retraite dans un peu plus de deux ans pour se consacrer davantage à ses autres passions – l’art contemporain, les voyages, Venise… – et il a organisé avec ses associés sa succession à la tête de Favre & Guth. Mais il n’entend pas d’ici là se complaire dans une espèce de préretraite et il est plus actif que jamais, toujours fidèle à sa conception contextualisée de l’acte de bâtir.

«Je n’aime pas l’architecture
show-off»

«L’architecture doit avoir du sens, dit-il, elle doit s’inscrire dans une histoire, dans un environnement. Je n’aime pas l’architecture show-off, qui crie et qui dénature un lieu. Par exemple cette espèce de tour de Frank Gehry en Arles, qui détruit tout le paysage et n’a rien à faire là. Ce machin n‘a rien à voir avec l’architecture de la ville, qui est un modèle d’équilibre et de culture. Frank Gehry a eu un moment fort quand il a construit le musée Guggenheim à Bilbao, mais son architecture est devenue démonstrative et répétitive. C’est de l’emballage!».
Patrice Bezos souhaite, pour Genève, un développement qui concilie imagination et liberté, mais aussi perception de l’histoire et de l’atmosphère du canton, de sa relation au contexte, au terroir. C’est ce qu’il est en train de réaliser à Bellevue, sur un immense terrain déclassé en zone de développement, juste à côté de l’hôtel de la Réserve, entre la route de Suisse et l’autoroute. Un lieu admirablement desservi par les CFF, dont l’arrêt des Tuileries est à deux pas. Un ensemble où cohabiteront, autour d’un parc magnifique, deux immeubles accueillant 300 logements créés par le groupe Allianz et un bâtiment qui abritera le futur siège de la banque Lombard Odier (2600 postes de travail). La fin des travaux est prévue d’ici deux ans.

«Ce sera une entité vivante», explique Patrice Bezos, qui a conçu un ensemble aux lignes contemporaines s’inscrivant dans un paysage exceptionnel, la vue sur le lac tout proche et les montagnes au loin. Une vue magique qui devrait faire beaucoup d’envieux! Et comme les prix des logements seront contrôlés par l’Etat, les candidats à un appartement de rêve s’annoncent nombreux, voire innombrables (le Comptoir Immobilier, qui pilote l’opération immobilière, a mis en ligne un formulaire d’inscription pour ces logements sur son site www-comptoir-immo.ch). Seul maître à bord pour l’édification des immeubles de logement, Patrice Bezos collabore pour le siège de Lombard Odier avec les Bâlois Herzog et de Meuron, lauréats du concours pour ce bâtiment.
Une collaboration qu’il apprécie, lui qui avait déjà eu la chance de travailler pour un immeuble au Petit-Lancy avec le légendaire architecte américain Philip Johnson, premier Prix Pritzker de l’histoire en 1979 et décédé quasiment centenaire en 2005. «Notre métier c’est la construction, confie-t-il, et il est très intéressant de travailler avec des partenaires. On partage beaucoup d’idées et d’expériences».

A Bellevue, un ensemble où cohabiteront, autour d’un parc magnifique, deux immeubles accueillant 300 logements créés par le groupe Allianz et un bâtiment qui abritera le futur siège de la banque Lombard Odier (2600 postes de travail).

Le nouveau quartier de l’Etang

De la dynamique, du souffle, un regard qui voit loin, un peu comme ce don de seconde vue dont parlait Balzac: c’est tout ce que Patrice Bezos partage aussi avec l’architecte français Dominique Perrault, avec qui il collabore pour la construction du quartier de l’Etang, à Vernier, à deux pas (deux kilomètres) de l’aéroport de Cointrin. Un gigantesque chantier, retardé comme tout le reste par la pandémie de Covid-19, mais qui devrait être achevé d’ici 2024. En tout, près de mille logements, deux hôtels, un centre commercial. Quelque cinq mille personnes habiteront, vivront, se côtoieront, se croiseront, bref donneront vie à ce nouveau quartier qui n’était jusqu’ici qu’une zone à l’abandon.
«Quand j’ai proposé à Dominique Perrault de travailler avec moi, se rappelle Patrice Bezos, je lui ai fait visiter cet immense terrain de onze hectares. C’était une friche industrielle coincée entre l’aéroport, les Avanchets, les citernes à mazout, le train, l’autoroute… A priori, ce n’était pas magnifique, mais il m’a tout de suite dit que c’était un endroit extraordinaire! Il a cette liberté de pensée, cette capacité de renverser la table et de voir ce que les autres ne voient pas». Voilà qui confirme ce que dit un de ses amis, notre rédacteur en chef Thierry Oppikofer: «C’est un trait de caractère de Patrice Bezos: si son esprit critique et son expérience lui permettent de décocher çà et là une petite flèche ironique qui fait mouche, ce grand créateur reste d’une modestie peu commune, chez les architectes comme chez les journalistes».

 

Robert Habel

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