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Imposition des biens immobiliers à Genève

Vers un compromis intelligent

21 Sep 2022 | Finance immobilière

Voilà deux ans que le Grand Conseil genevois travaille à une réforme de la fiscalité immobilière et, cette fois-ci, une majorité devrait la voter. Cette réforme ne concerne pas la fiscalité des immeubles dont la valeur est fixée avec un taux de capitalisation (immeuble locatif ou commercial), ni les immeubles agricoles. Il s’agit d’un vieux débat! En effet, la dernière estimation complète du parc immobilier genevois date de 1964. Depuis lors, les valeurs fiscales ont été majorées à trois reprises.

Celles-ci, en particulier pour les biens acquis dans les années 70, ne correspondent pas à la réalité du marché et il y avait volonté du Conseil d’Etat de corriger ce qui était considéré comme une inégalité de traitement entre les propriétaires ayant récemment acquis leur bien et ceux qui l’auraient acquis il y a longtemps. Or, la valorisation du bien immobilier a un fort impact sur l’impôt sur la fortune et sur l’impôt immobilier complémentaire. Certains considèrent d’ailleurs que le système fiscal genevois n’est pas compatible avec le droit fiscal fédéral (LHID) qui oblige de tenir compte de la valeur vénale des biens immobiliers et non pas de la valeur d’acquisition. Fort de ce constat, le gouvernement avait proposé en 2020 une loi qui avait pour objectif de réévaluer tous les biens sis à Genève à la valeur du marché.
Ce projet de loi du Conseil d’Etat n’a cependant pas trouvé de majorité en Commission fiscale. Il a été jugé trop compliqué, puisqu’il imposait la réévaluation de tous les biens du canton et aurait eu pour effet d’alourdir massivement les impôts des propriétaires malgré un certain nombre de mesures correctives. Pour éviter que la majorité de gauche du Conseil d’Etat ne soit tentée de passer en force en réévaluant, par la voie d’un simple règlement, la valeur fiscale des biens immobiliers, le PLR a déposé un projet de loi (dont le premier signataire est le député Cyril Aellen) visant à réformer cette fiscalité tout en évitant un alourdissement global de la charge fiscale des propriétaires du canton. Le taux de propriétaires à Genève étant extrêmement bas, il convient en effet d’éviter des mesures qui rendent encore plus difficiles l’accession à la propriété dans notre canton. Après un an de travaux, ce projet a trouvé une majorité en Commission fiscale et va certainement être voté par le Grand Conseil cette semaine, le 22 ou 23 septembre.

Cinq changements

Les principaux changements proposés sont au nombre de cinq:
1. Une majoration de 12% de la valeur fiscale des biens immobiliers pour tous les biens qui n’ont pas été réévalués (à la suite d’une estimation, d’une vente, d’une dévolution) dans les 11 dernières années précédent l’entrée en vigueur de la loi (a priori en 2023).
2. Indexation de cette valeur chaque année à l’indice genevois des prix à la consommation, mais au maximum de 1% par an.
3. L’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (IBGI), qui taxe les plus-values immobilières en cas de vente d’un bien, était à zéro % une fois passé 25 ans de détention. L’IBGI passera à 2% et cela sans limite de temps.
Ces trois premières mesures constituent des hausses d’impôts pour le propriétaire foncier. Elles sont compensées par les éléments suivants:
4. L’impôt immobilier complémentaire (IIC) est divisé par cinq pour le bien détenu par une personne physique qui est affecté à sa résidence principale (passant de 0,1% à 0,02%).
5. L’impôt sur la fortune (tant sur les biens mobiliers qu’immobiliers) est réduit de 15%. Ainsi, le taux marginal (qui varie en fonction des centimes additionnels communaux) passera d’environ 1% à environ 0,85%.
A noter que, contrairement au projet de loi du Conseil d’Etat, le projet PLR permet de maintenir l’abattement de 4% par an, pour un maximum de 40% après 10 ans, lorsque le propriétaire peut démontrer une occupation continue de son bien. La suppression de cet abattement aurait constitué une hausse immédiate et très importante de la fiscalité.

Genève doit éviter de chasser ses bons contribuables.

Rééquilibrage

Ainsi, selon les estimations de l’Administration cantonale, ce projet va engendrer une baisse d’impôt d’un montant total de CHF 101 millions, aux niveaux cantonal et communal. Cette estimation ne prend cependant pas en compte les effets dynamiques de cette baisse, l’histoire récente démontrant que les baisses d’impôt mises en œuvre ces 20 dernières années ont été résorbées en quelques années. Aussi, pour ce qui concerne précisément la fiscalité immobilière, il faut prendre en considération le fait qu’environ 4% du parc immobilier est amené à être vendu, donné ou transféré par dévolution successorale. Ces biens sont alors réévalués à la valeur vénale, ce qui a pour effet en général d’augmenter la fiscalité (fortune et IIC) du nouveau propriétaire. Ainsi, mécaniquement, pour les finances de l’Etat et des communes, des revenus supplémentaires seront générés par l’écoulement des années. Par conséquent, malgré la baisse de rentrées fiscales dans les premières années, nous pouvons conclure que le système s’équilibrera très rapidement, ce qui est l’objectif annoncé du Conseil d’Etat dans cette réforme.


Ce projet de loi a l’avantage d’être simple à mettre en œuvre et d’offrir une certaine prévisibilité pour les actuels et futurs propriétaires. Il comprend des indexations pour tenir compte de la hausse des prix, mais de façon mesurée. Par ailleurs, il a le grand intérêt de rendre notre canton plus compétitif dans le domaine de l’impôt sur la fortune. Certes, à 0,85 %, notre canton restera encore le plus mauvais élève de Suisse en la matière, mais en compagnie de Bâle-Ville. Mais si Genève redevient plus attrayant, moins de particuliers fortunés seront tentés, en particulier au moment de la retraite, de quitter le canton pour aller se domicilier dans des cantons à la fiscalité plus douce, ou encore à l’étranger. Ce sera donc plus de recettes fiscales à moyen terme pour le canton.
Si cette loi est votée cette semaine, elle fera très certainement l’objet d’un référendum. Vous n’avez donc pas fini d’en entendre parler…

 

Alexandre de Senarclens
Député PLR au Grand Conseil genevois
et avocat

Alexandre de Senarclens.