Un hôtel particulier construit en 1789 et qui resta une maison familiale durant la moitié du XXe siècle.

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Musée de Carouge

Une réouverture et une plaquette

1 Déc 2021 | Culture, histoire, philosophie

Une petite histoire du charmant Musée de Carouge vient de paraître, sous la plume experte de Dominique Zumkeller, historien et ancien archiviste de la Cité sarde, alors que le Musée rouvre ses portes en cet automne, dans la Maison Oppikofer-Montanrouge, après des travaux de rénovation et d’agrandissement de son espace d’accueil. Ce petit livre, agrémenté d’illustrations de Herji, rappelle combien les musées régionaux sont riches de proximité avec leur public. Suivez le guide!

Grâce aux rénovations entreprises dès 2019, le bâtiment, qui abrite un lieu central de la Cité sarde, s’est agrandi d’un nouvel espace destiné à l’accueil du public, un édicule de verre, élégant et contemporain. C’est l’histoire de cette maison emblématique, la Maison Oppikofer-Montanrouge, que raconte Dominique Zumkeller, avant de narrer les grandes étapes de la constitution d’un Musée dans la Ville royale du bon Victor-Amédée (duc de Savoie et roi de Sardaigne). La «Petite histoire du Musée de Carouge» (Editions Slatkine) souligne que la création d’un musée s’inscrit toujours dans un projet identitaire soutenu. S’ajoutent à cette volonté des circonstances particulières que la vie apporte à une institution culturelle qui se trouve toujours à l’étroit et doit constamment se transformer pour accueillir le public. Dès le début du XXe siècle, les autorités carougeoises ont manifesté la volonté de rassembler des œuvres et de créer une collection. De nombreux artistes et écrivains ont vécu à Carouge, où l’artisanat d’art et la peinture ont toujours trouvé un terreau fertile. Quant à la littérature, il n’est que d’évoquer le poète René-Louis Piachaud (à qui la mode des temps vient de voler sa rue dans la Vieille Ville de Genève) ou Henri Tanner, peintre et écrivain.

Le choix d’une maison

Carouge exposera ses trésors artistiques et historiques, témoins d’un riche passé qui la mesure à sa riche et grande voisine, à la Maison Tavel en mai 1966, lors de l’exposition intitulée «Carouge, commune réunie». Mais il fallait trouver un lieu permettant d’exposer de façon permanente ces trésors. Après diverses études et projets, la Municipalité s’intéressa à la Maison Montanrouge, alors propriété de l’hoirie Oppikofer. Les héritiers décidèrent de vendre la maison à la Ville en 1977. Le Docteur Henri Oppikofer avait acheté avant-guerre en 1939 cette belle demeure ancienne, érigée entre 1788 et 1790 par l’horloger du roi Louis XVI, pour en faire son domicile familial – six enfants, un lieu d’accueil (notamment de quatre jeunes Français échappés d’un camp durant la Guerre) et sa pratique médicale durant trente-cinq années. Ni les permanences, ni Tarmed, ni SOS Médecins n’existaient alors et tous les Carougeois, ainsi que la nombreuse communauté italienne, furent soignés en ces murs.
Un crédit d’étude en vue de la transformation de la maison en musée fut voté en février 1979. En parallèle, des tractations eurent lieu avec les représentants du peintre Émile Chambon, qui souhaitait léguer sa collection à la Ville de Carouge. Après diverses péripéties, le peintre Chambon – d’ailleurs ami du Dr Oppikofer – accepta en mai 1983 de mettre sa collection à disposition: 59 tableaux intégrèrent les collections du Musée.

Un musée tout neuf pour la Ville royale.

Jean-Marie Marquis, premier et dynamique conservateur

En automne 1983, un mandat d’étude fut confié à Jean-Marie Marquis, qui sera le futur et dynamique conservateur du Musée de Carouge. Le Musée est ouvert en 1984. Ce dernier exposera la faïence de Carouge, le fonds Cottier, la donation Chambon, et le fonds dit Marescotti. Une première exposition présentera d’octobre 1984 à janvier 1985 la donation Chambon.
Une des seules communes genevoises à posséder une telle institution culturelle municipale, Carouge veille à ce que son Musée montre des expositions à succès, avec un souci pédagogique qui l’honore. Très vite à l’étroit, le Musée fit l’objet de plusieurs projets d’extension. Certains, dont un lié à l’architecte Mario Botta, seront refusés en votation populaire. Philippe Lüscher, nommé conservateur en 2009, s’engage dans les projets d’extension nécessaire pour permettre aux collections d’être complètement exposées et au public d’être bien accueilli. Dominique Zumkeller raconte dans son livre tous les efforts qu’il fallut accomplir pour bénéficier d’un budget d’acquisition, pour explorer toutes les pistes d’extension possible, pour augmenter les collections, mettre sur pied des expositions intéressant un large public.
La proximité d’un musée à vocation régionale est une chance, mais aussi un défi, car tous s’intéressent à l’avenir et au développement d’une telle institution. Après le passage éclair de la conservatrice Nathalie Chaix, nommée en juin 2012, l’équipe actuelle du Musée se voit confier les clefs, sous la direction d’Alya Stürenburg Rossi, qui dirige le Service carougeois des affaires culturelles et de la communication. Il est décidé finalement de réaménager la Maison Oppikofer-Montanrouge plutôt que de déménager en un autre lieu. Les travaux ont lieu dès 2019, avec en prime un incendie des combles en septembre de cette année-là, détruisant une admirable charpente d’origine. Le Musée ouvre ses portes le 15 septembre 2021 avec une exposition consacrée à la dessinatrice genevoise Albertine.
Cette plaquette se lit très agréablement. Un double regret néanmoins: d’abord, peu de mots dans l’ouvrage sur les presque quarante ans de vie familiale, culturelle et professionnelle durant lesquels la Maison Oppikofer-Montanrouge, autrefois pensionnat catholique international, fut le plus grand bâtiment du Vieux-Carouge habité par des privés; ensuite, le rôle essentiel de l’ancien Maire de Carouge, Jean-Paul Santoni, dans le projet de Musée est passé sous silence. Tout cela pourrait faire l’objet d’un nouvel ouvrage!

 

Laurent PASSER