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Les livres de 2022

Lectures de nouvelle année

12 Jan 2022 | Culture, histoire, philosophie

Spiritualité, nature, architecture, mode de vie: les grandes tendances de l’année qui commence se dessinent d’ores et déjà dans les livres.

Carnets d’un moine errant

La quête spirituelle, l’évocation de ses maîtres, l’étude des textes sacrés, les retraites qui peuvent durer des années, les réincarnations, le karma, mais aussi la puissance envoûtante de la nature, l’Himalaya, le sentiment de l’infini, la beauté des temples, la fulgurance des monastères perchés au sommet des montagnes, la ténacité et la douceur des habitants. Il y a tout cela dans les mémoires de Matthieu Ricard, qui raconte plus d’un demi-siècle de sa vie aux confins du Tibet, du Bhoutan, du Népal, de l’Inde. Il évoque ses voyages, ses émerveillements, ses tâtonnements, ses rencontres avec de grands spirituels. Un pavé de 764 pages qui surfe sur l’aventure du bouddhisme et de la civilisation tibétaine, «la seule civilisation métaphysique au monde», comme disait Ionesco, et qui rend compte d’un questionnement existentiel sans fin. La Montagne d’argent, le lac de l’Eternelle fraîcheur, les cavaliers du Toit du monde, la Citadelle du Lion des neiges… Le monde de Matthieu Ricard est un monde de poésie et de tendresse.

«Carnets d’un moine errant»,
par Matthieu Ricard,
Editions Allary, 764 pages.

Savoir supérieur

C’est un petit livre au titre un peu énigmatique. Il retrace en fait l’histoire du Rolex Learning Center de l’EPFL à Lausanne, conçu par le bureau japonais SANAA des architectes Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, qui reçurent ensuite le prix Pritzker. Professeur assistant en théorie de l’architecture dans la haute école, Christophe Van Gerrewey analyse le bâtiment sous toutes ses coutures et dans toutes ses significations. Au-delà de ses qualités esthétiques, explique-t-il, il faut suivre et comprendre les flux de vie et de créativité qu’il inspire. «Son importance première prend corps à travers son fonctionnement inaltérable au quotidien, en même temps qu’à travers son aptitude à symboliser durablement l’EPFL, non seulement à la manière d’un logo, mais, de façon plus déterminante, comme un ‘signifiant flottant’, capable de s’approprier et d’adapter les signifiés au gré des occasions, des stratégies et des points de vue».

«Savoir supérieur», par Christophe Van Gerrewey,
Editions PPUR, 104 pages

A la vie!

Il est décédé il y a presque une année, le 8 février 2021, à 89 ans, après avoir mené plusieurs vies denses et intenses: scénariste, dramaturge, écrivain, grand voyageur, Jean-Claude Carrière avait rédigé, peu avant sa mort, des notes qui ont donné naissance à ce petit livre qui commence par ces quelques mots: «J’aime le vin. Le bon vin, le vrai vin, qui ne figure pas forcément sur la liste des crus célèbres». Amoureux des plaisirs simples et précieux de l’existence, mais aussi des spiritualités orientales, fan absolu de l’Inde auquel il a consacré un Dictionnaire amoureux d’une grande érudition et d’une extrême sensibilité, Jean-Claude Carrière était un esprit à la fois joyeux et inquiet, un homme qui aimait profondément la vie, tout en éprouvant une sourde et permanente angoisse de la mort. Il avait d’ailleurs participé, avec Umberto Eco, à un livre troublant et parfois un peu halluciné, «Entretiens sur la fin des temps» (Editions Fayard).
Dans les derniers mois de sa vie, Jean-Claude Carrière était persuadé que la catastrophe écologique était inéluctable et qu’elle risquait de sonner le glas de l’humanité. «La Terre, notre planète, a déjà traversé plusieurs cycles, souvent très longs, qui ont fini par s’effacer et disparaître. Nous sommes sans doute les dinosaures de demain. Des spécialistes, dans quelques dizaines de siècles, une loupe dans une main, un grattoir dans l’autre, examineront savamment nos restes, s’ils les trouvent».
Sur le plan personnel, Jean-Claude Carrière écarte aussi toute idée de survie. «Il faudrait l’apprendre dans les écoles: non, il n’y a rien après la mort, pas d’autre monde, pas de Paradis, pas d’Enfer. (…) De la mort, nous n’avons rien à craindre, rien à espérer. Nous ne serons plus, c’est tout..».

«A la vie!», par Jean-Claude Carrière,
Editions Odile Jacob,
126 pages

Petite philosophie du vélo

Le vélo, c’est un moyen de déplacement, mais c’est aussi une manière d’être, un style de vie, un rapport à son environnement. Romancier, essayiste, prof d’histoire au lycée Louis-le-Grand à Paris, Bernard Chambaz est un penseur qui aime aussi l’effort physique, la transpiration, la fatigue, le dépassement de soi. Il a ainsi réalisé, en amateur, un Tour de France, un Giro, un Tour d’Espagne, une traversée des Etats-Unis et une autre du Canada. Dans ce petit livre subtil et très deuxième degré, il explique tout ce qui se cache derrière sa passion de la petite reine: la fusion corps et âme, le sentiment de la liberté, le goût de l’amitié ou de la solitude, la recherche du plaisir et d’une forme de souffrance, la légèreté, l’esthétique, la découverte des paysages, les surprises de la route… Des sensations qui vont dans tous les sens, mais qui aboutissent toutes à un même et puissant sentiment de plénitude. n

«Petite philosophie du vélo»,
par Bernard Chambaz, Editions Champs,
127 pages